S'échangeant actuellement autour de 70 dollars, les prix du pétrole marquent une pause après leur récente chute. Le marché, les incertitudes sur les perspectives économiques et la demande maintiennent les prix sous pression.
Depuis le début de l'année, l'attention du marché s'est détournée des sanctions américaines renforcées contre les exportations russes pour se concentrer sur la nouvelle politique de Washington favorable au forage («drill, baby, drill»), sur l'annonce des pays pétroliers de mettre fin aux réductions de production et, plus récemment, sur les inquiétudes concernant l'économie et la demande de pétrole de manière plus générale. Ce changement d’attention a coïncidé avec un changement significatif de sentiment de marché qui est passé d'un optimisme haussier à un niveau plus neutre. Les fonds spéculatifs et d'autres acteurs ont réduit leur position sur le marché à terme, ce qui a exercé la pression habituelle sur les prix. Cette tendance devrait se poursuivre.
D'un point de vue fondamental, le marché pétrolier semble bien approvisionné. La perception d’une rareté des stocks en Amérique du Nord est largement compensée par l'abondance des stocks en Chine. Les États parias, tels que la Russie et l'Iran, continuent de trouver des acheteurs en Asie, montrant ainsi leur capacité d'adaptation aux restrictions. La demande de pétrole stagne dans l’ensemble, en raison de l'érosion de la demande de carburants routiers en Europe et en Chine, ainsi qu’en l'absence de croissance en Amérique du Nord. La transition énergétique est clairement en marche.
Un autre changement fondamental pourrait être en train de se produire. La décision des pays pétroliers d'assouplir les réductions d’approvisionnement est en partie liée aux investissements récents de certains membres. Le Kazakhstan, les Émirats arabes unis et bientôt la Russie ont achevé divers projets ou sont sur le point de le faire. Le marché pétrolier ne pourra probablement pas absorber tous ces volumes.
La concurrence devrait s'intensifier et les exportations américaines de pétrole pourraient passer de la croissance à la stagnation. Les discussions sur le possible plafonnement de la production de schiste aux États-Unis avant ou après 2030 ajoutent un élément supplémentaire à cette évolution. L'industrie américaine du schiste verra-t-elle sa productivité ralentir et ses coûts augmenter, du fait qu'elle doive se tourner vers des réservoirs de moindre qualité? Ou la demande mondiale de schiste américain émanant des acheteurs européens et asiatiques diminuera-t-elle quoi qu’il arrive?
Derrière les bruits géopolitiques, des changements structurels semblent bel et bien se dessiner, mais pour des raisons plutôt économiques que politiques. Nous maintenons notre position neutre et prévoyons que les prix se négocieront autour des 65 dollars dans le courant de l'année. Le marché du pétrole semble s’orienter vers un excédent cette année. Les négociations sur le cessez-le-feu en Ukraine pourraient entraîner un assouplissement des sanctions sur le pétrole russe, qui pourrait être compensé par des restrictions à l'exportation plus sévères imposées à l'Iran ou au Venezuela. Cela dit, les exigences de la Russie restent encore floues dans le cadre des négociations en cours, tout comme la volonté de l'administration américaine d'assouplir les sanctions sur le pétrole russe et d'intensifier la concurrence.