Nouvelle initiative fédérale sur les successions

Fabien Nanchen, Edmond de Rothschild

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En mars 2024, la Jeunesse Socialiste suisse (JS) a déposé son initiative sur les successions qui prévoit un impôt de 50% sur les successions dépassant les CHF 50 millions.

 

Etat de situation des impôts de successions et donations

Alors que la Confédération n’impose ni les successions, ni les donations, l’ensemble des cantons – à l’exception de Schwyz et Obwald – le fait, selon des règles propres à chacun.

Pour la majorité de ceux-ci, les parts héréditaires sont frappées d’une charge qui varie, en principe, en fonction du degré de parenté avec le de cujus et la somme héritée (barèmes progressifs).

Communément les conjoints, très fréquemment les descendants directs, régulièrement certaines associations et fondations sont exonérées de charge fiscale lors de libéralités ou de transferts successoraux.

Les régimes fiscaux actuels connaissent de nombreuses exceptions et abattements, légitimés par les spécificités du canton concerné (tissu entrepreneurial local; immobilier; etc.).

Les impôts sur les successions et donations ont rapporté en 2018 plus de CHF 1’200 millions (env. 85% aux cantons et 15% pour les communes), soit moins de 1% des recettes fiscales des pouvoirs publics (Confédération, cantons et communes) qui avaient atteint, cette année-là, les CHF 147'645 millions.

Projet de la JS

L’initiative JS demande une imposition de 50% sur les successions et les donations de plus de CHF 50 millions.

Bien que de nombreux aspects de cette initiative devraient encore être clarifiés – et non des moindres, les modalités d’estimation et d’application de la franchise des CHF 50 millions selon  le texte…

  • … interdit toute exception: traitement indifférencié d’un portefeuille de titres cotés et des droits participations d’une PME locale ou nationale. En cela la présente initiative diffère sensiblement du projet 2015 d’impôt successoral au niveau fédéral, refusé à l’époque par pas moins de 71% des votants;
  • … touche à la masse successorale: la typologie des récipiendaires – conjoint, enfants, tiers - n’influence en rien l’imposition;
  • … met en péril les soutiens philanthropiques: ceux-ci n’étant pas exclus du champ de l’impôt;
  • … introduit une compétence fédérale additionnelle: le nouvel impôt ne se substitue pas aux impôts existants mais il s’y ajoute (des impositions proches des 100% semblent dès lors tout à fait envisageables);
  • et prescrit finalement des mesures «urgentes» visant à empêcher l’évasion fiscale en cas de départ à l’étranger (un registre national devrait être créé et géré spécifiquement à cet effet).

La JS s’attend à des recettes fiscales complémentaires avoisinant les CHF 6’000 millions par an, touchant plausiblement 2'000 personnes, qui seront affectées à la préservation du climat.

Rejet du projet du Conseil Fédéral

En mai 2024, le Conseil fédéral a décidé de rejeter l’initiative sans lui opposer de contre-projet estimant, notamment, que sa politique de protection du climat, financée à hauteur de CHF 2’500 millions par an, satisfait déjà les buts de l’initiative. En sus, et contrairement à la politique actuelle des pouvoirs publics, l’initiative ne produirait aucun effet incitatif et n’encouragerait en rien les plus fortunés à adapter leur comportement, puisqu’ils seraient redevables de cet impôt indépendamment de leur empreinte carbone.

Selon nos sept Sages, les autorités seraient tenues d’affecter le produit de cet impôt exclusivement à des fins de «politique climatique» et le montant des dépenses ne serait pas déterminé par les besoins de protection du climat, mais par l’ampleur des recettes générées.

Finalement, et s’agissant des PME familiales, il existerait, selon le Conseil fédéral, un risque incontestable que celles-ci soient tout ou en partie vendues aux fins d’acquitter des droits de succession. Pour le Conseil fédéral, l’initiative constitue sur ce point une menace à la pérennité et la prospérité des entreprises et des emplois qui y sont liés.

Contre-projet du «Centre»

En avril 2024, une initiative parlementaire, déposée par Monsieur Marc Jost du groupe du Centre, vise à imposer les successions de plusieurs millions pour financer l’AVS.

L’auteur de cette initiative parlementaire estime en effet qu’une imposition à 10% et une franchise de CHF 5 millions seraient «envisageables», en sus des impôts cantonaux existants. Monsieur Jost considère par ailleurs que sa démarche devrait être assimilée à une contre-proposition légitime à l’initiative JS.

Monsieur Jost propose d’affecter le produit de ce nouvel impôt au financement de l’AVS.

Bien que le texte de l’initiative ne semble pas séduire les citoyens suisses , puisque 74% des Romands et 66% des Suisses alémaniques le rejetterait (67% en moyenne Suisse), gageons que cette thématique fera couler encore beaucoup d’encre avant son passage par les urnes, attendu pour 2026.

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