Notre marché du travail, notre avenir

Martin Neff, Raiffeisen

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 La Suisse est bien notée en ce qui concerne la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.

Les discussions actuelles sur le marché du travail sont bien sûr dominées par le coronavirus. Il faut sans aucun doute s’attendre à une hausse du nombre de chômeurs. Mais lorsque nous comparons la situation à celle de l’étranger, la Suisse connaît pratiquement le plein emploi. Même si notre perception actuelle peut s’en écarter parce qu’il est partout question de réduction de l’horaire de travail et de craintes pour l’avenir. Grâce aux stabilisateurs automatiques et à une politique du personnel prévoyante de nombreuses entreprises pour qui les licenciements ne sont souvent que la conclusion d’un long chemin de croix, l’état du marché du travail ne devrait pas être une source d’inquiétude. Si la situation en Suisse était comparable à celle des Etats-Unis, beaucoup plus de personnes seraient actuellement au chômage. Au plus haut de la crise du coronavirus, le taux de chômage mensuel hors réduction de l’horaire de travail et autres mesures aurait facilement culminé à 15%. Nous avons au moins été épargnés par ce chiffre brut. Et nous partons tous du principe qu’une reprise pourrait s’amorcer au milieu de l’année prochaine. Le creux conjoncturel sur le marché du travail ne devrait pas se pérenniser.

Structurellement, notre marché du travail est très stable et toujours aussi attrayant, même pour la main-d’œuvre étrangère, car la migration ne s’est pas effondrée. Cela s’explique bien sûr aussi par les salaires élevés et les prestations sociales de qualité qui ont toujours fonctionné. Mais il y a également des facteurs qui dépendent moins des conditions d’engagement directes, mais plutôt de l’attrait globalement élevé de la Suisse. Celui-ci a été cultivé et préservé au cours des dernières décennies. En termes de  participation au marché du travail de la population, la Suisse se situe à 68,1%. Dans une comparaison européenne, elle se place ainsi sur le podium. La participation au marché du travail est exceptionnellement élevée (79,9%) en Islande, mais c’est de tradition. Nos voisins affichent tous une participation au marché du travail beaucoup moins élevée (Allemagne: 62,6%; Autriche: 61,4%; France: 55,5%; Italie: 49,9%). Outre l’Italie, la Croatie (51,3%) et la Grèce (51,6%) affichent les taux de participation les plus bas en Europe. La moyenne de l’UE28 ressort à 58,3%. Sur les quelque cinq millions d’actifs en Suisse, 37,4% travaillent à temps partiel. Pour les femmes, la part du travail à temps partiel est de près de 60% contre 20% pour les hommes. 12,6% des actifs sont des travailleurs indépendants, beaucoup plus de la moitié des salariés. Et dès 2019, avant même le coronavirus, 18,9% des actifs travaillaient déjà de chez eux. Mais quelles sont les autres caractéristiques d’un bon marché du travail?

Intéressons-nous à la perception des salariés. Seuls 8% des salariés sont plutôt voire totalement insatisfaits de leur travail. 79%, un pourcentage quasi record, sont en revanche plutôt voire totalement satisfaits. Les enquêtes dans nos pays voisins ne sont pas aussi positives. La Suisse est également bien notée en ce qui concerne la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Dans une étude correspondante, l’Office fédéral de la statistique en arrive à la conclusion suivante: «70% des salariés peuvent généralement différer rapidement le début et la fin du temps de travail pour des raisons familiales (hommes: 74%, femmes: 64%) et 53% peuvent prendre une journée, sans avoir à utiliser leurs congés pour cela (femmes: 57%, hommes: 49%).»  Lorsque je raconte cela à des collègues en Allemagne, ils ne peuvent que s’en étonner. En Autriche et en Italie également, car partout les employeurs sont loin d’être aussi arrangeants qu’en Suisse. La flexibilité sous toutes ses formes, surtout temporelle, est plus que jamais à l’ordre du jour sur le marché du travail. Mais elle se fonde aussi sur de la réciprocité. C’est sans doute pour cela que la Suisse (avec environ 42,5 heures) se situe tout en haut dans la statistique de la durée hebdomadaire du travail la plus élevée. En France, cette valeur est inférieure de cinq heures. L’UE28 se hisse à peine à 39,5 heures. Une réglementation élevée du marché du travail et la flexibilisation s’opposent depuis toujours. Si l’on tient compte en plus de la création de valeur brute  par tête globalement élevée en Suisse, on comprend d’où vient la prospérité. Elle est gagnée heure après heure. La principale ressource de l’économie reste cependant encore le marché du travail, quels que puissent être les progrès techniques. Tant que celui-ci est intact, le pays n’a besoin de chercher ni des travailleurs auxiliaires ni des talents. Ceux-ci continueront à affluer spontanément à l’avenir.

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