Ma petite entreprise ne connait pas la crise

Anick Baud, Bruellan

2 minutes de lecture

Emmi et Sensirion: deux entreprises tirent leur épingle du jeu. A nuancer toutefois.

Alors que plus de la moitié de l’humanité vit en confinement depuis un mois et que l’on commence à envisager un déconfinement progressif, le coût sur l’économie de ces mesures de protection sera sans précédent. Si les différents gouvernements ont peiné à chiffrer l’impact de cette stratégie sur le produit intérieur brut de leur pays, tant la visibilité était faible et la situation inédite, aujourd’hui il ne fait plus l’ombre d’un doute qu’une récession sans précédent plane sur nos pays.

En Suisse, par exemple, le Secrétariat à l’Economie (Seco) envisage désormais 2 scenarii, bien plus sombres que ceux échafaudés il y a un mois. Dans le premier cas, «récession en V», les pertes de production atteindrait 25% de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie mais on assisterait à une reprise rapide, ce qui permettrait de limiter la chute du PIB à 7%. Dans le deuxième cas, «récession en L», les pertes seraient identiques mais le reprise serait beaucoup plus lente, entraînant ainsi une chute du PIB de 10%. Il faudrait, selon ce scenario-là, attendre plusieurs années avant de retrouver le niveau de richesse de 2019.

L’interdiction du tourisme d’achat
apporte un surplus de demande plus que bienvenu.

Cette situation sans précédent fait bien entendu écho à ce que traversent les entreprises suisses qui déplorent, presque toutes, un arrêt brutal de la demande et ont dû fermer certaines de leurs usines, que ce soit en Suisse ou à l’étranger et avoir massivement recours au chômage partiel.

Dans cet environnement bien sombre, on trouve néanmoins quelques sociétés qui n’ont pas connu d’arrêt de leur production, bien au contraire!

Prenons deux exemples distincts, dans deux secteurs différents.

Tout d’abord Emmi, le fabricant de produits laitiers du Canton de Lucerne. Le confinement a, sans surprise, fait exploser les ventes de yaourts, lait, beurre et fromage. Par ailleurs, l’interdiction du tourisme d’achat apporte un surplus de demande plus que bienvenu. De l’aveu de sa directrice des finances, Ricarda Demarmels, les réserves faites par les Suisses au début de la crise ont même permis à Emmi de réaliser, en termes de ventes, le meilleur mois de mars de son histoire. Les usines de l’entreprise produisent ainsi 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et le groupe lucernois a dû doubler le nombre de ses camions de transport pour aider ses principaux clients, dépassés en termes de logistique.

Sensirion a dû multiplier sa production par 4 et a dû engager
des collaborateurs temporaires pour satisfaire la demande.

Autre exemple, la société de technologie zurichoise Sensirion, leader mondial dans le développement et la fabrication de capteurs environnementaux et de flux. Ses senseurs sont notamment utilisés dans certains appareils médicaux. Le groupe compte par exemple parmi ses clients le suisse Hamilton Medical (leader mondial des respirateurs avant la crise actuelle), qu’il équipe en capteurs pour mesurer les flux de gaz dans ses respirateurs. Nul besoin de préciser que la demande pour les respirateurs a connu ces dernières semaines une importante accélération, ce qui a, par ricochet, profité à Sensirion. En effet, le groupe zurichois a ainsi dû multiplier sa production par 4 et a dû engager des collaborateurs temporaires pour satisfaire la demande. 

Si la situation paraît idyllique pour ces deux sociétés, il convient néanmoins de nuancer quelque peu. En effet, pour Emmi, cette production supplémentaire coûte cher et un de ses produits phares, le «Caffè Latte», a vu ses ventes s’écrouler car il était bien souvent acheté par les consommateurs sur le chemin du travail. Plus de demande, oui, mais pour des produits moins chers, ce qui aura forcément un impact négatif sur les marges bénéficiaires du groupe. Quant à Sensirion, les ventes dédiées à l’industrie pharmaceutique ne représentent qu’une petite partie de son chiffre d’affaires et la dizaine de millions supplémentaires générés ne pourra malheureusement pas compenser les pertes liées au secteur automobile et à l’industrie, qui ont représenté, en 2019, plus de 70% de ses revenus.

Cependant, dans ce flot de mauvaises nouvelles, le rythme toujours soutenu de leurs activités, fut-il temporaire et coûteux, fait du bien à entendre.

A lire aussi...