Les marchés à court de carburant cherchent à refaire le plein

Peter van der Welle, Robeco

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Confrontés aux difficultés liées à l'approche des élections US et au COVID-19, les marchés ont besoin d'un catalyseur majeur pour pouvoir avancer.

Alors que les niveaux d’activité réelle mondiaux sont encore bien inférieurs aux niveaux d’avant la crise du coronavirus, les marchés financiers sont déjà revenus au point de départ. Après le plus fort rebond post-récession depuis les années 1930, les actions étaient à court de carburant en septembre. Dans le segment plus risqué du marché obligataire, les spreads s’étaient déjà resserrés à des niveaux habituellement observés des années après un pic de récession. Soutenues par l’aide massive apportée par les banques centrales et les gouvernements, les primes de risque se sont comprimées bien plus rapidement que lors de précédents rebonds post-récession.

A ce stade, les investisseurs sont confrontés à plusieurs risques à court terme qui pourraient compromettre la reprise actuelle de l’économie et des prix des actifs. Ces risques sont notamment liés à l’élection présidentielle américaine de plus en plus houleuse, qui aura lieu dans moins d’un mois, et d’autant plus troublée en raison du test positif au coronavirus du président Donald Trump. 

Donald Trump contre Joe Biden

Outre la pandémie de COVID-19, le risque lié aux élections américaines est clairement passé en tête des préoccupations chez les investisseurs. La volatilité, telle que mesurée par l’indice VIX, indique que le marché s’inquiète des conséquences de l’élection présidentielle américaine du 3 novembre. 

Une source supplémentaire d’incertitude
concerne le test positif du président des Etats-Unis au COVID-19.

Il est sans précédent que le président américain sortant ne soit pas disposé à donner des garanties sur une transition pacifique du pouvoir, déclarant au contraire que tout résultat d’élection ne le montrant pas comme vainqueur serait truqué. Cela augmente les probabilités d’une élection contestée. Une source supplémentaire d’incertitude concerne le test positif du président des Etats-Unis au COVID-19, celui-ci soulevant plus de questions qu’il n’apporte de réponses aux marchés.

De plus, les marchés s’attendaient à voir aboutir les négociations concernant un quatrième plan de relance budgétaire entre démocrates et républicains après la réouverture du Congrès. Selon toute logique, les deux partis avaient d’excellentes raisons de se mettre d’accord sur un ensemble de mesures visant à apaiser leurs électeurs à l’approche d’une élection générale. Les discussions ont au contraire mené à une impasse.


 
Témoignage de l’inquiétude des marchés quant à une élection américaine contestée, la partie courte de la courbe des contrats à terme sur le VIX s’est orientée à la hausse le mois dernier.

 

Le sentiment s'est détérioré

Il paraît évident que le sentiment bipartisan au Congrès américain s'est dégradé suite au décès de la juge libérale de la Cour suprême, Ruth Bader Ginsburg. Le président Donald Trump a nommé la juge conservatrice Amy Coney Barrett, ignorant les appels à laisser cette nomination dans les mains du vainqueur de l’élection présidentielle. Cela a rendu l’obtention d’un accord bipartite au Sénat américain sur les futures mesures de relance financière, destinées à combattre les conséquences économiques des mesures visant à endiguer le coronavirus, bien plus difficile.  

Même le récent appel à un soutien budgétaire plus important de la part du président de la Fed, Jerome Powell, n'a pas créé le sentiment d'urgence nécessaire au Congrès pour éviter une «falaise budgétaire» – un écart de durée entre le soulagement immédiat de la crise et le début d'une reprise auto-alimentée.

La force de relance s'amenuise

Entre-temps, la capacité des banques centrales à soutenir les marchés avec des plans de relance de plusieurs milliards de dollars diminue. Les excédents de liquidité restent encore conséquents, mais ils plafonnent et ne s'accélèrent plus. C’est en partie grâce à l’accélération de ces excédents de liquidité, soutenant l’expansion des multiples cours/bénéfices, que les prix des actions ont pu grimper.

Il paraît trop tôt pour revenir sur les actions ou sur les segments
les plus rentables des marchés obligataires.

L'attention des investisseurs se portera donc désormais davantage sur la capacité de croissance des bénéfices sous-jacents, et par conséquent sur les potentiels risques pour la reprise économique en cours. Face à ces risques à court terme, il est tentant de les réduire encore plus. Les probabilités implicites du marché des options montrent clairement que les risques sont orientés à la baisse pour les trois prochains mois. 

La deuxième vague est arrivée

Et puis il y a aussi l'impact continu de l'augmentation des cas de coronavirus résultant de l'assouplissement des restrictions, et qui entraîne de nouvelles mesures de confinement affectant l'économie. La résurgence du COVID-19 dans les économies avancées est inquiétante, mais elle semble représenter un risque bien plus faible par rapport à la première vague. L'amélioration du traçage, des tests et des traitements réduira le nombre d'hospitalisations et le taux de mortalité, et de ce fait les risques de reconfinement total.

Il existe une corrélation négative évidente entre le nombre de décès et l'impact économique des mesures d'endiguement au deuxième trimestre 2020. Un taux de mortalité plus faible lors de la deuxième vague impliquerait également une moindre atteinte au momentum économique. En outre, l'annonce d'un vaccin efficace pouvant être produit et distribué à l'échelle mondiale se rapproche. 

La prudence est de rigueur

En résumé, il paraît trop tôt pour revenir sur les actions ou sur les segments les plus rentables des marchés obligataires. Le scénario plus envisageable reste celui selon lequel l’économie mondiale continuera de s’améliorer même si le plus dur reste à venir. Les niveaux d’activité vont continuer à augmenter, bien qu’à un rythme plus lent, et les conditions monétaires vont rester extrêmement accommodantes, avec des banques centrales disposées à agir si nécessaire.  

Néanmoins, une position prudente reste de mise, car la nature des risques à court terme est importante. Dans un marché qui est à court de carburant, les perspectives à court terme ne mènent pas loin. Il faudra attendre des points d'entrés plus attractifs pour pouvoir prendre davantage de risques.  

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