La relation entre les rendements des obligations d'Etat et les taux de swap - ou swap spread - est au centre de l’attention. Il y a quelques semaines, le marché s'est penché sur l'Europe, alors que le rendement du Bund allemand à 10 ans a dépassé le taux de swap de l'euro à 10 ans pour la première fois de son histoire. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les rendements des obligations d'État étaient supérieurs à leurs taux de swap depuis un certain temps déjà, bien que nous observons actuellement des écarts record pour certaines échéances. Que nous apprend exactement ce resserrement des swap spreads? Et pourquoi devrions-nous nous en préoccuper en tant qu’investisseurs obligataires?
Qu'est-ce que le swap spread?
Un swap de taux d'intérêt permet à deux parties de s’échanger des titres pour une période donnée, généralement un taux variable contre un taux fixe ou inversement. Par exemple, une entreprise ayant beaucoup de dettes à taux variables et craignant une augmentation des taux d'intérêt, conclut un accord de swap avec une institution financière et convertit ce taux variable en taux fixe pour une période donnée. La partie fixe du swap représente le rendement moyen attendu pour des instruments comparables à court terme sur cette même période. En d'autres termes, il n’y a pas de différence à terme pour l’investisseur entre un taux fixe du swap à 10 ans ou une série de paiements à taux variable sur la même période.
Le swap spread est la différence entre le rendement nominal des obligations d'État et celui de la partie fixe sous-jacente d’un accord de swap de même échéance. Autre exemple, avec des rendements du Trésor américain à 10 ans à 4,42% au moment de la rédaction et un swap à 10 ans à taux fixe en dollars américains à 3,92%, l'écart de swap américain est de -50 points de base. En euros, les anticipations de baisses de taux plus importantes ont réduit le taux swap à 10 ans de 14 points de base depuis le début de l'année, alors que dans le même temps les rendements du Bund à 10 ans a augmenté de 36 points de base, passant de 2,02% à 2,38%.
En ce qui concerne la valeur relative et de l'allocation de portefeuille, les implications sont moins claires.
Le swap spread capture essentiellement tous les autres facteurs qui déterminent les valorisations des obligations d'État en dehors de l’anticipation des taux d’intérêt pas les marchés. Ces facteurs comprennent notamment les niveaux estimés pour l'offre et la demande des obligations de l'État en question, le risque de crédit (ou risque de défaillance) et le coût d'arbitrage de la différence entre ces deux instruments similaires.
Pourquoi les écarts de swap sont-ils devenus négatifs?
Historiquement, les swap spreads sont positifs, les taux de swap étant plus élevés que les rendements nominaux des obligations d'État. Le récent resserrement des swap spreads suggère que les investisseurs s'inquiètent de l'augmentation de l'offre d'obligations d'État, avec pour conséquence évidente une augmentation des coûts «de service» de la dette (qui annule une partie des avantages des récentes baisses de taux). Les récents développements politiques ont été largement évoqués comme un facteur potentiel: le budget britannique, les élections américaines et les nouvelles élections anticipées en Allemagne laissent présager une augmentation de l'offre d'obligations d'État dans les mois et les années à venir, et ont entraîné une surveillance accrue des déficits budgétaires.
Nous pensons que l'un des moteurs de la tendance de ces deux dernières années a été l'augmentation effective de l'offre d'obligations d'État, entraînée par le retournement des investisseurs vers les obligations du secteur privé à la suite du resserrement quantitatif. La réglementation a également joué un rôle, avec diverses règles introduites après 2008 qui rendent l'arbitrage des swap spreads plus difficile pour les institutions financières. Pour plusieurs raisons, l'abandon du Libor au profit du Secured Overnight Financing Rate (SOFR) pourrait également avoir joué un rôle.
Quelles sont les implications?
En ce qui concerne la valeur relative et de l'allocation de portefeuille, les implications sont moins claires. D'une part, plus le swap spread est négatif, plus les obligations d'État deviennent attrayantes en tant qu'instrument de couverture du crédit, car elles semblent bon marché par rapport au taux de swap. En particulier, la demande en obligations souveraines pourrait augmenter assez rapidement si les craintes de récession devaient réapparaître - ce qui est toujours possible dans un environnement de fin de cycle - ce qui créerait probablement un fort soutien technique pour les obligations d'État et conduirait à un élargissement important du swap spread. Dans un tel scénario, les rendements des obligations d'État pourraient être davantage plombés par la nécessité pour les banques centrales de réduire plus rapidement leurs taux d'intérêt. D'un autre côté, la situation macroéconomique et technique actuelle - des perspectives de croissance mornes avec des déficits budgétaires qui se creusent en période de resserrement quantitatif - signifie qu'un nouveau resserrement des swap spreads ne peut être exclu.
Les implications pour les investisseurs sont variables. Les obligations d'État se sont dépréciées par rapport aux taux de swap, ce qui pourrait avoir des conséquences pour ceux qui couvrent leur exposition aux taux d'intérêt à travers différents instruments. En ce qui concerne le crédit, il convient de noter que les gestionnaires d'actifs à long terme ont tendance à considérer les rendements globaux et le spread entre une obligation d'entreprise et une obligation d'État de référence à même échéance (ce qui permet de saisir le resserrement des spreads de swap dans les rendements globaux). Certains émetteurs obligataires, en particulier en euro, ayant l'intention de couvrir le risque de taux au moyen d'un swap, examinent l'écart par rapport au taux de swap. Une émission primaire en euros dont le prix est fixé à 100 points de base au-dessus des swaps au début du mois d'octobre aurait donné un rendement global de 3,35%, soit 120 points de base au-dessus des Bunds. Aujourd’hui, une obligation identique fixée à 100 points de base au-dessus des swaps ne serait que 100 points de base au-dessus des Bunds. Différents acteurs du marché se concentrent sur différents écarts de taux. Pour nous, les spreads de crédit européens semblent un peu plus serrés en raison des mouvements récents des swap spreads.