Ne manquez pas la prime de rareté sur les AT1

Jakub Lichwa, TwentyFour Asset Management

3 minutes de lecture

Un fort élan aux valorisations des obligations Additional Tier 1 est attendu dans les années à venir.

©Keystone

 

Au cours des quatre premiers mois de l’année, les banques européennes ont émis pour un montant brut de 11,6 milliards d’euros d’obligations Additional Tier 1 (AT1), en euro, en dollar et en livre sterling. Si l’on considère la même période sur les cinq dernières années, cette émission représente le deuxième montant le plus élevé d’AT1 mis sur le marché, juste derrière 2023, qui a vu 13,3 milliards d’euros de nouvelles émissions. À titre de comparaison, l’encours total des AT1 en euros, en dollars et en livres sterling s’élève à environ 190 milliards d’euros.

Toutefois, si les émissions brutes réalisées depuis le début de l’année sont certainement importantes, tant en valeur absolue que dans un contexte historique, elles ne représentent qu’une partie de l’offre.

Au cours des dernières semaines, les banques européennes ont annoncé le rachat d’environ 7,0 milliards d’euros d’obligations AT1, ce qui représente près de 4% de l’ensemble de l’univers ou environ 30% des obligations AT1 remboursables en 2024. Toutes les obligations qui sont arrivées à la première date d’appel cette année ont été effectivement rappelées, ce qui fait écho au comportement de l’émetteur que nous avons vu dans la grande majorité des cas dans le passé. Les dernières annonces portent à 13,9 milliards d’euros le montant total des AT1 qui ont été rappelées ou qui ont fait l’objet d’une OPA cette année, soit plus que les 11,6 milliards d’euros d’offre brute. Ce chiffre passe à 19,0 milliards d’euros si l’on tient compte des AT1 qui ont été rappelées à la fin de 2023 mais remboursées cette année. Pour l’avenir, les marchés s’attendent à ce que l’offre totale pour l’année soit de l’ordre de 25 à 30 milliards d’euros. Avec 10,0 milliards d’euros de titres encore remboursables pour le reste de l’année, l’offre nette d’AT1 en 2024 ne devrait pas être significative dans le contexte de l’encours total.

Selon nous, l’offre nette contenue de cette année n’est qu’une simple représentation de tendances plus larges dans l’univers des AT1. La tendance est à la croissance rapide de l’émission de titres depuis la première émission par BBVA (en mai 2013) jusqu’à la fin 2021. Au cours de cette période, les banques européennes ont progressivement éliminé les titres subordonnés juniors de niveau 1 qui n’étaient pas conformes aux dernières exigences réglementaires et les ont remplacés par des titres AT1. D’ici fin 2021, de nombreuses banques auront atteint le niveau optimal de capital AT1 dans le cadre de leur structure de capital réglementaire.

À ce stade, nous tenons à souligner que l’émission de capital bancaire (y compris de capital AT1) est différente de celle des entreprises non bancaires, car elle est directement influencée par leurs exigences en matière de capital. La tarification, les évolutions du bilan et les besoins généraux de financement sont également des considérations très importantes dans l’émission d’instruments de capital, mais, à notre avis, les banques seront généralement moins sensibles au coût des AT1, tant qu’il est inférieur au coût des fonds propres.

Les exigences de fonds propres qui influencent le montant de l’émission sont basées sur les actifs à risques pondérés (RWA) et sur l’exposition à l’effet de levier. En l’absence d’une croissance significative des actifs pondérés et de l’effet de levier au cours des deux dernières années, le besoin d’émission d’AT1 est resté globalement inchangé et, dans certains cas, a diminué. La dernière valeur totale de l’indice Bloomberg European Banks CoCo Tier 1 Statistics Index est de 167 milliards d’euros, ce qui est inférieur au pic de 189 milliards d’euros atteint au début de 2022 - cette diminution de grande ampleur peut s’expliquer par l’annulation des AT1 du Crédit Suisse. Cette taille est comparable à celle des obligations à haut rendement (HY) américaines (1'340 milliards de dollars), des obligations HY en euros (380 milliards d’euros) et des obligations HY en livres sterling (40 milliards de livres sterling). À terme, nous notons que la plupart des changements réglementaires ont été largement absorbés dans les positions de capital actuelles des banques européennes. La croissance supplémentaire de leurs bilans pourrait être compensée par les efforts d’optimisation des actifs à risques pondérés, par exemple par le biais de titrisations synthétiques, et donc par la réduction des exigences en matière de capital. Même en l’absence d’efforts d’optimisation, nous ne nous attendons pas à une croissance significative des bilans, celle-ci suivant généralement les projections de croissance des économies sous-jacentes. Ceci étant dit, nous ne nous attendons pas à ce que le montant total de l’encours des AT1 européens dépasse de sitôt le pic de début 2022.

Dans l’ensemble, nous considérons que les récentes émissions nettes d’AT1 modérées s’inscrivent dans une tendance plus large liée au remplacement des anciens instruments subordonnés de second rang, qui a atteint son apogée au début de 2022. Étant donné que nous prévoyons une croissance limitée des bilans des banques européennes et des exigences de fonds propres plutôt statiques dans les années à venir, nous estimons que la marge de manœuvre pour une augmentation future des émissions nettes d’instruments de fonds propres bancaires est limitée - ce qui différencie les AT1 des obligations d’entreprises/HY, où l’offre est plus étroitement influencée par les prix et les besoins de financement. Nous pensons que cette tendance donnera un fort élan aux valorisations des AT1 dans les années à venir et pourrait finalement conduire à une prime de rareté pour ces titres. Il est probable que les prix des obligations soient mieux soutenus de ce fait, même pendant les périodes de faiblesse du marché.

A lire aussi...