Les derniers seront les premiers

Ben Hayward, TwentyFour AM

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Le marché européen des CLO a démarré lentement, mais ses gisements de valeur comptent parmi les plus importants sur les marchés de taux.

Ce début d’année s’est montré prometteur pour une bonne partie du marché européen des titres adossés à des actifs financiers, les ABS (Asset Backed Securities). Ce ne sont pas moins de quatre RMBS (Residential Mortgage-Backed Securities) ou titres garantis par des créances hypothécaires sur des biens immobiliers à usage d’habitation dont deux étaient néerlandais et deux britanniques, ainsi qu’un CMBS (Commercial Mortgage-Backed Securities) ou titres garantis par des créances hypothécaires sur des immeubles commerciaux français qui ont été proposés sur le marché.

L’éclosion des CLO (Collateral Loan Obligations) européens a en revanche été plus lente, ce qui s’explique vraisemblablement par la longueur relative de leur processus de commercialisation. En général, la tranche equity est commercialisée en priorité puis, dans un second temps, la banque en charge de l’opération cherche à placer les obligations AAA avant de commercialiser en dernier lieu toute la structure du capital.

Les multiples atouts des CLO

Depuis un certain temps déjà, nous insistons sur l’intérêt que les CLO représentent pour les investisseurs, notamment du point de vue de leur performance sur le plan du crédit, de leurs avantages en termes de spreads comparés à ceux d’autres segments du marché obligataire, de la valeur de leur plancher Euribor et de la diversification. En outre, au vu des belles performances enregistrées par les autres segments du marché obligataires en 2019, la valeur relative des CLO paraît encore plus prononcée.

Le marché des CLO doit en outre trouver son propre
équilibre technique entre offre et demande.

La plupart des marchés financiers ont connu une fin 2018 difficile. Ils ont été plombés par la guerre commerciale sino-américaine, par la politique monétaire de la Fed et par le Brexit. Par conséquent, l’année 2019 a démarré sur des valorisations très basses, ce qui a permis au marché de réaliser de belles performances sur 12 mois. Les CLO ont néanmoins effectué un parcours différent. Alors que l’indice européen crossover du haut rendement a vu ses écarts de rendement passer de 373,5 points de base (pb) à 207,5 pb durant l’année 2019, les CLO BB n’ont guère évolué et leurs écarts de rendements ont varié de moins de 10 pb, passant de 670 pb à 662,5 pb.

Les conditions de l’exception

Les CLO sont assurément des titres plus compliqués à appréhender que les obligations d’entreprise traditionnelles. Tout investisseur potentiel doit effectuer une due diligence du gérant du CLO, ce qui signifie qu’il doit passer au travers d’une masse conséquence de documents avant même de procéder aux analyses des flux de trésorerie et de la qualité des crédits sous-jacents. Par conséquent, le cercle des investisseurs potentiellement intéressés par ce type de titres est restreint (même s’il s’élargit). Par ailleurs, étant donné que les rotations de capitaux du marché dynamique du haut rendement vers celui des CLO dont la valorisation est moins élevée tendent à être limitées, le marché des CLO est relativement immunisé par rapport aux variations des autres marchés.

Le marché des CLO doit en outre trouver son propre équilibre technique entre offre et demande. Comparé à l’ensemble des ABS, il a été plus lent à redémarrer après la crise. Les nouvelles émissions sont apparues en 2013 et elles ont connu une croissance régulière, de 14 à 20 milliards d’euros, de 2014 à 2017. Ces deux dernières années, leurs volumes se sont nettement étoffés, passant à 28 puis à 29 milliards d’euros et huit nouveaux gérants de CLO sont entrés sur le marché en 2019, portant leur nombre total à 57. Cette abondance de l’offre a sans aucun doute contribué à maintenir les écarts de rendement à leur niveau élevé.

Le comportement des investisseurs américains a également
eu un impact sur l’évolution des CLOs en euros.

Le comportement des investisseurs américains a également eu un impact sur l’évolution des CLOs en euros. Le marché américain des prêts à effet de levier a subi des retraits massifs durant 51 des 52 semaines de l’année 2019. Du fait que ces prêts servent de base aux CLO américains, leur évolution a eu un effet domino sur la fixation des prix de ces derniers. Les investisseurs américains décelant alors une valeur relative plus intéressante sur leur marché intérieur, ils ont fréquemment financé cette rotation en vendant leurs parts de CLO européens, un facteur qui a également influencé les prix de ces derniers.

Un véritable gisement de valeur

Pour ce qui est de l’avenir, il est probable qu’un certain nombre de nouveaux gérants entreront sur le marché en 2020, mais cette tendance devrait se ralentir. L’écartement des rendements des CLO à la fin 2018 a freiné l’arbitrage provenant des détenteurs des tranches equity en 2019. De même, l’absence de LBO (rachats par emprunts) a limité l’offre de nouveaux investissements dans le secteur des prêts et pesé sur les rendements des arbitrages sur les différents actifs des CLO. Tous ces éléments devraient contribuer à rendre l’offre de nouvelles émissions de CLO européens plus facile à gérer cette année.

Compte tenu de ce ralentissement, le déséquilibre technique qui a maintenu les spreads des CLO à un niveau qui peut être considéré comme bon marché ces derniers mois pourrait disparaître. Pour l’investisseur qui possède à la fois les capacités et l’expérience nécessaires pour effectuer les analyses indispensables, il s’agit donc de l’un des rares segments du marché mondial des taux fixes où il est encore possible de puiser de la valeur, et ce, en termes absolus et pas seulement en termes relatifs.

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