Après le plongeon du quatrième trimestre, le début de la fin?

Mark Holman, TwentyFour Asset Management

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Les investisseurs hésitent entre l’option fin du cycle et celle de repli temporaire des marchés. La prise de risques mesurés est la seule voie raisonnable.

L'année 2018 restera dans les annales comme l'une des plus difficiles que nous ayons connues ces derniers temps car les variations de cours enregistrées au quatrième trimestre ont été particulièrement brutales et difficiles à gérer. Début décembre, lors de la rédaction de nos perspectives 2019, nous étions raisonnablement prudents. Il nous paraissait possible que les cours s’écartent sensiblement des fondamentaux dès lors que les marchés intègreraient la probabilité d'un ralentissement, voire celle d'une récession en 2020. Nous ne nous attendions pas à ce que cela se produise en décembre. Pourtant, tel a été le cas. Les investisseurs sont donc devenus perplexes et se demandent s’ils doivent interpréter cette évolution comme la marque du début de la fin du cycle ou s’ils doivent s’attendre à une année 2019 ponctuée de nombreux mois aussi chaotiques que l’a été décembre 2018.

La réaction des marchés s'explique par la crainte d'un ralentissement généralisé à l'échelle mondiale ainsi que par celle, croissante, d'une erreur de politique de la Fed. Les premières données ISM américaines de l’année ayant paru confirmer le scénario baissier, 2019 a démarré sur la même dynamique que celle de décembre dernier. Cependant, la conviction des tenants de la baisse a été rapidement mise à mal par la publication d’un rapport très favorable concernant l'emploi aux États-Unis ainsi que par les propos tenus lors d’un forum de la Fed à Atlanta. Leur position a encore été ébranlée plus récemment avec les déclarations de porte-paroles de la Fed, évoquant la possibilité de nouvelles hausses de taux, à moins que les fondamentaux ne s’y opposent. Par conséquent, la probabilité d'une erreur de politique monétaire de la Fed s’est considérablement réduite.

Reste le problème du ralentissement de croissance qui s’est avéré nettement plus marqué dans certaines régions que dans d’autres. Pour les investisseurs, il s’agit dorénavant de répondre à la question de savoir si ce ralentissement est le signal du « début de la fin » ou s'il correspond seulement à l’un de ces nombreux replis intra-cycliques similaire à ceux déjà observés durant cette phase d’expansion prolongée.

L’hypothèse de l’atterrissage brutal est écartée

Cette deuxième hypothèse, aussi désagréable qu’elle puisse paraître, nous semble être la bonne. En effet, le risque de voir une Fed se diriger aveuglément vers une position neutre par le biais de plusieurs hausses de taux d’intérêt, a disparu. Et à ce stade, les masses de données publiées chaque jour ne reflètent rien d’autre qu’une simple baisse de régime.

«Les investisseurs seraient bien inspirés de calibrer leurs tests de résistance
en y intégrant les mouvements enregistrés au 4e trimestre 2018.»

Tous les principaux banquiers centraux du monde sont favorables à cette hypothèse alors qu’ils disposent de bien davantage de données que l’acteur de marché lambda. Dans le même ordre d’idées, les grandes banques commerciales des principales zones géographiques auraient développé une rhétorique très pessimiste si elles anticipaient un fort ralentissement. Or, dans le discours actuel, il n’est question que de conditions financières encore saines. En optant pour l’hypothèse d’un repli intra-cyclique, nous écartons celle d’un atterrissage brutal qui déclencherait des faillites en cascade. Un tel scénario est peu probable mais, nous n’en retenons pas moins les leçons du quatrième trimestre qui nous montrent précisément quel sera le comportement du marché lorsque nous arriverons à la fin du cycle actuel. Les investisseurs seraient donc bien inspirés de procéder à un nouveau calibrage des tests de résistance de leurs portefeuilles et d’y intégrer les mouvements enregistrés au quatrième trimestre 2018.

Tous les reculs de cours enregistrés précédemment durant ce cycle se sont avérés être des opportunités d’achat pour les investisseurs. Le meilleur exemple est le second semestre 2011, période durant laquelle les actifs étaient devenus extraordinairement bon marché si bien que la prise de risque a été très bien rémunérée. Une autre belle opportunité s'est présentée en 2013 après que Ben Bernanke ait annoncé son intention de réduire progressivement l’ampleur du programme de rachat d’actifs de la Banque centrale américaine. Mais les valorisations d’alors n’ont permis qu’une augmentation modérée du risque. Puis, bien sûr, nous avons eu le premier trimestre 2016 qui, à bien des égards, peut se comparer à la situation actuelle. Mais les valorisations d’alors étaient très basses et la prise de risque a été bien rémunérée.

De rares opportunités sur le très court terme

Les opportunités susceptibles de se présenter à la suite du repli actuel sont moins évidentes. D’une part, les titres ne sont pas extraordinairement bon marché et d’autre part, l’approche inéluctable de la fin du cycle est une crainte persistante. Par conséquent il est délicat pour les investisseurs de se positionner pour tirer parti de cette opportunité d’achat. C'est dans des moments tels que celui-ci que nous avons la chance de limiter nos investissements au marché des titres à revenu fixe: les obligations ayant une échéance fixée à l’avance, nous sommes en mesure de cantonner nos risques à la période qui nous convient.

«Les investisseurs détiennent probablement
dans leurs portefeuilles plus de risques qu’ils ne le souhaitent.»

Une légère prise de risque nous paraît justifiée au vu du niveau de valorisation actuel et nous avons intégré à nos stratégies des obligations privées à très courte échéance. Ces obligations arriveront à échéance avant qu’un problème potentiel ne se manifeste ou leurs échéances sont si courtes que leur rendement leur permet de passer le test de résistance auquel nous les soumettons. Cette stratégie est relativement fastidieuse comparée à celles que nous avons mises en œuvre lors des périodes de repli antérieures mais c’est la seule qui s’offre à nous dans les circonstances actuelles. Cela ne signifie pas que nous excluons la possibilité de nouvelles phases de repli intéressantes mais, dans le cas présent, certains ingrédients font défaut pour tirer parti des opportunités.

Il nous paraît également important de souligner le fait que les investisseurs détiennent probablement dans leurs portefeuilles plus de risques qu'ils ne le souhaitent. Cela signifie que les rallyes comme ceux auxquels nous assistons aujourd’hui sont susceptibles d’être suivis de phases de vente à mesure que les investisseurs testent leurs nouvelles zones de confort.

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