Les conseils d’administration sont plus souvent contestés

Yves Hulmann

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Schroders s'oppose plus fréquemment aux recommandations des conseils d'administration qu'il y a cinq ans. Les rémunérations restent un point d’achoppement fréquent.

L’exercice des droits de vote par les actionnaires est un enjeu qui n’a cessé de gagner en importance ces dernières années dans le contexte de l’attention croissante accordée aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Le gérant d’actifs britannique Schroders publie désormais en détail la manière avec laquelle il exerce ses droits de vote lors des assemblées générales annuelles (AG), prenant le soin d’expliquer les raisons de ses prises de position. Dans la pratique, Schroders applique son approche d’actionnariat actif en l’articulant autour de trois principes: le dialogue avec les entreprises, l’engagement (aider les entreprises à entreprendre des actions dans les domaines où des changements sont jugés nécessaires) et l’exercice des droits de vote (pour s’assurer que ces changements soient effectivement mis en œuvre). Au nombre de six, les thèmes d’engagement (appelés «Schroders Engagement Blueprint») jugés prioritaires en 2023 étaient le climat, le capital naturel et la biodiversité, les droits humains, la gestion du capital humain, la diversité et l’inclusion ainsi que la gouvernance d’entreprise.

Hausse des votes opposés à au moins une résolution lors des AG

Principal constat qui ressort du rapport intitulé «Active Ownership: Trends and AGM Season Highlight»: les votes opposées à certaines recommandations du conseil d’administration ont continuellement augmenté au cours des cinq dernières années. En effet, même si les votes qui vont dans le sens des recommandations émises par le conseil d’administration sont demeurés très largement majoritaires au cours des cinq dernières années - à 86% en 2023, comme en 2018 -, la proportion des assemblées générales où Schroders a voté au moins une fois contre l’une ou l’autre des résolutions soumises à l’assemblée générale est en revanche passée de 48% en 2018 à 60% en 2023 jusqu’à présent. Par régions, les votes qui se sont opposés aux recommandations du conseil d’administration ont eu lieu principalement en Asie Pacifique (49%), en Amérique du Nord (21%), en Europe hors Royaume-Uni (15%) et au Royaume-Uni (10%).

Les intentions de vote sont communiquées en amont aux entreprises

Les votes sont déterminés au cours d’un processus comportant plusieurs étapes. Une fois que les directives ont été finalisées, Schroders communique ses propositions aux entreprises concernées en amont de la saison des assemblées générales. La société a pour habitude d’annoncer ses intentions à propos des résolutions clés, notamment dans un souci de fournir une plus grande transparence à ses clients et aux acteurs de la branche.

Augmentation des propositions «anti-ESG» aux Etats-Unis: il s’agit d’actionnaires qui rejettent en bloc toute prise en considération des critères ESG.
Aux Etats-Unis, beaucoup de résolutions concernent les conditions de travail

A titre d’exemple, l’une de ces résolutions était en faveur de la liberté d’association et de participation à des conventions collectives chez Starbucks. Une autre concernait les conditions de travail dans les entrepôts d’Amazon. Parfois, certaines de ces résolutions peuvent porter sur un point très précis réglant les relations entre une entreprise et ses employés. Ainsi, s’agissant de la chaîne de pharmacies CVS Health active aux Etats-Unis, Schroders a co-signé une résolution demandant à l’entreprise américaine d’adopter une réglementation qui assure que l’ensemble de ses collaboratrices et collaborateurs puissent bénéficier de congé maladie payé. Cette résolution a obtenu le soutien de 26% des votes lors de l’assemblée générale et Schroders compte poursuivre ses efforts pour encourager la chaîne de pharmacies à adopter des règles allant dans ce sens.

Rémunérations et climat font partie des sujets les plus contestés

Parmi les thèmes qui ont fait l’objet d’oppositions accrues de la part de Schroders, il y a celui des rémunérations. Aux Etats-Unis, les votes opposés aux rémunérations sont passées d’un peu moins de 20% en 2021 à plus de 45% jusqu’ici en 2023, tandis qu’en Europe leur part a augmenté d’environ 22% en 2021 à 36% en 2023. En Europe, les votes opposées au management des entreprises portent pour près de moitié (44%) sur des aspects en lien avec les rémunérations. S’agissant des votes en lien avec le climat, Schroders a soutenu près de neuf fois sur dix (88%) cette année les résolutions «Say on Climate» comparé à 76% un an plus tôt.

Les résolutions «anti-ESG», un phénomène surtout américain

A l’inverse de la tendance croissante à la prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, le rapport observe parmi les tendances de la saison des assemblées générales 2023 une augmentation des propositions «anti-ESG» aux Etats-Unis. Dans ce cas, il s’agit d’actionnaires qui rejettent en bloc toute prise en considération des critères ESG. Ce phénomène est-il en train de se renforcer et pourrait-il faire des émules en Europe? Kimberley Lewis, Head of Active Ownership chez Schroders et co-auteure du rapport, relativise l’ampleur de cette tendance: «Nous n’avons pas d’indications qui vont le sens d’un élargissement des propositions anti-ESG au niveau mondial», constate-t-elle, estimant qu’il s’agit avant tout d’un phénomène limité aux Etats-Unis.

 

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