Le temps des titres obligataires

Chris Iggo, AXA IM

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Avant la crise financière mondiale de 2008, les rendements d’une stratégie globale de titres à revenu fixe se situaient facilement entre 4 et 5%. Bon retour dans cet univers.

Malgré des rendements plus élevés, le monde ne se détourne pas des obligations, ni ne menace de ne plus financer les déficits publics. Les rendements à long terme des bons du Trésor américain, qui se situent entre 4 et 5%, sont un reflet de la situation économique et du fait que nous avons bel et bien laissé derrière nous la décennie des taux d’intérêt très bas. La bonne nouvelle, c’est que cela laisse en principe augurer de meilleurs rendements pour les investisseurs en obligations. Avant la crise financière mondiale de 2008, les rendements d’une stratégie globale de titres à revenu fixe se situaient facilement entre 4 et 5%. Bon retour dans cet univers.

Chacun peut y trouver son compte 

Les obligations sont ma classe d’actifs préférée. Il existe des obligations à haut rendement, comme le segment des obligations américaines à haut rendement notées CCC, par exemple, qui ont généré un rendement total de 18% en 2024. Il existe des obligations pour la valeur sur le long terme, telles que l’obligation d’État britannique (gilt) arrivant à échéance en 2046, dont le prix pourrait doubler à terme. Il existe des stratégies obligataires qui, aujourd’hui, semblent plus attrayantes que les liquidités, comme le crédit à durée courte. J’aime aussi le fait que les obligations revêtent de l’importance. Les mouvements du marché obligataire sont en effet déterminés par des aspects tels que la croissance, l’inflation, la politique et les événements géopolitiques. Au cours de la première semaine de 2025, les rendements des obligations d’État (ainsi que d’autres) ont continué de grimper pour atteindre des sommets pluriannuels. Les rendements totaux sont négatifs depuis le début de l’année. Il est possible que les lecteurs n’apprécieront pas si je leur dis qu’avec des rendements aussi élevés, c’est le bon moment pour investir dans les titres à revenu fixe.

La situation macroéconomique

Le marché obligataire baissier actuel s’est installé en septembre, à peu près au moment où la Réserve fédérale (Fed) ramenait son taux au jour le jour de 5,50% à 5,0%. Il s’agissait d’une intervention audacieuse, censée indiquer que la Fed était convaincue d’avoir endigué l’inflation. Au fil du temps, le marché en a eu une interprétation de plus en plus divergente, et les deux baisses de taux qui ont suivi ont renforcé la crainte que l’inflation pourrait demeurer un risque. Si l’on inclut les données chiffrées de septembre, l’indice américain des prix à la consommation a augmenté de 0,28% en moyenne, ce qui est trop élevé pour être compatible avec le niveau d’inflation visé par la Fed ou avec un retour à la tendance d’avant 2021. Les chiffres sur la croissance sont également solides. Depuis la première intervention de la Fed, l’augmentation moyenne de la masse salariale non agricole a été de 170’000 par mois, ce qui correspond à une croissance annualisée de l’emploi d’environ 1,4%. Enfin, depuis ce premier abaissement des taux, Donald Trump a été élu président des États-Unis. Sa ligne politique semble être en faveur de la croissance et de l’inflation.

La Fed a assoupli sa politique monétaire de 100 points de base (pb). Les rendements des bons du Trésor ont augmenté de 120 pb pour atteindre leur niveau le plus élevé. D’aucuns pensent que la Fed a assoupli sa politique monétaire trop hâtivement, compte tenu de la situation de l’économie et des choix du gouvernement américain en matière de politique économique. Suite aux données sur l’inflation publiées en décembre, et s’étant révélées meilleures que prévu, le marché a heureusement corrigé une partie de sa surréaction. Les rendements restent en hausse par rapport au 31 décembre 2024. Les obligations restent donc attrayantes.

Valorisation 

Le 14 janvier, le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans a atteint 4,80%, soit son niveau le plus élevé depuis octobre 2023 et, auparavant, juillet 2007. Pour la première fois depuis la fin de 2022, le rendement obligataire a dépassé le taux des fonds fédéraux, en décembre, et l’écart s’est encore creusé au cours des dernières semaines. Les rendements réels à 10 ans - dérivés du marché des titres du Trésor protégés contre l’inflation - ont oscillé autour de 2,0% ces deux dernières années. C’est le double du taux moyen enregistré durant la période allant de 2010 à 2022. À mon avis, la hausse des rendements a créé une meilleure opportunité de placement dans les obligations. Si l’on examine le tracé historique de l’indice ‘Bloomberg Aggregate US Government Bond’ depuis 1985, les rendements présentant des niveaux comparables à ceux que nous connaissons actuellement ont été régulièrement associés à une forte probabilité de rendement total positif sur 12 mois (il y a eu 219 mois à rendement égal ou supérieur à 4,60%, et dans 203 de ces cas, le rendement total sur 12 mois s’est révélé positif).

Sentiment et données techniques 

Le marché obligataire américain n’est pas le seul à s’être soldé. Les obligations mondiales sont en hausse par rapport à leurs plus bas niveaux des six derniers mois. Le Royaume-Uni a été le moins performant, avec des inquiétudes quant aux perspectives budgétaires et à sa capacité à attirer suffisamment de capitaux étrangers pour financer ses déficits jumeaux. Par ailleurs, la livre sterling s’est dépréciée. L’affaiblissement de la livre renforce les craintes inflationnistes et la Banque d’Angleterre semble rester figée à l’égard du taux d’escompte. Le marché ne s’attend qu’à deux baisses de taux cette année, malgré les signes d’essoufflement de l’économie britannique (partant d’un rythme très modeste, le PIB a stagné depuis la fin du premier trimestre 2024). AXA IM, en revanche, table sur quatre paliers d’abaissement des taux en 2025.

Les attentes révisées en matière de croissance, d’inflation et de taux directeurs, ainsi que les doutes sur la capacité des gouvernements à maîtriser leur trajectoire budgétaire, se sont conjugués pour engendrer une forte tendance baissière sur les obligations. La hausse récente des prix de l’énergie risque d’accentuer l’inflation à court terme, et la pression sur les dépenses publiques n’est pas près de disparaître (services publics, transition énergétique, sécurité, etc.). Et bien entendu, lorsque les rendements augmentent, les coûts d’emprunt futurs de l’État augmentent également, car les nouvelles dettes sont assorties de coupons plus élevés. Cependant, au Royaume-Uni, une obligation arrivant à échéance en mars a été émise avec un coupon de 5%, de sorte que dans des conditions favorables, il pourrait s’avérer plus avantageux de refinancer ce titre en particulier - bien que cela constituerait une exception à la norme.

J’ai mis en évidence la dépréciation des obligations d’État par rapport aux swaps et au crédit aux entreprises. Cette tendance se poursuit. Les marchés estiment que les risques de crédit des gouvernements augmentent par rapport à ceux des entreprises. Les entreprises émettent de la dette: cette année, plus de 80 milliards de dollars d’obligations de première qualité ont déjà été vendus sur le marché primaire aux États-Unis. Les banques qui souscrivent à de nouvelles émissions d’obligations d’entreprises protègent souvent leurs livres de comptes en vendant des bons du Trésor. Et si Trump décide de déréglementer le secteur bancaire américain, les banques auront moins besoin de détenir des titres d’État. Pour les baissiers, il y a plein de choses à faire sur le marché des obligations.

L’année des obligations 3.0?

Ces deux dernières années, je me suis rendu coupable de chanter les louanges de « l’année des obligations ». Cette démarche a été en partie récompensée par les résultats réalisés, même si la volatilité des marchés de taux est restée élevée. L’indice obligataire ICE/Bank of America Global Aggregate a enregistré des rendements totaux positifs en 2023 et 2024. Les résultats ont toutefois été mitigés. Le crédit a surpassé les obligations d’État, et la duration courte a surpassé les obligations à plus longue échéance. La tranche d’un à trois ans de l’agrégat mondial a dégagé un rendement total de 3,8% en 2024, mais la tranche de sept à dix ans n’a rapporté que 0,9%, et celle à plus de dix ans a même perdu 3%. En Europe, les marchés du crédit de première qualité et du haut rendement en euros ont connu deux bonnes années, et ceux en livres sterling à court terme ont également réalisé de bons résultats. Les obligations d’État à court terme et de moindre qualité ont obtenu de bien meilleurs résultats que les obligations d’État à long terme et de qualité supérieure.

Il est bon qu’en ce début d’année, les rendements obligataires soient élevés. En effet, cela accroît la probabilité d’obtenir des rendements corrects dans l’ensemble de la classe d’actifs. Le portage sera à lui seul un facteur important. Le rendement des obligations est stable: celui du crédit américain de première qualité s’élevait à 3,2% par an en 2021 et 2022. Il se situait à 4.5% pour chacune des deux dernières années. Le segment du haut rendement américain a généré des revenus proches de 7%. Quand les taux sous-jacents auront suffisamment augmenté, les revenus domineront le total.

Perspectives de taux 

Dans leurs anticipations, les marchés sont devenus plus pessimistes quant aux baisses de taux escomptées. Dans la mesure du prévisible, les taux américains et britanniques devraient se maintenir entre 4,0% et 4,25%. C’est une bonne chose pour les obligations, à moins que le marché n’ait des raisons d’anticiper des taux plus élevés. Les perspectives concernant l’inflation sont déterminantes à cet égard. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les chiffres de l’inflation de décembre ont été meilleures que prévu, ce qui a entraîné une reprise des marchés obligataires survendus. En décembre, l’inflation de base se situait à 3,2%, tant aux États-Unis qu’au Royaume-Uni. Il faut qu’elle atteigne un niveau plus bas pour inciter les banques centrales à reprendre leurs abaissements, mais les données de décembre sont un signal positif à courte échéance. Dans l’immédiat, les risques liés à l’énergie et à Trump sont les principales menaces en termes d’inflation.

Perspectives de crédit 

Le resserrement des écarts de crédit a été le fait marquant de l’année dernière. Il a permis au crédit de surperformer les taux sur les marchés des segments de première qualité et du haut rendement. Les circonstances qui ont fait que les taux ont augmenté et qu’il n’y a guère d’assouplissement en vue de la part des banques centrales - dans une économie forte - devraient également conduire à une stabilité des écarts de crédit à l’avenir. Il existe sans aucun doute une demande importante de crédit. À moins d’une forte augmentation des emprunts des entreprises liés aux fusions et acquisitions, ou d’une progression plus lente des bénéfices, mettant ainsi en péril la capacité des entreprises à honorer leurs paiements de coupons, les marchés du crédit devraient être une source de revenus sûrs pour les investisseurs obligataires en 2025.

Des taux plus élevés profitent aux investisseurs obligataires 

Nous vivons dans un environnement de taux plus élevés que durant la décennie des années 2010. Je le répète, c’est une bonne chose pour les investisseurs qui cherchent à obtenir des revenus à partir d’obligations. La durée peut être gérée et couverte, tout en maintenant des revenus stables, et la puissance des intérêts composés ne doit pas être sous-estimée. Malgré tous les commentaires que l’on peut entendre sur les marchés obligataires, la liquidité est bonne, la demande est forte, et perdre de l’argent à cause d’un défaut de paiement reste un événement d’une extrême rareté. Il semble que les investisseurs mondiaux n’aient qu’une marge de manœuvre limitée pour accroître leurs positions en actions américaines, d’autant plus que les performances devraient rester plutôt concentrées et que la portion «croissance» du marché est onéreuse. Les titres obligataires fournissent une diversification attrayante. Il faut espérer que la diversification permettra de faire face aux défis posés par le flot de commentaires politiques qui ne manqueront pas d’affluer dès l’entrée en fonction de Donald Trump, lundi.

Étrange saison de football 

Le Liverpool FC a remporté le championnat anglais en 2021, l’année du Covid-19. Manchester City a remporté le championnat une saison sur deux depuis 2018. Manchester United ne s’est plus adjugé ce titre depuis 2013, Arsenal depuis 2004 et Nottingham Forest depuis 1978. Sur les vingt dernières années, il n’y en a eu que cinq durant lesquelles aucune des deux équipes de Manchester ne figurait à l’une des deux premières places du classement final de la Premier League. Tout porte à croire que cette saison sera la sixième de ce type. Liverpool égalera probablement le 20e titre de Manchester United, mais les esprits romantiques souhaiteraient sans doute que Nottingham Forest remporte le championnat (Arsenal a souvent terminé en dauphin, la parcours de Chelsea s’est effondré). Sous la régie de Ruben Amorim, United commence à avoir meilleure allure - car invaincu en 2025 - même si ses ambitions se limitent désormais à une place dans le top 10 et à une nouvelle victoire en Coupe d’Angleterre!

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