Le FMI et les fantômes de la dette

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Le FMI appelle les Etats à regarder plus loin, consolider leurs dettes et revitaliser la croissance potentielle.

© Keystone

C’est enfin le bout du tunnel: le rapport de printemps du FMI confirme que l’économie mondiale connaît une reprise d’une ampleur plus revue depuis l’éphémère rebond de 2010. Prenant en compte la robustesse de la croissance de fin d’année, le FMI a donc relevé ses estimations et ses prévisions pour 2018 et 2019. Mieux encore, le FMI constate que la reprise de l’investissement a tiré l’activité des économies développées et contribué à relever leur croissance potentielle. La remontée des prix de l’énergie et des matières premières a soutenu la reprise des pays producteurs, dont beaucoup ont vu leur consommation finale porter la croissance. Le redressement du commerce mondial en est la manifestation la plus spectaculaire; après une croissance de 4,9% en 2017, il atteindrait 5,1% cette année.

Mais l’organisation internationale ne manque pas de montrer les fragilités persistantes de l’économie mondiale:

  • Constat accablant: l’écart de revenu par habitant entre les pays développés et  les économies émergentes qui représentent près d’un tiers du PIB mondial, ne se réduit pas. Seules la Chine, l’Inde et certains pays d’Asie du Sud et d’Europe de l’Est échapperaient à cette situation.
  • Le resserrement progressif des politiques monétaires, alors que l’endettement des pays atteint des records historiques, menace leurs capacités à faire face à un retournement de conjoncture.
  • La politique budgétaire expansionniste des Etats-Unis, ses déficits extérieurs croissants, face aux surplus d’autres pays, font craindre de nouveaux déséquilibres.
  • La reprise de l’activité n’a pas encore permis de ramener le niveau d’investissements à celui d’avant-crise. De plus, l’érosion de la population active du fait entre autres de son vieillissement, induit un inéluctable ralentissement de la croissance potentielle. Endiguer ce reflux nécessite d’accroître le taux d’activité des personnes et de fournir un effort significatif d’investissements, propres à faire rebondir la productivité.
  • Enfin, le protectionnisme croissant étend son ombre sur le commerce mondial.

Que faire alors? L’organisation internationale préconise et invite les Etats à renforcer leurs politiques de transformation structurelle visant à déployer les nouvelles technologies, privilégier les investissements en infrastructures et faciliter la transformation des économies manufacturières en accroissant le taux de participation des personnes à l’emploi. La remise en ordre des finances publiques et la réduction des déficits est la clé pour renforcer la résistance des économies face au ralentissement de l’activité à venir, dans un contexte de resserrement des politiques monétaires jugées encore très accommodantes.

A plusieurs reprises, l’organisation épingle la politique budgétaire expansionniste et le protectionnisme américain, qui constitue une menace aggravée à moyen terme sur l’économie mondiale. Mais les grands pays, qui ont accumulé des surplus budgétaires et courants, sont aussi invités à contribuer au rééquilibrage général de l’activité en accroissant leurs investissements et les politiques d’inclusion.

En conclusion, il ressort de ce rapport que la période n’a jamais été aussi propice pour s’attaquer aux déséquilibres et réduire les dettes qui entravent l’action publique dans de nombreux pays. Le moment exact du retournement de la conjoncture importe finalement moins que la capacité à s’y préparer pour mieux amortir ses effets.

Une croissance  encore soutenue pendant deux ans permettrait donc de refermer les cicatrices du passé et dans une certaine mesure de liquider la crise de 2008. Face à la montée des nationalismes, du scepticisme des peuples et du spectre de la dette, il est temps pour les Etats de se préoccuper de bâtir la croissance de demain, plus solide et bénéfique au plus grand nombre.

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