Craindre Trump plutôt que la Fed?

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Les marchés subissent les incertitudes présidentielles pendant que la Fed poursuit sa normalisation monétaire. Quels risques pour les taux?

Les marchés semblent condamnés à s’adapter à la volatilité Trumpienne. © Keystone

Le Président américain n’en finit pas de souffler le chaud et le froid sur les marchés: en quelques jours et tweets, on est passé de menaces de guerre directes tant commerciale que militaire, à des déclarations plus apaisantes. L’escalade verbale de la semaine passée a fait place à une opération militaire coordonnée et ciblée en Syrie. Et puis, le Président américain a été jusqu’à évoquer un possible retour de l’Amérique dans les accords Trans pacifiques.

Les marchés semblent donc condamnés à s’adapter à la volatilité Trumpienne. Peuvent-ils pour autant détourner leur attention de la politique monétaire? 

Depuis décembre 2015, la Réserve Fédérale a relevé son taux directeur de 1,75%, et, depuis l’automne dernier commence à réduire progressivement son bilan en cessant de remplacer certaines lignes obligataires arrivant à échéance. Depuis début 2016, le rendement obligataire à 10 ans a progressé – en faisant abstraction des moments de repli – d’environ 1,40%. La courbe des rendements obligataires tout en se translatant vers le haut, s’est donc progressivement aplatie sur la période. Cette tendance somme toute habituelle, reflète à la fois le gradualisme de la politique monétaire, comme la confiance des marchés dans un scenario de reprise économique dénué de pressions inflationnistes. 

«Il n’est plus du tout sûr qu’il reste beaucoup
de capacités inemployées dans l’économie américaine.»

Alors que le taux de chômage semble bien devoir passer sous la barre des 4% et que les prix commencent à accélérer, les mesures fiscales mises en œuvre cette année devraient pousser à plus de croissance. L’économie américaine – même si elle devait connaitre un début d’année un plus modéré qu’au quatrième trimestre – progresse à un rythme proche voire supérieur à 2,5% en termes réels, c’est-à-dire à plus de 5% en incluant l’inflation. C’est bien au-delà du potentiel estimé, mais aussi des rendements nominaux constatés. Or à ce stade, il n’est plus du tout sûr qu’il reste beaucoup de capacités inemployées dans l’économie américaine. De plus la baisse massive des impôts va, selon le Congressional Budget Office, pousser le déficit du pays à près de 1000 milliards de dollars en 2020, et la charge de la dette pourrait dépasser le coût des dépenses militaires du pays en 2023. Enfin, une politique commerciale protectionniste a le plus souvent pour effet d’accroître les prix, sans améliorer la productivité. La Réserve Fédérale ne peut que rappeler qu’une guerre commerciale serait particulièrement néfaste pour l’économie du pays. Dans une telle éventualité, une politique monétaire plus restrictive pour contrer la pression sur les prix serait plutôt mal venue.  

«La pression monte sur les taux court terme.»

Hausse des taux directeurs de la Fed, augmentation des besoins de financement de l’Etat: ne risque-t-on pas un krach obligataire? C’est loin d’être le cas pour le moment. Mais la pression monte sur les taux court terme. Ils affectent en premier lieu les emprunteurs à taux variable et se répercutent au-delà des frontières sur les emprunteurs en dollars. 

Les minutes de la réunion de mars de la Réserve Fédérale parues la semaine passée et le «Beige book» de cette semaine, préparatoire à sa prochaine réunion, comme les déclarations de nombre de ses gouverneurs, nous incitent à penser que trois nouvelles hausses de taux au moins sont encore au programme de l’année. Dans ce contexte on peut s’attendre à la poursuite de la remontée des taux d’intérêt et à plus d’aplatissement de la courbe des rendements.

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