La Tech et les marchés privés. Surchauffe ou opportunité?

Axel Favre, Hermance Capital Partners

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Nous sommes au début d'un cycle de transformation technologique majeure et les prochaines années seront une période de réinvention.

Les fonds d'investissement qui ciblent les marchés privés battent des records en pariant sur les technologies dans des secteurs allant de la finance aux soins de santé, avec des investissements au premier semestre de cette année atteignant 290 milliards de dollars, dépassant de 62% le précédent record du deuxième semestre 2020, lorsque 179 milliards de dollars avaient été investis. 

Ce rythme effréné d'investissement dans la Tech survient alors que d'autres acteurs moins traditionnellement associés au capital-risque, tels que les fonds de LBO, se jettent en masse sur ce secteur afin de s'exposer à des entreprises à forte croissance. Certains fonds de buyout spécialisés lèvent des dizaines de milliards de dollars alors d'autres acteurs du capital-investissement lancent leurs propres stratégies «growth», un type d'investissement très axé sur la technologie et qui a récemment subit une forte impulsion en matière de levée de capitaux. Ces fonds de croissance ont représenté 17% des capitaux privés levés dans le monde au premier semestre 2021, bien plus que les 11% enregistrés sur toute l'année 2020, selon Private Equity International. Cela conduit à un environnement hautement concurrentiel dans lequel les frontières entre les types de stratégies (capital-risque, capital-croissance, capital-investissement) sont floues, avec différents types d'investisseurs ciblant les mêmes actifs. 

Couplé au record de sommes investies, l'environnement de prix élevé suscite des inquiétudes quant à l'exubérance de la tech, ce qui pourrait nuire aux performances d'une catégorie d'investissement qui a produit les meilleurs rendements au cours de la dernière décennie. En effet, selon une étude de Bain & Co, chaque dollar investi dans des sociétés technologiques qui ont été revendues entre 2010 et 2018 a rapporté 2,8 dollars aux investisseurs, contre 2,5 dollars pour le deuxième secteur le plus performant, la santé. Parallèlement, les prix n'ont cessé de grimper pour atteindre une moyenne du ratio EV/EBITDA (valeur d'entreprise sur son bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements) supérieur à 20x, selon Pitchbook. Un indice à mettre en perspective avec les 12-13x sur toutes les transactions LBO. 

Il n'est alors pas surprenant qu'en parlant à n'importe quel investisseur durant plus de cinq minutes, le sujet de la conversation ne dévie inévitablement vers la surchauffe du secteur technologique et sur la similarité des indicateurs du marché avec ceux de la période du «dot-com bubble» des années 90, lorsque des startups technologiques qui essuyaient de lourdes pertes étaient valorisées à des centaines de millions de dollars. En 2000, la bulle a éclaté et bon nombre de ces sociétés ont fait faillite. Il est impossible de dire avec une certitude absolue si actuellement une bulle existe ou non, mais il est clair qu'à ce stade avancé du cycle économique le risque d'une correction du marché sur les actifs technologiques les plus valorisés est important. 

Mais, pour plusieurs raisons, nous pensons que le capital-investissement reste le moyen le plus intéressant de s'exposer à la révolution technologique que nous vivons actuellement. 

Cela est en partie dû à l'expansion spectaculaire des marchés privés. Les entreprises technologiques restent privées plus longtemps – 11 ans en moyenne aujourd'hui, 4 ans en 1999 - et nous voyons des entreprises progresser dans leur cycle de vie et rechercher du financement auprès de différents types d'investisseurs, au lieu de passer par une introduction en bourse ou de chercher à être vendu à un acquéreur industriel. Les fonds de capital-investissement ont tendance à éviter les segments technologiques les plus médiatisés – et les plus survalorisés - et à investir plutôt dans des entreprises affichant une forte croissance des revenus et des fondamentaux solides plus résistants en cas de ralentissement économique, comme les fournisseurs de logiciels d'entreprise par exemple. 

C'est également dû à l'évolution de l'adoption technologique à travers le tissu économique. Durant la crise sanitaire, les consommateurs ont massivement migré vers les canaux numériques pour effectuer leurs achats. Pour répondre à cette nouvelle demande, les entreprises ont dû digitaliser à toute vitesse leur offre de produits et services, et leur mode de distribution. Selon McKinsey, 55% des interactions avec les clients sont désormais digitales en Europe, ce qui représente un bond en avant de 3 ans par rapport aux prévisions pré-crise. La pandémie a clairement eu un «impact différentiel» sur les entreprises, augmentant la fortune de celles qui ont pu être agiles et su s'adapter à la transition digitale.

Nous sommes au début d'un cycle de transformation technologique majeur et les prochaines années seront une période de réinvention pour de nombreuses entreprises privées, petites et grandes, et les acteurs du capital-investissement sont parfaitement positionnés pour les accompagner dans leur mutation.

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