La santé d’abord

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

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Tout succès économique dépend de la main d’œuvre et du capital, et la santé publique est un facteur déterminant pour les deux.

«La première richesse est la santé», disait Ralph Waldo Emerson en 1860. Ainsi, si l’on en croit cet adage, le débat actuel qui suggère de choisir entre santé publique et activité économique est faussé car l’une ne va pas sans l’autre. 

Evidemment, les pays riches peuvent s’offrir des systèmes de santé publique plus efficients que les moins fortunés, mais ce n’est clairement pas un paramètre déterminant en soi. Il y a malheureusement des régions ou des segments de la population dans des pays matures, tels que les Etats-Unis par exemple, qui constatent une évolution négative de la santé de leur population, tandis qu’en la matière, le Kerala en Inde surperforme. Bien sûr, de multiples facteurs exercent en même temps une influence sur la santé et sur l’économie, ce qui complique l’analyse de cause à effet. Des effets qui peuvent également s’articuler très différemment sur le plan micro (ménages, industries, etc.) ou macroéconomique (PIB, inflation, etc.). Quoiqu’il en soit, tout succès économique dépend de la main d’œuvre et du capital, et la santé publique est un facteur déterminant pour les deux.

Chaque année supplémentaire d’espérance de vie génère une augmentation
de 4% du PIB par habitant et de 9% des investissements directs de l’étranger.

La santé et le haut taux de survie des enfants permettent aux femmes d’avoir moins d’enfants, et d’intégrer davantage le marché du travail. Les enfants en bonne santé peuvent également aller à l’école où ils produiront de meilleurs résultats que ceux souffrant de malnutrition et d’autres problèmes de santé. Ces enfants deviendront plus productifs et contribueront à la croissance économique de leur pays. Dans la mesure où ils vivront plus longtemps, ils pourront épargner davantage, favoriser l’investissement et, par conséquent aussi la croissance. La santé publique peut transformer la pyramide des âges d’un pays. Par exemple, le dividende démographique que cela a occasionné en Asie de l’Est explique un tiers de la croissance économique de la région entre 1965 et 1990. La Harvard School of Public Health résume élégamment cet argument en déterminant que chaque année supplémentaire d’espérance de vie dans une population génère une augmentation de 4% du PIB par habitant et de 9% des investissements directs de l’étranger.

D’autre part, il est possible qu’une crise de santé publique n’ait qu’un effet limité sur le plan macroéconomique malgré son impact dévastateur sur les personnes touchées et leurs familles. Ainsi, la malaria - pour ne citer qu’elle - diminue le PIB des pays les plus affectés d’un point de pourcentage par an. De même, les effets à long terme occasionnés par les maladies qui ont généré un grand nombre d’orphelins, telles que le SIDA, restent encore à déterminer.

La valeur d’une vie peut s’analyser en fonction de la consommation anticipée.

Pour calculer combien il est économiquement justifiable de dépenser pour sauver une vie, il faut commencer par en estimer la valeur. Pour ce faire, l’OMS part du PIB par habitant et considère un traitement médical économiquement viable si celui-ci se limite à trois fois ce montant par an, et par année de vie supplémentaire. Des organismes publics américains opèrent actuellement avec des montants compris entre 7 et 10 millions de dollars par vie, ce qui semble conservateur car ils se basent souvent sur les revenus anticipés, excluant ainsi toute contribution à la société par des personnes procurant des services non-rémunérés. La valeur d’une vie peut également s’analyser en fonction de la consommation anticipée, une approche qui nécessite de considérer non seulement les revenus mais également l’épargne et le crédit. Toutefois, selon l’Imperial College, 3,1 millions de vies ont été sauvées pour l’heure dans 11 pays européens depuis le début de la pandémie  – une réussite remarquable si elle perdure.

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