La reflation infinie

Axel Botte, Ostrum AM

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Rebond des actions, compression des spreads et pentification. Le BTP sous 100pb salue l’arrivée de Draghi.

Après la folie GameStop, la volatilité des marchés s’est résorbée laissant place à un fort rebond des actifs risqués nourri par les publications trimestrielles et les données conjoncturelles favorables. Le VIX diminue de 16% cette semaine et le S&P 500 (3’885, nouveau sommet historique) connait sa meilleure semaine depuis novembre sur fond de pentification de la courbe des taux. Le rebond du dollar témoigne néanmoins d’un changement de psychologie du marché des changes. Il est fréquent d’observer un rebond du billet vert alors que la reprise se renforce aux Etats-Unis mettant au second plan les déséquilibres budgétaire et courant. A ce sujet, la procédure de réconciliation validée par le Sénat devrait permettre l’adoption de la rallonge budgétaire de 1’900 milliards de dollars dans les jours à venir.

Outre le stimulus budgétaire, la hausse des prix des matières premières entretient la thématique de reflation sur les marchés financiers. La totalité des 18 secteurs industriels inclus dans l’enquête ISM rapportent en effet une hausse des prix des intrants. Les tensions dans la chaine de production sont d’ailleurs marquées. Les délais de livraison s’allongent. Le sondage du secteur des services (ISM à 58,7 en janvier) dépeint également une croissance solide. Dans ce contexte, les chiffres de l’emploi laissent perplexes. Les enquêtes du marché du travail américain ont rarement été aussi incohérentes. La chute du taux de chômage (-0,4pp à 6,3%) semble incompatible avec les créations de postes décevantes en janvier (+49k) et les révisions de l’enquête du BLS sur les deux mois précédents (-49k). La vigueur de l’investissement productif, qui transparait dans les livraisons de biens d’équipement en décembre, incite à l’optimisme quant au cycle américain.

La pentification de la courbe des taux reprend aux Etats-Unis.

Le T-note reste le marché directeur. La pentification de la courbe des taux reprend aux Etats-Unis. L’écart 2-10 ans est au plus haut depuis 2017 au-dessus de 100pb et le 30 ans s’approche de 2%. Le maintien des tailles d’émissions à court terme aurait pu freiner la pentification mais cet engagement du Trésor n’inclut pas le financement du prochain plan Biden. Le Trésor réduira de 1’000 milliards de dollars ses liquidités (1’630 milliards) à fin juin. En revanche, les adjudications de TIPS seront relevées de 10 à 20 milliards en 2021 pour répondre à la forte demande d’emprunts indexés.

La hausse du brut (proche des 57 dollars sur le WTI), amplifiée cette semaine par la baisse des stocks en Chine et aux États-Unis, soutient encore les points morts d’inflation. Les positions spéculatives s’accumulent sur l’or noir, le marché intégrant les probables restrictions sur l’offre de pétrole de schiste voulues par l’Administration Biden. Le swap d’inflation à 10 ans se traite à 2,38%. Par ailleurs, on note un fort écartement des swap spreads longs. Les flux payeurs de swap s’accélèrent à mesure que le refinancement hypothécaire diminue.

En zone euro, la pentification américaine pousse le Bund à 30 ans à la hausse au-delà de 0%. Le Bund s’échangeait en fin de semaine à -0,45%. Les syndications d’emprunts à long terme (Finlande, Belgique, France…) sont toujours bien accueillies par le marché. La couverture de ces transactions explique en partie la pression sur le 30 ans. En Italie, l’échec de Giuseppe Conte à réunir une majorité a conduit le Président Mattarella à solliciter Mario Draghi pour former un nouveau gouvernement et piloter les dépenses issues des financements européens. La large coalition irait du M5S à Forza Italia. Cette perspective a provoqué un net resserrement du spread des BTP à 10 ans tombé sous le seuil de 100pb. Les spreads souverains se réduisaient également en Espagne, au Portugal et en Grèce. Par ailleurs, l’inflation a surpris à la hausse en zone euro. La recomposition sectorielle de l’indice des prix et des effets transitoires (hausse des taxes en Allemagne, décalage des soldes) expliquent en grande partie l’inflation de janvier. L’inflation de la zone euro ressort à +0,9% en janvier. 

Une fois n’est pas coutume, le rebond du dollar
se fait sans préjudice aux actifs risqués.

Enfin, la BoE a laissé sa politique inchangée. Le MPC est indécis sur les taux négatifs et préférera rallonger le QE. Une fois n’est pas coutume, le rebond du dollar se fait sans préjudice aux actifs risqués. Le consensus vendeur justifié par la politique économique très expansionniste est pris à contrepied. La concrétisation du plan Biden pourrait néanmoins raviver sa tendance baissière. Le sursaut du billet vert pénalise l’or (-41 dollars cette semaine). Le sterling reste une énigme, sorte d’imposteur dans la thématique de reflation. L’euro est tombé temporairement sous 1,20 dollar avant de se reprendre en fin de semaine.

Le crédit participe au rebond des actifs risqués. Le spread IG en euros se réduit de 6pb à 89pb contre Bund. La BCE reste à la manœuvre en raison d’un échéancier de tombées important dans le CSPP. Le marché primaire étoffé cette semaine dans le secteur financier n’empêche pas la surperformance de ce segment (-8pb). La tendance est à la compression des spreads. L’iTraxx Crossover efface les tensions de début d’année pour coter 240pb. Le high yield européen se resserrent de 30pb sur la semaine écoulée. Les AT1 bancaires sont bien orientées, faisant écho au redressement des bancaires en bourse (notamment périphériques). La saison des résultats débute sur une note positive même s’il convient de garder à l’esprit que les résultats demeurent en baisse de… 19% sur un an. Le réel redressement de la profitabilité attendra 2022. Aux Etats-Unis, les flux vers les ETFs investis sur le S&P 500 s’accumulent. La moitié des sociétés de l’indice a publié: la croissance annuelle moyenne ressort à 7% avec une majorité de surprises à la hausse.

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