La volatilité remonte malgré la BCE

Axel Botte, Ostrum AM

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Le programme «temporaire» PEPP est prolongé jusqu’en mars 2022 et augmenté de 500 milliards d'euros.

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La réunion de la BCE, sans réelle surprise, a engendré des débouclements de positions et un surcroît de volatilité. Les rendements obligataires replongent et l’écartement des spreads sur le Crossover témoigne d’une réduction des positions. L’impasse, pourtant prévisible, des négociations sur le Brexit et l’accord budgétaire aux Etats-Unis constituent deux obstacles pour la fin d’année avant la réunion de la Fed mercredi.

Ce qu’il ressort de la réunion de la BCE de jeudi dernier est la reconduction de sa politique monétaire. Le programme «temporaire» PEPP est prolongé jusqu’en mars 2022 et augmenté de 500 milliards d'euros. Du côté du financement bancaire, les trois nouvelles opérations de TLTROs annoncées incluent une prime de taux d’intérêt liée incitant les banques à maintenir leurs encours de crédit jusqu’à la fin de l’année 2021. La Banque s’inquiète sans doute d’un risque de rationnement du crédit bancaire dans les prochains mois, contrecoup de l’utilisation massive des lignes de crédit par les entreprises de la zone euro au plus fort de la pandémie. Le taux bonifié (-1%) retardera le remboursement de ces prêts et devrait induire une forte diminution des émissions d’obligations sécurisées l’an prochain. En outre, quatre opérations de liquidité illimitées à 1 an et à taux négatifs (PELTROs) sont prévues en 2021. De fait, sur le monétaire, les banques n’ont quasiment plus d’intérêts sur les échéances entre 3 et 6 mois. L’inondation monétaire répond à une logique de prévention du risque systémique. La BCE a aussi abaissé ses projections d’inflation. L’indice des prix n’atteindrait qu’1,4% à l’horizon de 2023. D’une certaine manière, ces projections d’inflation, concomitantes avec l’allongement de l’assouplissement monétaire, constituent aussi un aveu d’impuissance. Parallèlement, le compromis proposé par l’Allemagne à la Hongrie et à la Pologne, qui avaient usé de leur droit de veto, a finalement permis l’adoption du budget incluant plan de relance de 750 milliards d'euros. Les négociations entre le Royaume-Uni et l’UE sont en revanche au point mort. Une sortie semble inéluctable.

L’ouverture d’une enquête antitrust de la FTC contre Facebook
a provoqué un net décrochage du Nasdaq.

Dans ce contexte, la réunion de la Fed se tiendra mardi et mercredi alors qu’aucun accord budgétaire n’a pas été trouvé. Les négociations reprennent pour 7 jours. La fermeture du gouvernement fédéral a été évitée. La proposition de Steven Mnuchin chiffrée à 916 milliards de dollars comporte pourtant des similitudes avec le plan bipartisan de la Chambre. Cela étant, le Sénat à majorité républicaine s’oppose encore à son adoption, notamment au refinancement des états. Le temps presse compte tenu de l’expiration prochaine de la prolongation des indemnités chômage fédérales. La Fed ne devrait pas modifier sa politique. La révision de ses prévisions validera la politique de taux zéro jusqu’en 2023. Les achats d’actifs resteront probablement inchangés à 120 milliards de dollars par mois. Les signes d’emballement de la demande de crédit hypothécaire et des prix de l’immobilier réduisent la probabilité d’une opération twist à court terme.

Le statu quo monétaire contribue au retour sur l’actif sans risque d’autant que les marchés d’actions ont montré des signes de fébrilité en fin de semaine. La pentification récente favorise les opérations de portage sur les Treasuries. Le positionnement sur les contrats à terme américains indique des flux acheteurs sur l’ensemble des maturités. La courbe américaine s’est logiquement aplatie. Le T-bond à 30 ans perdait ainsi 12pb à 1,62% en clôture hebdomadaire. Le spread 2-10 ans diminue de 4pb à 77pb. Le T-note à 10 ans cote temporairement sous 0,90%. En zone euro, la réaction épidermique aux annonces de la BCE a rapidement été effacée. Le Bund à 10 ans termine la semaine sous -0,63%. Sur les parties courtes, certains intervenants anticipaient un relèvement du multiple des réserves exonérées des taux négatifs. En l’absence de modification, le débouclement de ces positions entraine un élargissement de 3pb du swap spread à 2 ans. Les spreads souverains ont à peine bougé. L’état espagnol place néanmoins un emprunt à 10 ans sous 0% pour la première fois. Le BTP italien à 10 ans se maintient sous 120pb. Les spreads de crédit sont globalement sans tendance des deux côtés de l’Atlantique. Le crédit IG euro est stable autour de 92pb contre Bund malgré l’accumulation de flux finaux vendeurs. Le poids de la BCE suffit à équilibrer le marché. En revanche, les spreads du Crossover (264pb) ressortent en hausse de 29pb en réaction au regain de volatilité sur les marchés d’actions. Cette correction traduit aussi la cherté du marché alors que les spreads couvrent à peine le défaut probable compte tenu du risque de crédit de l’indice.

L’ouverture d’une enquête antitrust de la FTC contre Facebook a provoqué un net décrochage du Nasdaq, illustrant les risques pesant sur les grandes valeurs technologiques sous l’Administration de Biden. Cela étant, les succès d’introduction en bourse d’AirBnB ou DoorDash nous rappellent l’importance des liquidités à investir. Le concours de beauté porte instantanément la valorisation d’AirBnB à 100 milliards de dollars. En Europe, la rechute des banques reflète une déception quant aux perspectives de dividendes. Le régulateur est peu enclin à autoriser une hausse du retour à l’actionnaire, incohérente avec les mesures monétaires. Sur le marché des changes, nous retenons la tendance baissière du dollar (DXY sous 90) et la volatilité du sterling liée au Brexit. Enfin l’action de la BCE aura eu peu d’effet sur l’euro qui se maintient au-dessus d’1,21 dollar.

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