A la recherche de la rupture technologique

David Older, Carmignac

3 minutes de lecture

L’identification des prochaines tendances distruptives est important pour une performance à long terme, selon David Older de Carmignac.

 

Outre ce phénomène d’adoption accélérée des nouvelles technologies, les investisseurs observent également une dynamique complètement nouvelle selon laquelle «le vainqueur rafle la mise» («winner takes all»), c’est-à-dire que les acteurs dominants s’arrogent une très large part des gains, parce qu’ils étaient les premiers sur le marché et qu’ils ont su bâtir de puissants réseaux, pour ne plus laisser que des miettes à leurs concurrents. La société américaine de divertissement Netflix constitue un parfait exemple de ce phénomène. Pionnière sur son segment, elle a créé la notoriété de marque la plus importante du secteur, ce qui lui a permis d’étoffer rapidement sa base d’utilisateurs et d’enregistrer de meilleurs rendements. Cette dynamique du vainqueur qui rafle la mise souligne l’importance de choisir les bonnes valeurs dans cet univers en plein bouleversement. Toutes les nouveautés ne sont pas bonnes à prendre dans les nouvelles technologies, qui englobent de nombreux sous-segments (des plateformes à la robotique, en passant par les logiciels et l’intelligence artificielle, etc.), et toutes les entreprises n’en sortiront pas gagnantes.

Combien de temps durera la surperformance? L’effet «Nifty Fifty»

À la fin des années 1960 et au début de la décennie suivante, les investisseurs s’enthousiasmaient pour les grandes valeurs de référence surnommées les «Nifty Fifty», les «super cinquante». Parmi ces 50 sociétés, il y avait des figures emblématiques de l’Amérique telles que Polaroid, Xerox, Coca-Cola, General Electric, Sears ou Texas Instruments. Au faîte de leur gloire, les Nifty Fifty se payaient en Bourse 42 fois leurs résultats (plus du double de la moyenne du S&P 5001) et représentaient la quasi-totalité des gains du S&P 500. Si cette situation semble étrangement familière, c’est parce que les Nifty Fifty d’aujourd’hui sont les «FAANG»: Facebook, Apple, Amazon, Netflix et la maison mère de Google, Alphabet.

Comment? En exploitant les éléments négligés par le consensus

Nous nous focalisons avant tout sur les tendances à la structure universelle, aisément transposables d’une région ou d’un domaine à l’autre. Notre évaluation repose sur de multiples critères, tels qu’un vaste marché potentiel et la capacité à bâtir un solide réseau pour instituer des barrières à l’entrée efficaces, ou encore l’existence d’une «preuve de concept», c’est-à-dire un modèle économique qui fonctionne déjà avec succès dans un autre secteur ou dans une autre région du monde. Citons par exemple une de nos participations de conviction majeures à l’heure actuelle, MercadoLibre, un site internet de vente en ligne destiné à l’Amérique latine. MercadoLibre développe actuellement son activité de paiement sur un segment insuffisamment investi dans cette région, en suivant le même modèle appliqué brillamment par PayPal et eBay il y a quelques années.

Nous nous assurons ensuite que nos placements sont bien concentrés sur les sociétés que nous jugeons les plus innovantes mais qui sont négligées par le consensus d’analystes. Notre exposition aux valeurs technologiques est extrêmement diversifiée en termes de zones géographiques, d’activités et de capitalisations boursières. Nous privilégions les sociétés de grande qualité, dotées de modèles économiques supérieurs et durables, et faiblement endettées. Nous nous efforçons en permanence d’exploiter le potentiel de ces gisements de valeur sous-estimés par le consensus.

Et si… une nouvelle bulle technologique s’annonçait? La question des valorisations

Avant de considérer la surperformance actuelle des valeurs technologiques comme une réplique de la bulle technologique de 1999, il convient de ne pas perdre de vue que les facteurs à l’origine de la croissance actuelle du secteur ne sont pas les mêmes. À l’époque, les principaux acteurs de la bulle technologique étaient des entreprises au service des entreprises. Les acteurs technologiques d’aujourd’hui s’adressent aux consommateurs, ce qui suppose un potentiel de rupture à une échelle géographique et sectorielle bien supérieure, tout en atténuant le caractère cyclique de la technologie. Concernant les valorisations, celles-ci devraient toujours être rapportées aux taux de croissance. On considère que ces sociétés présentent un potentiel de croissance bien supérieur à celui du marché, qu’elles affichent des bilans solides et génèrent de la trésorerie. Elles n’ont donc que très peu en commun avec les grands noms technologiques des années 1999/2000, bien souvent des entreprises au potentiel apparemment illimité mais dont la valorisation ne reposait sur rien de tangible.

La question réglementaire

L’usage que font les FAANG des données collectées suscite aujourd’hui de nombreuses questions, en particulier dans le cas de la vente de données personnelles aux fins d’une publicité ciblée. Facebook et Google, pour lesquels la publicité revêt une importance considérable, sont actuellement passés au crible. Dans ce domaine, un durcissement de la réglementation semble inéluctable. Les entreprises seront sans aucun doute obligées de mettre en place des systèmes plus performants de gestion de l’usage des données, de transparence et de contrôle. Seul l’avenir nous dira si les changements apportés aux décisions réglementaires ou de gestion des entreprises influeront sensiblement sur le potentiel de croissance de leurs résultats. Même si nous restons vigilants, nous doutons actuellement que l’effet soit très négatif. Ainsi, nous ne pensons pas que les gros titres récents défavorables à Facebook rendront ses utilisateurs moins actifs. Il nous semble que le consensus sous-estime encore la dynamique des recettes publicitaires, qui permet au réseau social d’assurer un retour sur investissement sans équivalent dans le monde de la publicité. D’ailleurs, après le décrochement du cours de l’action, Facebook affiche une décote par rapport aux multiples de marché.

Récemment, l’ensemble des entreprises technologiques ont été assimilées à Facebook et Amazon, alors que nombre de sociétés plus petites présentent des modèles économiques tout à fait différents. Il s’ensuit que toute correction généralisée des valeurs technologiques fera sans doute naître des opportunités d’achat à long terme pour les investisseurs capables d’analyser en profondeur les modèles aussi puissants que diversifiés de ces entreprises.