A la moindre déception, la bourse ne connaît pas de pardon

Yves Hulmann

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Les ex-favoris de la cote Lonza et Sika sont à leur plus bas en 2023. Les IPO ne font plus recettes. Dans l’ensemble, les grands indices ont bien résisté jusqu’ici.

©Keystone

En surface, les principaux indices boursiers ont, jusqu’ici, plutôt bien résisté, compte tenu d’un contexte géopolitique très tendu depuis début octobre et des incertitudes sur la direction que prendra la politique monétaire. Depuis le début de l’année, le SMI est en baisse de 2% alors que l’indice européen Euro Stoxx 50 et le DAX allemand affichent s’inscrivent toujours en hausse de plus de 8%, en dépit de leur repli au cours des dernières semaines.

Cette relative stabilité ne doit pas cacher la sévère correction subie ces dernières semaines par quelques titres d’entreprises qui avaient les faveurs de nombreux analystes en première moitié d’année, à l’exemple de Lonza et de Sika. En effet, même si des corrections de l’ordre de plus de 10% en une seule séance – à l’instar du plongeon de 17% de l’action de Doc Morris jeudi - sont déjà survenues temps à autre cette année, cela a concerné surtout des entreprises actives dans des secteurs très spécifiques, à l’exemple du fabricant de composants pour panneaux solaires Meyer Burger ou du spécialiste des périphériques pour ordinateurs Logitech l’été dernier. Désormais, la bourse sanctionne aussi certaines entreprises qui disposent toujours d’une excellente rentabilité et affichent des taux de croissance élevés.

Révisions à la baisse des objectifs de cours sur l’action de Lonza

Le retournement de situation le plus marquant survenu cette année est certainement celui de Lonza, dont le titre affiche un recul de près de 24% depuis début janvier. La première phase de correction est survenue à la mi-septembre lorsque l’action du sous-traitant bâlois pour l’industrie pharmaceutique a annoncé le départ de son directeur Pierre-Alain Ruffieux, ce qui a entraîné un plongeon de l’action de 14% en une seule séance. Est venu s’y ajouter ensuite l’annonce de la fin d’un contrat avec Moderna qui a encore renforcé les inquiétudes des investisseurs. L’annonce le 13 octobre de l’ouverture d’une nouvelle ligne de conditionnement à Stein n’est pas parvenu à inverser la tendance, pas plus que la présentation en début de semaine ses objectifs à moyen terme de Lonza. Durant la seule séance de mardi, l’action a une nouvelle fois chuté de 16%.

Les réactions très négatives des marchés à la moindre déception ne se limitent pas aux secteurs des sciences de la vie et de l’industrie.

Pourtant, le biochimiste et sous-traitant pour l’industrie pharmaceutique a présenté des objectifs plutôt optimistes pour la période allant de 2024 à 2028, visant notamment une croissance de son chiffre d’affaires située entre 11 et 13% ainsi qu’une marge opérationnelle (EBITDA) dite de base comprise entre 32 et 34%. Si certains analystes, comme ceux de la Banque Cantonale de Zurich, restent optimistes et maintiennent l’action Lonza à «surpondérer» estimant que même si 2024 se présente comme une nouvelle année de transition, celle-ci conduira à des objectifs à moyen terme jugés optimistes, d’autres experts du secteur se montrent plus prudents. Mercredi, Deutsche Bank a ramené sa recommandation sur Lonza d’«acheter» à «garder», révisant son objectif de cours à 366 francs (514 francs précédemment). Jeudi, Barclays a aussi revu à la baisse son objectif de cours sur Lonza à 430 francs (510 francs auparavant). Evoluant à contre des marchés jeudi, l’action de Lonza est parvenue à se stabiliser à 347 francs en début d’après-midi.

Sika au plus bas en 2023

Même si l’évolution récente du cours de l’action Sika a été moins spectaculaire, la baisse de 19% subie par le titre au cours des quatre dernières semaines du fabricant d’équipements pour le secteur du bâtiment a ramené le cours de l’action à 216 francs mardi, son plus bas niveau depuis l’automne 2022. Ici aussi, l’action du chimiste de la construction, qui publie ses résultats après neuf mois ce vendredi, a fait les frais de quelques nouvelles négatives qui contrebalancent une évolution toujours positive des résultats de la société. Début octobre, Sika a même relevé ses ambitions à plus long terme et vise une marge brute d’exploitation (EBITDA) de 20 à 23% pour les années à venir, comparé à 18,7% en 2022. De plus, Sika ambitionne d’atteindre une croissance en monnaies locales de son chiffre d’affaires de 6 à 9% à l’horizon de 2028, comparé à une fourchette de 6 à 8% précédemment.

Cela n’a pas empêché le titre de perdre 8% de sa valeur durant les trois premières séances de cette semaine. Il s’inscrit désormais en repli de 2,5% depuis le début de cette année. L’évolution récente négative de l’action de Sika est à replacer dans le contexte des incertitudes concernant les résultats d’une enquête du gendarme de la concurrence en Europe qui, dans le scénario le plus négatif, pourrait se traduire par une amende correspondant à 10% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise, comme l’expliquait Vontobel dans un commentaire récent.

Les réactions très négatives des marchés à la moindre déception ne se limitent pas aux secteurs des sciences de la vie et de l’industrie. Le 20 septembre dernier, l’action de l’assureur Bâloise avait chuté jusqu’à 11% en milieu de séance suite à l’annonce de résultats un peu moins bon qu’escompté. Depuis, le titre s’est stabilisé à un peu moins de 130 francs mais il n’est pas parvenu à retrouver ses niveaux affichés de près de 150 francs à la mi-septembre.

De rares IPO qui n’ont pas fait un carton

Alors que les entrées en bourse ont été rares cette année, les quelques sociétés qui ont osé franchir le pas, comme le fabricant de chaussures allemand Birkenstock ou le concepteur de puces britannique ARM Holdings, ont connu des débuts difficiles. Ainsi, l’action de l’entreprise allemande coté à New York se traitait à un peu plus de 38 dollars jeudi, soit bien en dessous de son prix d’introduction en bourse situé à 46 dollars la semaine dernière. De son côté, l’action d’ARM, dont l’IPO avait été très médiatisée le mois dernier, peinait à dépasser les 52 dollars jeudi, soit à peine plus que le cours de son introduction en bourse de 51 dollars à la mi-septembre. Comme le relevait l’agence Reuters jeudi, des banques d’investissement conseillent désormais aux entreprises qui envisagent d’effectuer une introduction en bourse de revoir à la baisse leurs attentes en matière d’évaluation.

Des indices qui restent stables dans leur ensemble

Un point positif est que la situation d’ensemble sur les marchés demeure relativement stable. Jusqu’ici, les investisseurs ont été peu impressionnés par les tensions au Moyen-Orient, ni par la crainte, tant redoutée, d’une possible flambée des cours du pétrole. Parmi les commentaires récents consacrés aux perspectives des marchés pour la fin de cette année, le gérant d’actifs Pimco laissait néanmoins poindre un certain doute concernant les marchés des actions.

«Aux cours actuels, les actifs plus risqués tels que les actions ne sont pas, selon nous, valorisés à un prix qui tient suffisamment compte du risque de survenance d’une récession plus prononcée», relevait Pimco dans une note publiée à la mi-octobre.

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