La conjoncture en stagnation masquée en Suisse

Marc Brütsch, Swiss Life Asset Managers

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L’industrie manufacturière suisse présente des signes de hausse du chômage. L’ensemble de la zone euro ne devrait pas basculer en récession.

©Keystone

Les «instincts animaux» des entreprises restent à de très faibles niveaux. Il ne faut pas s’attendre à des mesures de relance budgétaire significatives dans la zone euro. Premiers signes de hausse du chômage dans l’industrie manufacturière suisse.

L’amélioration des prévisions de croissance affichée pour 2020 par rapport à 2019 ne doit pas induire en erreur: notre pronostic pour l’an prochain (qui s’avère coïncider avec celui du consensus) comporte trois parties. Premièrement, une tranche de «croissance héritée» d’environ 0,35% pour 2020, qui serait enregistrée même en l’absence de toute progression en séquentiel pour les quatre trimestres de l’année. 

La migration nette, qui a fortement alimenté la croissance suisse
ces dernières années, s’est tassée.

Deuxièmement, les revenus des licences du CIO et de l’UEFA, qui organisent respectivement les Jeux Olympiques à Tokyo et la coupe européenne de football, figurent dans les comptes nationaux suisses et augmentent encore le PIB de 0,25%. Il s’ensuit une croissance annuelle «sous-jacente» pour 2020 qui ne représente plus que 0,6% dans nos prévisions actuelles. La migration nette, qui a fortement alimenté la croissance ces dernières années, s’est tassée à environ 45’000 personnes, soit 24% de moins que la moyenne de la période 2013-2018. Depuis avril 2019, l’indice des directeurs d’achats du secteur manufacturier est inférieur à la limite contraction/expansion de 50 points. L’industrie représentant environ 18% de l’activité suisse, une véritable récession ne constitue pas notre scénario de base. Toutefois, la tendance de ce secteur cyclique par excellence est suffisamment préoccupante pour annoncer une hausse progressive du chômage d’ici à fin 2020.

Les chiffres de l’inflation de septembre ont un peu surpris à la baisse, nous incitant à diminuer notre projection pour 2020. Le recul largement attendu des coûts locatifs pour les particuliers n’est pas encore visible cette année mais il pourrait tirer l’inflation à la baisse en 2020. A l’inverse, un sursaut inattendu des prix de l’énergie constituerait le facteur le plus susceptible d’entraîner une remontée de l’inflation.

L’activité se contracte fortement
dans certains pays ou secteurs industriels.
Une mosaïque disparate en zone euro

Même après 20 ans de politique monétaire commune sous la direction de la BCE, il reste difficile – voire absurde – de parler de la zone euro comme d’une région économique homogène. Comme avec l’Allemagne et la France, l’exposé des faits peut varier considérablement en matière de conditions du marché du travail ou des mesures de relance budgétaire à l’heure d’une modération des dynamiques du commerce international. Nous avons intitulé notre scénario de base pour l’économie mondiale à l’horizon 2022 «Des poches de récession». Pour la zone euro, cette description un peu vague signifie que nous ne prévoyons pas que l’ensemble de la région bascule dans la récession. Pourtant, l’activité se contracte fortement dans certains pays ou secteurs industriels. Nous avons toujours considéré le secteur manufacturier allemand comme le plus exposé au risque de récession. Parallèlement, les retombées pour les autres pays restent limitées, en fonction de la dépendance des exportations et des capacités budgétaires de chacun. Le sentiment économique se dégrade ainsi en Autriche et en Finlande alors que la dynamique reste particulièrement vive en France, aux Pays-Bas ou en Grèce. En octobre, les indices de sentiment économique des entreprises et des ménages de Belgique (sans doute le pays le plus représentatif de la conjoncture globale de la zone euro) se sont améliorés.

Les prévisions d’inflation ont encore baissé depuis le mois dernier, tant les nôtres que celles du consensus de plus de 30 prévisionnistes professionnels. L’inflation totale de la zone devrait croître temporairement jusqu’au premier trimestre 2020 mais les dynamiques sous-jacentes ne devraient pas suffire à la rapprocher durablement de l’objectif de la BCE «non loin, mais en dessous, de 2%» à moyen terme. Nous prévoyons actuellement une inflation annuelle moyenne de 1,3% pour 2020 et 2021.

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