L’essor des monnaies numériques des banques centrales en Asie

Daryl Liew, Reyl Singapore

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A la différence de la Chine et du Cambodge, d'autres pays asiatiques explorent les CBDC sous l'angle du commerce de masse.

Un effet positif de la pandémie de COVID-19 est la façon dont elle a accéléré le développement de l'économie digitale. L'un de ces développements est l'attention accrue portée aux monnaies numériques des banques centrales (Central Bank digital currencies - CBDC). La Banque des règlements internationaux (BRI) a publié un document plus tôt cette année soulignant que la plupart des banques centrales explorent les CBDC, les Bahamas ayant été le premier pays à lancer officiellement leur CBDC appelée Sand Dollar en octobre 2020. Les banques centrales asiatiques ne sont pas en reste. 

La CBDC chinoise, appelée «Digital Currency Electronic Payment» (DCEP), est la plus importante. Elle a commencé à être testée en mai 2020 dans quatre villes et a depuis effectué des «tests techniques» pour une utilisation transfrontalière avec Hong Kong. Alipay et WeChat Pay étant déjà largement implantés en Chine, on peut se demander pourquoi la Chine explore le lancement d'une CBDC de masse, car elle entrerait essentiellement en concurrence avec les fournisseurs de paiement numérique déjà existants. La Banque populaire de Chine justifie le développement du DCEP parce qu'il s'agit d'un meilleur moyen de tracer les transactions et de réguler la masse monétaire. 

Moins connue, la version cambodgienne de la CBDC,
appelée Projet Bakong, a été lancée fin 2020.

En effet, le maintien du contrôle du système de paiements financiers est sans doute la raison principale du DCEP. Les mesures de répression prises récemment par la Chine à l'encontre des échanges de cryptomonnaies et de l'extraction de bitcoins indiquent que Pékin ne permettra pas aux cryptomonnaies de progresser, en raison de la difficulté de traçage et du risque de faciliter le blanchiment d'argent transfrontalier. Bien qu'aucun calendrier n'ait été fixé pour le lancement du DCEP, les sources indiquent qu'il devrait être opérationnel à temps pour les Jeux olympiques d'hiver de Pékin en février prochain. 

Moins connue, la version cambodgienne de la CBDC, appelée Projet Bakong, a été lancée fin 2020. Bien que largement considérée comme une CBDC en raison de l'utilisation de la technologie du registre partagé, il ne s'agit pas juridiquement d'une CBDC, car elle ne représente pas un risque pour la banque centrale cambodgienne. Le Projet Bakong est plutôt un système de paiement numérique reliant tous les fournisseurs de services de paiement, permettant les paiements, les dépôts et les transferts de fonds dans une version tokenisée du riel cambodgien ou du dollar américain. Le résultat final est un système de paiement national nettement amélioré, permettant aux Cambodgiens d'effectuer des paiements numériques à la fois plus rapidement et à un coût nettement inférieur. 

A Singapour, l'infrastructure de paiement existante permet déjà aux consommateurs de transférer de l'argent numériquement et gratuitement en quelques clics.

A la différence de la Chine et du Cambodge, d'autres pays asiatiques explorent les CBDC sous l'angle du commerce de masse, où l'accent est mis sur les transferts et les règlements interbancaires, plutôt que sous celui du commerce de détail, où la monnaie numérique est détenue par les consommateurs. C'est le cas à Singapour où l'infrastructure de paiement existante permet déjà aux consommateurs de transférer de l'argent numériquement et gratuitement en quelques clics. En effet, le Projet Ubin de Singapour, qui s'est déroulé de 2016 à 2020 et auquel ont participé des banques commerciales, des entreprises technologiques, la Bourse de Singapour et d'autres banques centrales, a prouvé qu'une CBDC compatible avec la blockchain peut soutenir un écosystème financier complexe. Singapour explore désormais des collaborations avec d'autres juridictions comme la Chine.

Multiple CBDC (mCBDC) Bridge est un exemple de projet multilatéral de CBDC de masse qui explore les paiements transfrontaliers multidevises. Le projet a été initié par Hong Kong et la Thaïlande sous le nom de Project Inthanon-LionRock, mais a ensuite été rebaptisé mCBDC après que la Chine et les Emirats Arabes Unis aient rejoint la seconde phase du projet. 

Tout le travail effectué laisse penser que nous ne sommes pas loin de voir d'autres CBDC être lancées en Asie. Il sera alors intéressant de voir comment les CBDC modifieront le paysage financier et auront un impact sur les acteurs en place.

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