L’ère post-uberisation ne fait-elle que commencer?

François Savary, Prime Partners

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Donner un accès facilité et souvent moins cher à toute une gamme de produits a été la priorité de la dernière décennie. 

La Chine de Xi Jinping a récemment mis à l’index les pratiques d’utilisation excessive des jeux vidéo et elle a lancé une campagne contre l’étalage des signes extérieurs de richesses, deux mesures qui peuvent être associées à une volonté évidente de contenir, ou tout au moins de «modifier», la consommation de la population chinoise.

Plus un jour ne se passe sans que tout un chacun observe au plus près les développements sur les difficultés d’approvisionnement de l’outil de production, qu’il s’agisse des semi-conducteurs ou, d’une manière plus générale, de tout composant qui entre dans une chaîne de production qui est pour le moins perturbée; certes, quelques signes (timides encore) semblent indiquer que certaines perturbations sont en voie de résorption, mais cela est loin de signifier que le problème est résolu à l’horizon des prochains trimestres.

L’Europe n’en finit pas d’afficher ses vulnérabilités dans l’approvisionnement énergétique du continent et les solutions choisies par l’Allemagne et la France ne pourraient être plus différentes; ainsi, le Président Macron n’hésite désormais plus à annoncer sa volonté (lors d’un second mandat?) de relancer la filière nucléaire alors que la décision de Berlin d’y renoncer à rendu l’Allemagne dépendante du gaz russe et des centrales à charbon.

Le monde développé est engagé dans de vastes plans de transition énergétique et/ou de dépenses d’infrastructures qui se compteront en milliers de milliards de dollars au cours des prochaines années. A cet égard, il est révélateur que malgré toutes les menaces brandies et les difficultés d’accouchement, le Congrès américain a finalement voté le plan d’infrastructures de Joe Biden, tout en repoussant - pour l’instant – l’adoption du «plan des familles» ; non seulement les objectifs initiaux de ce dernier ont été revus à la baisse de manière très significative mais le fait que les plus conservateurs des Démocrates aient imposé  que l’on favorise les choix de production (infrastructures) au détriment de la consommation (plan des familles) est révélateur!

Faisons-nous in vivo l’expérience d’une mobilisation durable des ressources d’investissement et d’innovation en faveur de l’outil de production.

Pas un jour ne se passe sans que les chiffres de l’emploi, particulièrement aux USA, ne nous interrogent sur des évolutions surprenantes qui semblent indiquer une réticence durable d’une frange de la population à revenir sur le marché du travail. Le débat fait rage entre ceux qui défendent l’idée qu’il ne s’agit que d’un phénomène temporaire qui se résorbera progressivement après la suppression définitive des mesures d’aides aux travailleurs et ceux qui y voient un développement durable; la matérialisation d’une de ces deux options ne sera pas sans conséquence pour l’outil de production et les besoins en investissements qui en découleront.

Nous le savons tous, la crise de la covid-19 a ramené l’Etat au cœur de l’économie, ne serait-ce qu’en raison des soutiens massifs qui ont été mis en œuvre pour éviter un effondrement de la demande et une destruction massive de capacités de production du fait de circonstances «exceptionnelles». Cependant, si les gouvernements retirent progressivement les mesures de soutien qui étaient indispensables, l’activisme étatique dans l’économie est loin d’être révolu; les plans d’investissements dans les infrastructures ou la transition énergétique en sont des preuves éclatantes.

Pendant plus d’une décennie nous avons vécu sous l’influence de ce que l’on pourrait qualifier d’uberisation de l’économie; en d’autres termes, donner un accès facilité et souvent moins cher à un consommateur (souvent occidental) à toute une gamme de produits était la priorité.

La covid-19, combinée à d’autres tendances déjà établies comme la prise en compte des questions climatiques, est-elle en train de changer la donne? Faisons-nous in vivo l’expérience d’une mobilisation durable des ressources d’investissement et d’innovation en faveur de l’outil de production au détriment de la consommation ? Une telle évolution, si elle se confirme, ne serait pas sans conséquences sur les marchés boursiers: une rentabilité du capital plus faible serait probablement à attendre et les choix d’exposition sectoriels devraient vraisemblablement être repensés à l’aune de cette interrogation.     

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