IPO: foncer… ou attendre!

Yves Hulmann

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Quatre entrées en bourse sont prévues en Suisse d’ici fin mars. Pour un investisseur individuel, mieux vaut ne pas se précipiter.

Rarement la Bourse suisse n’aura connu une telle cure de jouvence dans un intervalle si bref. Cette semaine, trois nouvelles sociétés effectueront leurs premiers pas à la bourse helvétique. Mardi, c’est Asmallworld, un réseau social pour personnes fortunées, qui s’élancera en premier. Les choses sérieuses commenceront jeudi avec Sensirion, un fabricant de capteurs zurichois, qui sera suivi, vendredi, par Medartis, une société bâloise active dans les techniques médicales. Les deux sociétés devraient peser plus d’un demi-milliard de francs à l’issu de l’opération. Le 27 mars, ce sera le tour de Gategroup: le groupe suisse de restauration pour le secteur aérien, actuellement aux mains du conglomérat chinois HNA, sera valorisé entre 2,1 et 2,6 milliards de francs. Enfin, trois autres sociétés – Swissport, Polyphor et Ceva Logistics – sont déjà sur les rangs pour le deuxième trimestre. La liste des candidats à l’entrée en bourse en Suisse pour ces prochains mois est constituée d’entreprises solides, souvent leader dans leur secteur d’activités et qui génèrent de vrais revenus.

«A court terme, tout se passe souvent très bien.
A plus long terme, le bilan est loin d'être aussi favorable.»

Faut-il pour autant se précipiter sur les nouveaux venus qui défileront bientôt sur les tableaux d’affichage de la SIX? Pour un investisseur individuel, qui n’a pas toujours la possibilité de souscrire à des titres durant la phase qui précède l’entrée en bourse, l’expérience montre qu’il vaut parfois mieux laisser passer un tour. En effet, après une première phase d’euphorie, le soufflé retombe souvent bien vite au fur et à mesure que les premiers investisseurs ne sont plus soumis à des clauses de lock-up. Facebook en est l’exemple type: dépassant les 34 dollars le soir de son premier jour de cotation en mai 2012, l’action du réseau social a ensuite vu sa valeur fondre de moitié jusqu’en septembre de la même année, avant de reprendre son mouvement de hausse.

Plusieurs études de longue durée, provenant surtout des Etats-Unis, vont dans ce sens. Selon une analyse de l’Université de New York portant sur plus de 6000 entrées en bourse remontant jusqu’aux années 1960, les actions ont gagné en moyenne 19% lors de leur première journée de cotation. A court terme, tout se passe souvent très bien. Pas étonnant que les IPO soient très prisées par la communauté des «day traders».

A plus long terme, le bilan est loin d’être aussi favorable. Selon une étude l’Université de Floride datant de 2011, la performance moyenne réalisée sur trois ans par les actions nouvellement cotées en bourse a été inférieure de 7% aux autres titres du même univers d’investissement. Une autre étude portant sur l’évolution de l’indice des IPO calculé par Bloomberg entre 2009 et 2016 indiquait que la performance des actions nouvellement cotées n’a atteint qu’environ la moitié de celle de l’indice S&P dans son ensemble.

«Burkhalter Holding avait ouvert à -2,5% lors de sa cotation en 2008.
Le titre a ensuite gagné pas moins de 753% jusqu’à fin 2017.»

Et qu’en est-il en Suisse? Si les hausses observées lors de la première journée de cotation ont été en général moins spectaculaires qu’outre-Atlantique, la performance observée ensuite est en revanche plus favorable. Selon la dernière newsletter de la Banque Cantonale de Zurich consacrée aux IPO, 24 sociétés ont débuté leur cotation à la bourse suisse entre 2008 et fin 2017. Parmi celles-ci, 21 sociétés ont clôturé leur première journée de cotation en territoire positif, contre seulement trois qui ont subi une baisse. Si l’on tient compte du rendement d’ensemble des titres depuis leur IPO, y compris les dividendes, la performance reste positive pour 18 titres, alors qu’elle est négative pour seulement six valeurs.

Autre observation: la performance réalisée lors de la première journée de cotation est tout sauf un indicateur fiable pour la suite. Ainsi, le titre de Burkhalter Holding, qui avait ouvert en baisse (-2,5%) lors de sa première journée de cotation en 2008 a ensuite gagné pas moins de 753% jusqu’à fin 2017. A l’inverse, malgré leur départ en fanfare, les actions d’Orascom Development (+7,2% le jour de l’IPO) et d’Edisun Power Europe (+9,5%) ont ensuite perdu respectivement 92% et 65% de leur valeur durant les années qui ont suivi.

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