Investir dans le capital naturel pour de meilleurs rendements

Stéphane Monier, Lombard Odier

3 minutes de lecture

Nous voyons des opportunités dans les entreprises qui préservent, régénèrent et utilisent efficacement les ressources naturelles.

Points clés
  • L’activité économique dépend étroitement des ressources naturelles de la planète
  • Le modèle économique actuel, gaspilleur et non soutenable, nécessite une transition vers une alternative circulaire, plus efficiente, plus inclusive et plus propre 
  • Les entreprises accélèrent la transition grâce à des solutions ambitieuses et soutenables
  • Nous voyons des opportunités dans les entreprises qui préservent, régénèrent et utilisent efficacement les ressources naturelles. 

Le mois dernier, à l’occasion d'un sommet virtuel organisé par les Nations Unies, 76 dirigeants du monde entier se sont engagés à inverser la tendance à la perte de la biodiversité au cours des dix prochaines années. Pour les investisseurs, c’est important car nos économies dépendent des ressources naturelles de la Terre. Etant donné que celles-ci ne cessent de diminuer et que leur surexploitation pollue la planète, nous devons encourager la transition vers un modèle économique soutenable – et investir en conséquence.

Le capital naturel constitue le fondement même de notre économie. En 1986, les écologistes John Seymour et Herbert Girardet ont indiqué que, depuis les Sumériens, les civilisations se sont régulièrement effondrées suite à l'échec de leurs pratiques agricoles. Selon eux, les humains dépendent fondamentalement de quelques centimètres de terre arable. Cinq mille ans après que l'agriculture mésopotamienne a dû faire face au défi de la dégradation du sol par le sel, nous disposons des outils technologiques nécessaires pour permettre notre transition vers un modèle économique soutenable. 

Il y a urgence. Nos niveaux de consommation et de pollution ne sont pas soutenables. Nous avons franchi quatre seuils irréversibles : le changement climatique, l'extinction et le déplacement des espèces, la perte d'habitats et la dégradation des sols due à une agriculture intensive qui a épuisé un tiers des terres agricoles en quelques décennies seulement. Selon les estimations du Programme des Nations Unies pour l'Environnement, nous avons extrait de la terre 92 milliards de tonnes de matières pour la seule année 2017, ce qui représente 10 tonnes de matières premières par personne dans le monde développé, c’est-à-dire trois fois plus que l'extraction de ressources observée en 1970, il n’y a pas si longtemps. De toutes les ressources que nous utilisons, 9% seulement sont recyclées.

Au-delà de ses ressources, la nature nous fournit également des services. Pour la plupart, ils passent inaperçus et ne sont pas valorisés, en grande partie parce que, par exemple, les abeilles ne facturent pas la pollinisation des cultures. De même, nous ne mettons aucun prix sur les autres fonctions naturelles telles que le filtrage de l’atmosphère, la lutte contre les maladies et les parasites, la prévention de l'érosion et la stabilisation des conditions météorologiques. Tenant compte de certains de ces éléments, auxquels ont été ajoutés les terres agricoles, l'eau, les océans et la sylviculture (dont nous tirons 60% des nouveaux produits pharmaceutiques), le Forum économique mondial a estimé l'année dernière que plus de la moitié de l'économie mondiale dépendait fortement ou modérément du monde naturel. 

Notre dépendance à l'égard du capital naturel et les vulnérabilités économiques qui y sont associées ont été révélées de manière flagrante cette année avec la pandémie de COVID-19. Le saut des agents pathogènes de la faune vers l’homme afin de créer ce virus est probablement une conséquence du déplacement des espèces ou de la perte de leur habitat. Ces zoonoses sont responsables de plus de 70% des maladies infectieuses émergentes et leur nombre augmente. Aujourd’hui, nous comprenons que la santé humaine, le bétail, la faune sauvage, notre alimentation et l'environnement sont tous interconnectés. 

Nouveaux modèles économiques 

En tant qu'investisseurs, nous voulons encourager la transition vers une économie circulaire, efficiente, inclusive et propre (circular, lean, inclusive and lean – CLICTM), capable de générer une croissance fondée sur une vraie valeur ajoutée, plutôt que sur l'épuisement des ressources. Il est impossible d'atteindre cet objectif en continuant à mener nos affaires comme si de rien n’était. C’est pourquoi nous recherchons des entreprises capables de fournir de nouvelles solutions, meilleures, moins onéreuses et plus rapides. Ces solutions peuvent permettre de délivrer les produits et les services dont nous avons besoin tout en éliminant le dioxyde de carbone de l'atmosphère et en régénérant les océans ou les forêts, par exemple. 

Chaque aspect de notre économie est concerné et pourra être transformé. La très polluante industrie textile, pour ne citer qu'elle, est désormais capable de teindre les vêtements selon un procédé qui n'utilise ni eau, ni produit chimique autre que les teintures elles-mêmes. Le recyclage peut également générer de nouveaux domaines d'activité grâce à des systèmes de location, de reprise et de tarification à l’usage, créant ainsi de nouvelles sources de revenus. La digitalisation offrira de nombreuses nouvelles solutions grâce auxquelles la connectivité sera garantie sans nécessairement impliquer des voyages en avion, par exemple. 

Cette conviction est au cœur de notre stratégie d’investissement. C’est de cette manière que des rendements financiers supérieurs seront générés. C'est également là que les risques seront relativement plus faibles du fait que, ne pas accepter la transition comporte des risques démesurés, même pour les firmes peu polluantes. 

Dans ce contexte, nous privilégions les entreprises qui passent du brun au vert en développant de nouvelles technologies et de nouveaux produits, même si elles émettent encore à ce stade des niveaux importants de CO2. Au fur et à mesure de leur transformation, ces entreprises contribueront de manière significative au refroidissement du climat. Nous les préférerons aux sociétés appartenant à un secteur à faibles émissions, mais qui évoluent peu et ne contribuent d’aucune manière à la transition climatique. 

Tandis que nous repensons notre avenir, nous devons également repenser la façon dont nous investissons, non seulement pour le bien de notre planète, mais aussi parce que c'est ainsi que l’on générera des performances financières futures.

A lire aussi...