Incertitudes sur les dividendes

Salima Barragan

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Selon Florian Allain de Mandarine Gestion, les éléments de stress s’accumulent sur les rendements des actions.

Cette année, les actionnaires resteront sur leur faim. Les swaps de dividendes anticipent des coupes de 50 à 60%. Selon Bloomberg, 134 des membres de l’index européen Stoxx 600 ont déjà annulé ou suspendu leur dividende depuis mi-mars. Et la liste n’est pas près de s’arrêter là alors que certains groupes ont reporté leur Assemblée Générale en juin. Le point avec Florian Allain, gérant actions à haut rendement chez Mandarine Gestion.

Les banques sous pression

Les grands groupes européens tels que Santander, Barclays et HSBC ne verseront pas de dividende pour leur exercice 2019. Ce ne seront pas les seuls à suivre les recommandations prudentielles de mars de L’Autorité bancaire européenne de supprimer les dividendes et les programmes de rachats d’actions. De son côté, la BCE a sommé les banques de reporter les versements au 1er octobre 2020 au moins. Florian Allain constate que tous les pays n’ont pas réagi de la même manière face aux nouvelles exigences des régulateurs. Les banques néerlandaises et scandinaves ont toutes annulé leur dividende. En France, le Crédit Agricole réexaminera sa décision en fin d’année. La presse mentionne que dans le Sud, les banques italiennes et espagnoles qui ont souscrit aux prêts garantis ne pourront pas verser de dividendes suite à des décrets adoptés. «Cette situation n’est pas totalement inédite car les banques ont également eu à suivre des injonctions similaires en 2008 - 2009 et en 2011 - 2012 lors de la crise de l’euro», souligne-t-il.

Les bénéfices des actionnaires à court terme pourraient vite être compensé
dans le futur par de nouvelles garanties plus contraignantes.

En théorie, les banques ont les ressources financières suffisantes pour payer des dividendes car leurs fonds propres sont généralement supérieurs aux exigences règlementaires. «Il n’est pas opportun d’aller à l’encontre du régulateur. Les bénéfices des actionnaires à court terme pourraient vite être compensé dans le futur par de nouvelles garanties plus contraignantes», relève Florian Allain.

En Suisse, les grandes banques maintiendront leur dividende mais pour se conformer à la Finma, elles le paieront en deux tranches. «La Suisse n’interdit pas les versements car durant les six dernières années elles ont reconstruit leurs fonds propres», explique Florian Allain. UBS versera une moitié en tant que dividende ordinaire le 7 mai et l’autre moitié en tant que rémunération extraordinaire le 19 décembre. Le premier versement du Credit Suisse aura lieu le 11 mai, et le second sera versé en automne 2020 selon son communiqué de presse.

Confiance chez les assureurs

L’organisme régulateur des assurances a également émis des recommandations de la même teneur. Mais encore une fois, chaque pays les interprète à sa façon. Les Belge et les Hollandais ont supprimé leurs dividendes alors que les Allemands analyseront au cas par cas. «Les assureurs et réassureurs des autres pays paieront car les niveaux de trésorerie sont largement suffisants vis-à-vis des recommandations. Et ce, malgré des résultats attendus affaiblis à cause des incidents liés au Covid-19 et aux pertes latentes de leur expositions aux marchés», explique-t-il. En Suisse, SwissLife et Zurich ont maintenu leur dividende.

Divergences dans le prêt-à-porter

Dans l’univers du prêt-à-porter où les ventes physiques représentent 80% du chiffre d’affaires, les enseignes ont largement recours aux mécanismes de chômage partiel pour compenser la fermeture de leurs boutiques. Alors que H&M a coupé son dividende de moitié, Inditex qui avait maintenu ses dividendes en 2008 et 2009 a décalé sa décision. «Inditex place sa trésorerie excédentaire dans les marchés monétaires dont le rendement est négatif. La décision de ne pas verser serait donc aberrante car elle a assez de liquidité pour payer les trois prochaines années», estime Florian Allain. Surtout que depuis deux ans, le groupe espagnol en phase de maturité s’était engagé à se montrer plus généreux envers ses actionnaires. «Inditex envoie un mauvais signal au marché», poursuit-il.

Vers un mauvais moment pour les aristocrates du dividende?

D’autres sociétés connues pour augmenter leur dividende année après année envoient aussi des signaux forts au marché. La société Bic dotée d’une grande liquidité et Gregg qui domine la restauration rapide au Royaume-Uni et dont le dividende progresse depuis 1991 réduiront leur dividende. Des suppressions pas forcément justifiées. «Le statut d’aristocrate du dividende assure une base d’actionnariat stable et son multiple de valorisation est supérieur aux pairs à cause de cet élément sécuritaire. Si l’entreprise est perçue uniquement comme une source de rendement, la base actionnariale s’en ira. Et lorsque 50% des actions flottantes changent de mains, cela mène à des sous-performance boursières», explique Florian Allain. Ainsi, les cours d’une société avec un modèle d’affaires solide comme L’Oréal ou une société comme BAT qui survit dans un environnement compliqué réagiront différemment à l’annonce de suppression ou de rabotage du dividende. Seuls les versements du secteur pharmaceutique et de l’agroalimentaire semblent garantis. Une sécurité qui se paie cher. «Des belles sociétés comme Roche et Novartis ont massivement surperformé et leur valorisation sont très élevées», conclut-il.