Il faut plus de données

Michael Blümke, Ethenea Independent Investors

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Dans un contexte de recul de l’inflation, la croissance économique mondiale se stabilisera en 2024, plus ou moins au même niveau que l’année dernière.

L’essentiel en bref

  • La trajectoire de désinflation est intacte, mais les mesures de soutien budgétaires, le dynamisme des marchés de l’emploi et les incertitudes géopolitiques remettront en question le retour rapide vers l’objectif de 2% et retarderont les baisses de taux attendues.
  • La politique monétaire et les élections à travers le monde dicteront les évolutions de l’année 2024. Les déficits budgétaires massifs et croissants ainsi que la situation géopolitique constituent, selon nous, les principaux risques.

Opinion macroéconomique – février 2024

Monde

L’activité économique mondiale a démarré l’année sur une note positive. La croissance restera modérée et se stabilisera légèrement au-dessus du niveau de l’année dernière. La conjoncture mondiale résiste donc bien. Nous éviterons ainsi une récession notable. Les conflits géopolitiques constituent une menace supplémentaire pour les perspectives mondiales et influenceront les résultats des élections à venir. Nous estimons que les scrutins mondiaux contribueront au renforcement du soutien budgétaire et du protectionnisme. Le soutien budgétaire, combiné à une politique monétaire toujours accommodante, nous semble être la principale cause de prolongation du cycle conjoncturel. Les tensions en Mer Rouge mettent notamment à mal la trajectoire baissière de l’inflation globale. D’un point de vue fondamental, la croissance solide aux États-Unis, les marchés de l’emploi tendus, le soutien budgétaire continu et le renforcement attendu du protectionnisme commercial remettent en question le processus de désinflation et le retour rapide de l’inflation vers l’objectif de 2%. Les banques centrales des économies avancées ont conscience du fait qu’elles ont besoin de davantage de données avant de clamer définitivement victoire sur la hausse des prix. Elles abaisseront les taux directeurs en 2024, mais plus tardivement et moins agressivement que prévu.

États-Unis

L’économie américaine continue de progresser à un bon rythme. Selon les estimations actuelles, la croissance du PIB s’établirait à 2,9% pour le premier trimestre. Malgré des statistiques mitigées, l’économie américaine continue de déjouer les pronostics négatifs avec un secteur des services solide et un marché de l’emploi ne montrant aucun signe de détente. Même si les ventes au détail de janvier ont été légèrement inférieures aux excellents chiffres de Noël, les relevés provisoires de l’activité économique en février pointent une reprise du secteur manufacturier. Les indicateurs conjoncturels régionaux de la Réserve fédérale restent moroses. Les consommateurs sont confiants, tandis que les secteurs sensibles aux variations des taux d’intérêt ont visiblement atteint leur point bas. Le marché de l’emploi indique clairement que des baisses de taux ne sont pas nécessaires à ce stade. Le rapport sur le marché de l’emploi fait état d’une vive accélération du rythme des embauches. En janvier, le processus de désinflation a marqué le pas: l’IPC s’est inscrit en hausse de 0,3% par rapport au mois précédent, tandis que l’IPC sous-jacent progressait de 0,4% par rapport au mois précédent et de 3,9% en rythme annuel. Dans le secteur des services, la hausse des prix n’avait jamais été aussi forte depuis 2012. La tendance désinflationniste pourrait se poursuivre, mais elle sera retardée par le dynamisme de l’emploi, la bonne tenue de la consommation et les incitations budgétaires. Notre pronostic concernant les taux directeurs n’a pas changé: le point culminant a été atteint. Toutefois, la Fed gardera toutes les options ouvertes concernant le calendrier de la première baisse de taux. La politique monétaire sera assouplie cette année, mais rien ne presse.

Zone euro

En panne depuis la mi-2022, la croissance économique de la zone euro a échappé de justesse à la récession au quatrième trimestre 2023. La Commission européenne a revu à la baisse les prévisions de croissance pour 2024 (de 1,2% à 0,8%) et s’attend à ce que l’inflation redescende cette année au niveau de 3%. La croissance devrait stagner au premier semestre 2024, avant de se redresser significativement au deuxième semestre sous l’effet du reflux de l’inflation, des baisses de taux attendues de la BCE et du soutien budgétaire. Les indices des directeurs d’achat, considérés comme des indicateurs avancés, ont décollé de leurs points bas en février. Même si l’indice global s’est amélioré grâce au rebond des services, il reste en zone de contraction à cause du secteur manufacturier, toujours à la peine. La faible demande mondiale donne du fil à retordre au secteur manufacturier et aux pays tournés vers l’exportation. Malgré un marché de l’emploi solide et un taux de chômage historiquement bas (6,4%), les ventes au détail reflètent toujours une consommation atone. Selon nous, l’augmentation des salaires réels et le taux d’emploi élevé devraient soutenir la demande privée dans les mois à venir. Après avoir fortement reculé au deuxième semestre 2023, l’inflation semble se stabiliser au-dessus de l’objectif de la BCE. En février, l’inflation globale s’est inscrite en légère baisse (2,6%), tandis que l’inflation sous-jacente s’établissait à 3,1%. Les tensions inflationnistes sous-jacentes restent tenaces. L’évolution des salaires dans les mois à venir sera déterminante et pourrait perturber la trajectoire désinflationniste. La BCE reste donc aux aguets et attendra les prochaines données sur l’inflation et les salaires avant de décider de la marche à suivre. Compte tenu de l’assombrissement des perspectives conjoncturelles, nous estimons que la BCE entamera la baisse des taux l’été prochain, avant la Fed.

Chine

Toujours morose, la croissance économique de la Chine est malmenée par les pressions déflationnistes et les difficultés du secteur immobilier. En 2024, l’économie devrait croître au même rythme que l’année dernière (environ 5%), à condition toutefois que le déficit budgétaire ne dépasse pas 8% du PIB. Le secteur manufacturier devrait se stabiliser, tandis que les services restent un rouage essentiel de la croissance économique. Toutefois, la confiance des consommateurs reste faible, mettant en évidence les difficultés du secteur immobilier et du marché de l’emploi. En janvier, l’économie s’est enfoncée un peu plus encore dans la déflation. En rythme annuel, l’inflation globale est restée négative (-0,8%). Les prix à la production sont profondément ancrés en territoire déflationniste (-2,5%). Toutefois, les perturbations actuelles des échanges mondiaux offrent un certain potentiel haussier. Les enquêtes sur l’activité économique future montrent une légère tendance à la hausse. Le secteur manufacturier reste en zone de contraction, plombé par des carnets de commandes à l’exportation qui peinent à se remplir. Les carnets de commandes domestiques et la hausse de la production pourraient améliorer la situation. Le secteur des services continue d’évoluer en zone d’expansion. Les décideurs politiques ont sauté le pas et décidé de soutenir activement l’économie par le biais des politiques fiscale, monétaire et budgétaire. Après avoir diminué le ratio de réserves obligatoires imposé aux petites banques, la PBoC a également abaissé les taux directeurs de 25 points de base, dans l’intention manifeste de soutenir le marché immobilier.

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