La croissance économique mondiale sera placée sous le signe de la modération

Michael Blümke, Ethenea Independent Investors

3 minutes de lecture

Les banques centrales occidentales commencent à abaisser les taux d’intérêt, mais dans une moindre mesure que prévu.

L'essentiel en bref

  • L’année 2024 sera placée sous le signe d’une croissance mondiale modérée et d’une inflation sous-jacente toujours supérieure au taux cible des banques centrales.
  • L’économie américaine résiste mieux que la zone euro.
  • Les perspectives de la Chine s’améliorent progressivement sous l’effet du soutien de Pékin, mais le secteur immobilier continue de freiner la croissance.

Monde

Les prévisions actuelles du FMI (janvier 2024) concernant la croissance économique mondiale s’établissent à 3,1% pour l’année 2024, un niveau certes inférieur à la moyenne à long terme, mais qui reste modéré. D’une part, la croissance solide et la trajectoire de désinflation éloignent le spectre d’une récession mondiale. D’autre part, les mesures de soutien budgétaire à grande échelle, la solidité des marchés de l’emploi et les tensions géopolitiques alimentent les incertitudes concernant le processus de désinflation à moyen terme. Les perspectives pour 2024 seront influencées par la trajectoire de l’assouplissement monétaire, les élections à venir dans le monde et l’évolution des tensions géopolitiques. Dans les mois à venir, les banques centrales commenceront d’abaisser les taux directeurs. Mais le processus devrait être plus lent et progressif que ce à quoi s’attendent les marchés. Des élections se tiendront dans plus de 70 pays et concerneront plus de la moitié de la population mondiale. La trajectoire future des politiques fiscales, commerciales, migratoires et étrangères sera non seulement influencée par les programmes budgétaires sur lesquels les partis au pouvoir se feront réélire, mais aussi par leurs résultats.

États-Unis

Avec une croissance du PIB de 3,3% au quatrième trimestre 2023, l’économie américaine a une nouvelle fois favorablement surpris les marchés. Les entrées de commandes en forte progression ont permis à la croissance américaine d’évoluer à son plus haut niveau depuis sept mois. Les perspectives du premier trimestre 2024 annoncent une expansion saine. L’activité industrielle stagne, mais la confiance des consommateurs a fortement rebondi. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la croissance économique reste soutenue par les ventes de détail. Le marché de l’emploi continue de se normaliser et revient à l’équilibre. Par ailleurs, la baisse des taux hypothécaires soutient le marché du logement qui pourrait montrer des signes d’amélioration dans les mois à venir. Malgré un certain ralentissement, la tendance désinflationniste semble intacte pour l’instant. Alors que l’indice des prix à la consommation s’est établi à 3,4% en décembre, l’indice PCE, très suivi par la Fed, est passé en-dessous du seuil de 3%, un signe encourageant. Par ailleurs, les anticipations d’inflation semblent toujours bien ancrées. Le ralentissement de l’inflation donne lieu de se réjouir. Le dynamisme du marché de l’emploi, la confiance élevée des consommateurs et les nouvelles incitations budgétaires à l’approche des élections présidentielles de novembre devraient prolonger le processus de désinflation et pourraient mettre en péril un retour rapide de l’inflation vers l’objectif de 2%. C’est la raison pour laquelle nous estimons que toutes les conditions pour une baisse des taux directeurs ne sont pas remplies malgré les nouvelles positives concernant l’inflation. La Fed devrait encore attendre que sa campagne de resserrement monétaire déploie pleinement ses effets. Bien évidemment, elle est confrontée à un dilemme : si elle tarde trop à réagir, la Fed court le risque de provoquer une décélération brutale de l’économie d’une part, et de se voir reprocher des manœuvres politiques avant l’élection d’autre part. Selon nous, le marché se trompe assurément en anticipant une première baisse de taux dès le mois de mars dans la mesure où la bonne tenue de la croissance économique atténuera l’optimisme concernant l’assouplissement monétaire.

Zone euro

Les données de la zone euro ne se sont guère améliorées au quatrième trimestre 2023. Bien que la zone euro soit entrée en récession technique au deuxième semestre 2023, les données disponibles laissent à penser que le pire est derrière nous. La croissance restera morose au premier semestre 2024, mais nous attendons davantage une stagnation qu’une récession. À 6,4%, le taux de chômage dans la zone euro a atteint son plus bas niveau historique en décembre. Contrairement aux États-Unis, la confiance des consommateurs a une nouvelle fois fléchi en janvier, tandis que les ventes de détail ont continué de reculer en fin d’année. L’augmentation des salaires en termes réels et le chômage historiquement bas devraient toutefois soutenir la demande privée dans les mois à venir. En revanche, l’amélioration de la demande des consommateurs et la hausse des coûts du travail pourraient faire persister l’inflation et ralentir le processus de désinflation. La faible demande mondiale donne du fil à retordre aux pays et secteurs tournés vers l’exportation. Le secteur manufacturier allemand est particulièrement touché. Les entrées de commandes et la production industrielle continuent de reculer. L’enquête de la BCE sur la distribution du crédit bancaire (BLS) montre certes que les conditions de crédit restent tendues, mais aussi que le point culminant du durcissement pourrait être derrière nous. L’inflation sous-jacente a reculé pour s’établir à 3,6% en rythme annuel, mais reste encore nettement supérieure à l’objectif de la banque centrale. La BCE continuera d’observer les données dans les mois à venir avant de prendre des mesures. Dans la mesure où les données macroéconomiques annoncent une stabilisation de la croissance de la zone euro jusqu’en milieu d’année et que les spreads des emprunts d’État ne montrent aucun signe de fragmentation, rien n’incite la BCE à précipiter les choses.

Chine

Toujours morose, la croissance économique de la Chine est malmenée par les pressions déflationnistes et les difficultés du secteur immobilier. La croissance globale chinoise s’est établie à 5,2% l’année dernière, un niveau supérieur à l’objectif officiel fixé à environ 5%. L’année 2023 s’est achevée sur une note mitigée, avec d’un côté, une inflation faible, un secteur des services à la peine et des banques toujours réticentes à octroyer des prêts, et d’autre part, un secteur manufacturier en phase de stabilisation et des exportations qui décollent de leurs points bas. La consommation reste l’un des principaux moteurs de la croissance avec une forte hausse des ventes de détail en lien avec les services. Alors que l’horizon s’éclaircit dans l’industrie, le secteur immobilier reste le maillon faible de l’économie malgré le lancement de projets de construction de logements abordables, les différentes mesures d’assouplissement et les injections de liquidités. L’économie s’enlise dans la déflation, sachant que l’inflation sous-jacente est restée en territoire positif à +0,6% en rythme annuel. Les enquêtes sur l’activité économique future restent pessimistes, pointant une stagnation de la croissance. Les autorités ont réagi en multipliant les mesures. Elles n’ont fourni aucun détail, mais le déficit budgétaire devrait rester stable à environ 8% du PIB. La politique monétaire soutiendra la politique budgétaire accommodante. La PBoC a récemment surpris les marchés en abaissant les exigences de réserves obligatoires de 50 points de base et en annonçant de nouvelles mesures à venir. Les perspectives de la Chine se sont légèrement améliorées par rapport aux mois précédents, mais la trajectoire de croissance reste déterminée par la rapidité à laquelle le marché immobilier surmontera les difficultés actuelles.
 

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