IA: l’intelligence est partout

Lawrence Burns, Baillie Gifford

2 minutes de lecture

Le changement technologique s’accélère. Aux investisseurs d’imaginer les avenirs garants de performances à long terme.

©Keystone

 

Concentrez votre attention sur les tendances plutôt que sur les gros titres, affirmait Bill Clinton. Mais, selon nous, les tendances qui comptent vraiment sont les changements technologiques profonds. Ce sont eux les véritables moteurs de la croissance économique, du progrès humain et des performances à long terme.

L’évolution des technologies informatiques est peut-être la tendance qui a eu l’impact le plus important. Dans l'ensemble, l’informatique a obéi à la loi de Moore qui veut que la puissance de calcul double environ tous les deux ans à prix constants. Ce constat ne semble pas très étonnant dans la mesure où chacun sait que les ordinateurs gagnent en puissance et en rapidité avec le temps. Mais, un doublement tous les 24 mois, cela finit par faire beaucoup!

Les progrès rapides de l’IA sont en train de transformer la loi de Moore.

Or, l’intelligence artificielle (IA) accélère cette évolution. Selon Karim Beguir, co-fondateur de l’une des start-up européennes leaders en la matière, les progrès rapides de l’IA sont en train de transformer la loi de Moore du fait de la croissance exponentielle de trois éléments. Le premier est le matériel informatique. Les GPU (Graphic Processing Units) de Nvidia que l’on peut considérer comme des puces informatiques bien adaptées à l’IA ont vu leur performance doubler, non pas tous les 24, mais tous les 12 mois.

Les données sont le deuxième élément.  Plus un modèle d’IA a de données disponibles pour son apprentissage, plus il s’améliore. Il y a une dizaine d’années, les modèles de pointe étaient entraînés sur environ 10 milliards de données. Aujourd’hui, ils le sont sur plus de mille milliards, ce qui représente 100 fois plus de données.

Quant au troisième élément, ce sont les algorithmes. Meilleure est la conception d’un modèle d’IA, plus son efficacité sera grande. Par exemple, dans le cas d’un modèle de reconnaissance d’images de différentes espèces animales, on constate que son efficacité progresse à un rythme si rapide que l’on peut diviser par deux son «budget calcul» (et donc son besoin en hardware) en 9 à 16 mois tout en obtenant la même précision dans la reconnaissance des images.

Quelles sont les implications pour les investisseurs?

En premier lieu, la demande de puissance de calcul à long terme devrait augmenter, ce qui signifie que le besoin en matériel informatique croîtra fortement. Nvidia enregistre déjà une explosion de la demande. Même s’il est trop tôt pour prévoir avec exactitude quelles seront les applications de l’IA qui auront le plus de succès, on peut affirmer qu’elles seront probablement entraînées par des puces Nvidia. A l’heure actuelle, ses produits sont impliqués dans environ 90% des systèmes d’IA générative.

Par ailleurs, l’importance de la demande pour le hardware de Nvidia bénéficiera de plus en plus aux fournisseurs de l’industrie des semi-conducteurs, et notamment à ASML. Cette entreprise est en effet la seule qui est capable de fournir les machines indispensables pour la fabrication de puces à la pointe de la technologie. En bénéficieront également des fournisseurs de l’infrastructure du cloud qui sert de base aux applications d’IA, notamment Amazon Web Services, ou encore les entreprises qui offrent des services connexes tels que Snowflake et Databricks.

La route vers les robots

En outre, certaines entreprises font évoluer leur cœur de métier vers des solutions élaborées à partir de l’IA. Prenons le cas de Tesla: il n’est pas impossible que sa valeur réside moins dans ses voitures électriques que dans son système de conduite autonome. Ses véhicules ont déjà parcouru plus de 150 millions de miles en conduite autonome et les consommateurs américains ont déboursé 15’000 dollars pour bénéficier de ce service supplémentaire. En outre, fait révélateur, les scientifiques spécialisés dans l’IA estiment que si l’entreprise arrive à produire des voitures entièrement autonomes, elle s’ouvrira une voie crédible pour la fabrication de toutes sortes de robots. Après tout, qu’est-ce qu’une voiture autonome, sinon un robot qui opère dans le monde réel?

Les entreprises qui possèdent d’énormes quantités de données pour entraîner les modèles et qui ont une culture axée sur le numérique sont également bien placées pour exploiter le potentiel de l’IA. Il s’agit en l’occurrence d’établissements tels qu’Ocado qui améliore l’automatisation des systèmes de stockage, de Zalando qui enrichit ses suggestions personnalisées en matière de mode ou encore de Ginkgo Bioworks qui aide à la conception de nouveaux médicaments et contribue à de nouvelles avancées dans le domaine de la bio-ingénierie.

Comme toujours en matière d’innovation, le progrès est rarement linéaire. A certains moments, les attentes seront très en avance sur une pratique qui se heurte à toutes sortes d’obstacles. Cependant, l’IA semble offrir une opportunité structurelle et à long terme qui a le potentiel de créer de nouvelles activités ainsi que de générer des gains de productivité et d’accélérer les progrès dans toute une série d’industries existantes.

La presse à imprimer de Gutenberg a été à l’origine d’une immense création de valeur: en facilitant la diffusion du savoir, elle a eu toute une cascade de retombées positives. L’IA pourrait être son équivalent moderne pour l’intelligence, capable d’améliorer notre compréhension des choses et nos capacités à un degré et une échelle difficilement concevables aujourd’hui. Et en tant qu’investisseurs axés croissance sur le long terme, il nous appartient d’essayer d’imaginer divers avenirs possibles. 

A lire aussi...