GenTwo réinvente la titrisation

Cyril Gomez

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La start-up zurichoise co-fondée par Patrick Loepfe, combine les caractéristiques des fintechs, des regtech et des legtech.

Patrick Loepfe, co-fondateur de GenTwo.

À l’instar des services traditionnels des banques, l’émission conventionnelle de produits structurés et la titrisation ne sont pas non plus à l’abri de la concurrence des start-up financières innovantes. La société suisse GenTwo vient en effet de poser les bases pour l’émission transparente, flexible et à faibles coûts de produits financiers, notamment grâce à la suppression du risque de contrepartie, jusqu’ici inéluctable. Ce, grâce à la création d’une entité ad hoc totalement indépendante.

Lors d’un processus de titrisation classique, un cédant (généralement une banque) apporte ses propres créances dans un fonds commun de créances (FCC), appelé «special purpose vehicle» (SVP) en anglais. Celle-ci procède ensuite à un tranchage de ces dernières en plusieurs classes d’obligations qu’elle émet auprès de plusieurs catégories d’investisseurs présentant des degrés divers d’appétit pour le risque.

Mais comment, du point de vue de ces investisseurs, s’assurer que le cédant a en effet structuré le FCC de façon à maximiser leur intérêt? Dans la pratique, le FCC demeure en effet sous le contrôle de la banque, bien qu’il ne figure pas dans son bilan. En réalité, il est pratiquement impossible pour les investisseurs d’obtenir une transparence totale sur la qualité des créances sous-jacentes aux titres émis par le FCC.

«Contrairement aux émetteurs conventionnels, GenTwo libère
les produits financiers du risque de contrepartie.»

Du moins jusqu’à ce que GenTwo, start-up financière basée à Zurich, ne voit le jour en janvier de cette année. Combinant les apports innovants des fintech, des regtech et des legtech, GenTwo révolutionne en effet la structuration, la titrisation et l’émission de produits financiers. Ce, en permettant la création instantanée (à peine quelques jours) d’un FCC totalement indépendant du cédant, à travers lequel la titrisation individuelle et sur mesure de toutes les classes d’actifs devient possible. Y compris la titrisation d’actifs peu liquides tels que les œuvres d’art, le vin et les cryptomonnaies.

Cette indépendance du FCC, qui constitue l’élément disruptif clé de GenTwo, permet aux intermédiaires financiers d’émettre des produits à bas coûts et de façon flexible, dès lors que cette approche élimine le risque séculaire d’agrégation des risques et le risque lié au manque de transparence. Ce qui résulte en une réduction mécanique des coûts d’émission. Par conséquent, si les coûts sont moins élevés, le rendement potentiel des produits s’en retrouve d’autant plus élevé.

«Contrairement aux émetteurs conventionnels, GenTwo libère les produits financiers du risque de contrepartie», insiste Patrick Loepfe, co-fondateur de la start-up zurichoise. De plus, grâce aux innovations regtech, qui garantissent le respect de la réglementation via un système d’information entièrement numérique, et aux legtech, qui visent à rationaliser et démocratiser par la technologie des procédures judiciaires et administratives, c’est l’ensemble des coûts réglementaires, administratifs et juridiques qui disparaissent. Toujours au profit de l’investisseur.

«Selon nous, les banques conventionnelles sont de grandes boîtes noires», nous explique Patrick Loepfe. Qui juge difficile, sinon impossible, de connaître avec précision leurs investissements ou la façon dont elles conduisent leurs affaires. Les investisseurs sont forcés de se contenter du blanc-seing donné par les auditeurs et les régulateurs. «C’est comme si les banques nous disaient: chers clients, faites-nous confiance, nous n’avons nullement l’intention de vous divulguer quoi que ce soit, mais le régulateur nous supervise. Par conséquent, vous pouvez nous faire confiance». Ce que Patrick Loepfe juge absurde.

Si la titrisation n’était pas en soi la cause fondamentale de la débâcle des subprimes ayant provoqué la grande crise financière de 2008, elle en a été un facteur aggravant de par le manque de transparence des banques liée au contenu réel de leurs bilans. Nombre d’entre elles avaient en effet conservé les tranches les plus risquées (tranches equity) des obligations adossées aux dettes (CDO), c’est-à-dire les tranches assumant les premières pertes en cas de défaut. Le tout afin de tirer parti d’un effet de levier dans une perspective de court terme.

«Il semble évident que dans le monde bancaire conventionnel on fait beaucoup
d’effort pour bâtir la confiance sans avoir à divulguer trop d’informations.»

«La structure du bilan d’une banque est un mystère pour l’investisseur ordinaire. Celui-ci ne connaît pas le nombre d’actifs toxiques que la banque a accumulés.» Or les agence de notation ne nous informent pas davantage en la matière. Patrick Loepfe nous explique que ces dernières se contentent de nous dire que, là encore, nous pouvons leur faire confiance, dès lors qu’elles ont scruté leurs bilans à notre place sans pour autant fournir de détails.

«Il semble évident que dans le monde bancaire conventionnel on fait beaucoup d’effort pour bâtir la confiance sans avoir à divulguer trop d’informations», regrette le co-fondateur de GenTwo. «Les coûts liés aux audits, à la réglementation et aux agences de notation sont ainsi passablement élevés.» Et afin de rationaliser ces coûts, les banques sont amenées à élargir davantage encore leurs bilans en vue de générer plus de revenus, ce qui accroît encore un peu plus les coûts réglementaires», poursuit Patrick Loepfe, avec qui Allnews s’est entretenu la semaine dernière.

GenTwo a démarré ses activités en janvier 2018 via un placement privé avec son premier partenaire pour la distribution, CAT Financial Products. Ce dernier a notamment pour vocation l’arrangement de solutions d’investissement sur mesure pour les gérants d’actifs à travers des plateformes technologiques innovantes dans le domaine des produits structurés.

GenTwo a franchi un autre pas décisif en intégrant les technologies de trading,
de comptes-titres et de dépôt du courtier en ligne américain Interactive Brokers.

Il y a une semaine, GenTwo a franchi un autre pas décisif en intégrant les technologies de trading, de comptes-titres et de dépôt du courtier en ligne américain Interactive Brokers, dont les services d’exécution, de compensation et de règlement couvrent plus d’un million de transactions par jour. Ensemble, GenTwo et Interactive Brokers ont ainsi lancé les certificats gérés activement (Actively Manages Certificates, «AMC»), permettant aux gérants d’actifs de titriser des stratégies de portefeuille actives.

De plus en plus populaires, les AMC sont des instruments dérivés consistant en portefeuilles d’actifs (actions, obligations, devises, matières premières) dotés d’une structure dynamique à travers laquelle un conseiller en investissement peut en modifier la composition, n respectant toutefois certaines limites prédéfinies. Se distinguant des produits structurés passifs et lancés pour la première fois en Suisse en 2007, les AMC traditionnels sont notamment négociés à la SIX Structured Products. «Grâce à leur approche dynamique, les AMC sont particulièrement adaptés à des idées d’investissement inédites», souligne Patrick Loepfe.