Suite à l’intéressante interview d’Alessandro Cianci parue dans l’Allnews du 29 août 2024 intitulée «Les raisons des relocalisations fiscales en Italie», il est intéressant de comparer le système suisse de l’imposition d’après la dépense, appelé également impôt à forfait, avec l’impôt à forfait italien.
Les deux Etats connaissent un système d’imposition en vertu duquel certains contribuables peuvent payer un montant d’impôt forfaitaire sans avoir l’obligation de déclarer, sous réserve de quelques exceptions, leur fortune et leurs revenus mondiaux.
Aussi bien en Suisse qu’en Italie, il est nécessaire de remplir un certain nombre de conditions pour pouvoir bénéficier de cette forme d’imposition. Dans les deux Etats, il est impératif soit de ne jamais avoir été domicilié dans le pays, soit de ne pas l’avoir été au courant des dix dernières années.
En revanche, il existe deux grandes différences. D’une part, les ressortissants italiens peuvent être imposés à forfait en Italie, alors que tel n’est pas le cas des ressortissants suisses en Suisse. D’autre part, un forfaitaire suisse a l’interdiction d’exercer une activité lucrative sur le territoire helvétique, alors qu’un forfaitaire italien peut travailler en Italie. Par ailleurs, alors qu’en Suisse une personne peut être imposée d’après la dépense de manière illimitée dans le temps, un forfaitaire italien peut bénéficier de cette forme d’imposition uniquement pendant quinze ans.
Concernant le montant de l’impôt dû, l’Italie a l’avantage de la simplicité vu qu’il s’élève à 200’000 euros par an + 25’000 euros pour chaque membre supplémentaire de la famille. En revanche, en Suisse, le montant de l’impôt dépend des dépenses du contribuable, de la valeur de son logement ou de son loyer et du canton dans lequel il est domicilié. En résumé, il est possible d’écrire que le montant minimum que devra payer un contribuable dans le canton du Valais est de l’ordre de 110’000 francs, alors qu’il s’élève à 150’000 francs dans les cantons de Vaud et Genève; cependant, vu qu’il n’existe pas de plafond maximum, il est possible qu’un forfaitaire suisse ayant un niveau de dépenses élevées ou occupant une maison d’une grande valeur paie plusieurs millions d’impôts.
En Suisse, une personne imposée d’après la dépense est soumise à l’impôt sur les donations et les successions comme tout contribuable sous réserve de certains taux différents dans quelques cantons. Par contre, un forfaitaire italien ne paie l’impôt sur les donations et les successions que sur ses avoirs situés en Italie. Par conséquent, tous ses avoirs situés à l’étranger sont exemptés d’impôts italiens. Il y a lieu de préciser qu’il existe une convention de double imposition entre la France et l’Italie portant aussi bien sur l’impôt sur les donations que sur les successions qui a comme principal effet que les personnes domiciliées en France qui héritent ou qui reçoivent une donation d’un contribuable domicilié en Italie ne paie pas d’impôt en France, contrairement à la règle générale de droit français. Cependant, cette convention ne s’applique en principe pas lorsque le donateur ou le défunt habitant en Italie est imposé à forfait.
Enfin, sans entrer dans les détails, il sied de souligner qu’il n’est pas aisé pour un ressortissant non-européen d’obtenir un titre de séjour en Suisse, alors que cela est relativement facile en Italie.
En conclusion, aussi bien le forfait italien que le forfait suisse ont leurs avantages et leurs inconvénients. Il est néanmoins loisible d’affirmer que le grand avantage de la Suisse est la stabilité, alors que le grand inconvénient de l’Italie est l’insécurité. A titre d’exemple, lorsque le forfait italien a été introduit en 2017 le montant de l’impôt était de 100’000 euros et, il y a quelques semaines, le gouvernement italien a décidé de doubler ce montant du jour au lendemain pour les nouveaux arrivants. Par ailleurs, si l’Italie a ses charmes, la Suisse offre la qualité de son système hospitalier ce qui n’est pas négligeable lorsque l’on sait que les forfaitaires ont très souvent un certain âge…