Fed: le statu quo remis en cause?

Axel Botte, Ostrum AM

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Un accord sur le plafond de la dette se dessine, les taux se tendent au détriment des actions.

Les atermoiements du Congrès au sujet du relèvement du plafond de la dette continuent d’alimenter la volatilité à quelques jours de la date fatidique du 1er juin. Après la mise sur surveillance de la note des États-Unis par Fitch, Moody’s indique que le maintien du Aaa dépendra du paiement de coupon du 15 juin. Un projet d’accord sur le plafond de la dette pourrait être voté par la Chambre des représentants mardi avant le passage au Sénat mercredi. La sortie de crise espérée s’accompagne d’un relèvement des anticipations de taux d’intérêt de la Fed entrainant le T-note vers 3,80%. Parallèlement, le Bund casse le seuil de 2,50%. Au Royaume-Uni, l’inflation persistante s’ajoute au mouvement mondial de hausse des rendements. Le Gilt se tend de 40pb à 4,41%. L’augmentation des taux provoque quelques prises de profits sur les actions mais l’optimisme des valeurs de technologie américaine entretient la surperformance du Nasdaq. Le resserrement marqué des spreads grecs, portugais ou irlandais se maintient alors que l’OAT française ou le BTP italien ne participent pas à l’embellie. Le crédit est stable alors que le high yield surperforme (-15pb en Europe et -28pb aux Etats-Unis). Le dollar rebondit dans le sillage des taux américains avec, en miroir, le nouvel accès de faiblesse du yen qui retouche le niveau de 140 contre le billet vert. L’euro faiblit sous 1,08 dollars.

Récession en Allemagne et faiblesse en Chine

Sur le plan conjoncturel, l’économie américaine a crû de 1,3% en termes annualisés entre janvier et mars. La consommation est le moteur de la croissance, alors que l’investissement des entreprises ralentit. La contraction du logement semble toucher à sa fin. Les dépenses des ménages d’avril (+0,5% en termes réels) s’inscrivent dans la tendance du premier trimestre. Par ailleurs, la révision à la hausse du déflateur (+4,4% en avril) retiendra sans doute l’attention des membres du FOMC. Le relèvement du plafond de la dette s’accompagnera, les dépenses publiques seront probablement gelées en 2024 freinant la croissance à hauteur de 0,2pp. En zone euro, l’activité soutenue dans les services contraste avec l’atonie de l’industrie. Cela pénalise l’Allemagne qui a connu une récession entre octobre et mars. Le PIB allemand ressort à -0,3% sur le premier trimestre. La baisse de la consommation des ménages s’est accentuée mais c’est surtout l’effondrement de la demande publique qui surprend (-4,9%). Paradoxalement, l’investissement des entreprises rebondit malgré des perspectives sans relief selon l’IFO. L’économie chinoise montre aussi des signes de faiblesse en particulier dans la sphère industrielle. La Banque Populaire de Chine devrait décider un nouvel allègement des réserves obligatoires pour une fois encore stimuler la demande.

 Le risque de défaut reste réduit même si le rationnement du crédit affectera en priorité les emprunteurs de moindre qualité de crédit.

La hausse des rendements obligataires s’accompagne de flux entrants sur la classe d’actifs, signe que les valorisations actuelles militent pour l’obligataire qui connait une 9ème semaine consécutive de collecte. Les fonds monétaires enregistrent des souscriptions totalisant 756 milliards de dollars cette année. Les fonds actions européens et américains font face à des rachats à l’exception du secteur de la technologie. La prudence reste prédominante y compris vis-à-vis des marchés bien orientés avec des rachats sur les actions japonaises par exemple. Les investisseurs finaux profitent ainsi du rebond des taux à long terme. Le 10 ans américain s’est échangé au-delà de 3,80% alors qu’une hausse des taux en juillet se dessine dans les contrats courts après une pause en juin. La hausse des points morts traduit les craintes d’une inflation plus persistante justifiant un tour de vis supplémentaire et une plus forte inversion de la courbe des taux. L’inflation reste le juge de paix. Au Royaume-Uni, l’IPC ressort à 8,7% soit un demi-point de plus qu’anticipé. La désinflation, trop lente, obligera la Banque d’Angleterre à poursuivre son resserrement. En conséquence, le Gilt s’ajuste violemment de plus de 40pb. En zone euro, le Bund (2,50%) s’inscrit dans la tendance anglo-saxonne. Klaas Knot appelle à deux nouvelles hausses «au moins». Le 2 ans tutoie les 2,90%, sans réduire le swap spread qui évolue sur des niveaux de crise bancaire (82 pb). Les spreads souverains sont bien orientés notamment en Irlande, au Portugal et en Grèce, où les intervenants s’attendent à un rehaussement de la note grecque en IG. L’Italie et la France restent en retrait compte tenu de leurs difficultés budgétaires.

Le marché du crédit bénéficie d’un retour des flux depuis le milieu du mois. Le marché primaire reste actif avec un total de 16 milliards d’euros d’émissions non-financières et 13,2 milliards d’euros de dettes financières. Le spread sur l’euro IG ressort à 170pb contre Bund inchangé sur une semaine. De manière générale, les valorisations demeurent attrayantes sur le crédit. A l’opposé des flux sortants, les spreads sur le marché du high yield se resserrent fortement. La prime moyenne se situe sous les 500pb contre Bund. Le risque de défaut reste réduit même si le rationnement du crédit affectera en priorité les emprunteurs de moindre qualité de crédit. Nous projetons une remontée graduelle des défauts vers 3-4% à l’horizon d’un an.

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