Faut-il avoir peur des élections américaines?

Florence Pisani, Candriam

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Les élections américaines de novembre pourraient redéfinir l’avenir politique, économique et climatique, avec des impacts mondiaux majeurs.

Alors que ces élections présidentielles approchent, la tension monte. Kamala Harris, candidate démocrate, a réussi à redynamiser sa campagne suite au retrait de Joe Biden. Elle a même rattrapé son retard dans certains États clés, tandis que Donald Trump, bien que secoué lors du dernier débat, reste un concurrent redoutable. Les sondages montrent une course très serrée.

Mais au-delà de la bataille politique, ces élections ont des enjeux cruciaux, non seulement pour la démocratie américaine, mais aussi pour l’économie mondiale, le climat, et l’équilibre géopolitique. Si Trump est réélu, il continuera sur la voie du démantèlement du gouvernement fédéral, de la déréglementation et du soutien aux énergies fossiles. Une victoire de Kamala Harris, elle, serait synonyme de continuité des politiques progressistes et climatiques entamées par Biden.

Make America Great vs Make the middle class happier

Trump promet de maintenir une politique protectionniste, avec des hausses de droits de douane massives, notamment contre la Chine. Il veut également prolonger les baisses d’impôts de 2017 et réduire encore les impôts sur les sociétés.

Il souhaite également mettre un coup d’arrêt à l’immigration et dit vouloir déporter 11 millions de migrants illégaux. Il n’apprécie guère Jerome Powell et pense que le Président doit sinon contrôler, du moins pouvoir influencer les décisions de politique monétaire. Enfin, sa politique budgétaire repose sur des coupes drastiques des subventions environnementales et sur l’arrêt de programmes coûteux, comme l’IRA.

Sans majorité au Congrès, le décalage entre déclarations et réalisations risque d’être grand.

Résultat, son programme pourrait entraîner une augmentation significative de l’inflation, pesant particulièrement sur les ménages modestes, et aggraver la dette fédérale, qui pourrait atteindre 132% du PIB d’ici 2034.

Autre conséquence, une guerre commerciale aurait aussi des répercussions pour l’économie mondiale. Elle risquerait en particulier de pousser la zone euro très près de la récession…

En revanche, le programme de Kamala Harris met l’accent sur le soutien à la classe moyenne, avec des mesures pour rendre les soins de santé plus accessibles, augmenter les crédits d’impôt pour les ménages les plus pauvres, et offrir des aides pour l’achat de logements. Sur le plan climatique, elle poursuit la transition vers une économie verte, mais sans abandonner la fracturation hydraulique, particulièrement populaire dans certains États clés comme la Pennsylvanie. Au total la dépense publique augmenterait d’environ 3000 milliards de dollars sur la prochaine décennie. Financée par une hausse des impôts sur les plus riches et les grandes entreprises, sa politique budgétaire viserait à stabiliser la dette publique autour de 110% du PIB. Toutefois, certaines promesses, comme le maintien des baisses d’impôts pour les ménages gagnant moins de 400'000 dollars, pourraient alourdir la dette à plus de 120 % du PIB en 2034. L’effet de ce programme serait stimulant pour l’activité du fait notamment d’une redistribution favorable aux Américains les moins riches dont la propension à dépenser est plus élevée que celle des ménages du haut de l’échelle.

Ne pas négliger les scénarios extrêmes

Ces programmes restent des promesses électorales, et leur réalisation dépendra du candidat élu, ainsi que de la composition du Congrès. Sans majorité au Congrès, le décalage entre déclarations et réalisations risque d’être grand. Pour les marchés, deux scénarios pourraient s’avérer perturbateurs. Dans le premier, Donald Trump gagnerait l’élection, obtiendrait la majorité au Congrès et mettrait en œuvre ses promesses les plus extrêmes. Dans le second, Kamala Harris l’emporterait de peu et n’aurait pas de majorité au Congrès. Les résultats de l’élection seraient contestés par les partisans les plus fervents de Donald Trump et une période d’instabilité sociale, doublée d’une paralysie du gouvernement, s’ensuivrait. 

Ces scénarios conduiraient, il faut le souligner, à des politiques monétaires très différentes. Dans le premier cas, la banque centrale ne pourrait ignorer la hausse de l’inflation et les tensions sur le marché du travail liées à la politique migratoire de Donald Trump. Elle n’aurait d’autre choix que de monter ses taux malgré un ralentissement de l’activité. Dans le second cas, l’économie étant durablement déprimée, la banque centrale baisserait au contraire ses taux… d’autant plus rapidement que la liquidité sur les marchés risquerait de se geler. Si, au total, la probabilité de ces scénarios «défavorables» nous semble aujourd’hui relativement faible (autour de 20%), ils ne doivent pas être ignorés par les investisseurs...

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