Excellent rendement possible sur la dette émergente

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

3 minutes de lecture

Eric Vanraes de la banque Eric Sturdza répond aux cinq questions d’Allnews sur la dette des pays émergents.


 
Quels pays privilégier et pourquoi?

Nous privilégions les dettes émergentes libellées en US dollars d’émetteurs à rating minimum BB/Ba2 mais principalement Investment Grade. Aujourd’hui, nos investissements sont principalement concentrés au Mexique (14%), en Russie (12%), en Inde (11%) et en Chine (10%). Nous sommes investis à hauteur de 80% en obligations Investment Grade, 14% en BB+, 1% en BB et 5% en cash. Nous ne sommes pas un gérant obligataire émergent traditionnel: nous privilégions la très haute qualité et la liquidité, parfois au détriment du rendement et de la performance mais notre couple rendement/risque est excellent. Concrètement, nous sélectionnons à l’intérieur de l’indice JP Morgan EMBI les 20 ou 25 meilleurs pays, en éliminant la cinquantaine de nations à note inférieure à BB/Ba2. Qu’est-ce qu’un émetteur émergent noté BBB? De la dette Investment Grade (avec la probabilité de défaut qui lui est associée) qui a la particularité d’être de nationalité émergente? Ou bien de la dette émergente qui, accessoirement, est plutôt bien notée par les agences de rating? Aujourd’hui le Pérou ou le Chili ont des notations supérieures à bon nombre de pays de la zone euro. A risque égal voire inférieur, il y a donc une prime émergente à encaisser si vous restez dans la haute qualité.

«On ne peut pas parler de corporate dans le sens
où nous l’entendons dans les pays développés.»
Faut-il plutôt investir en dette souveraine ou en dette corporate?

Chaque cas est unique! Dans certains pays, aucune dette corporate ne répond à nos exigences de qualité et liquidité. Dans ce cas, soit nous prenons de la dette souveraine, soit nous n’investissons pas. Ensuite, toute est question d’opportunité. Il s’agit de déterminer si le spread entre le corporate et son souverain est suffisant ou non. Enfin, dans bon nombre de pays émergents, les grands corporates sont détenus majoritairement par l’Etat. On ne peut donc pas parler de corporate dans le sens où nous l’entendons dans les pays développés. Aujourd’hui, nous sommes investis à hauteur de 64% en dette corporate, 31% en souverains et agences gouvernementales (plus 5% de cash).

Privilégiez-vous la dette émergente en devise locale ou en devise de référence?

Nous n’avons pas souhaité investir en devise locale. Tous nos investissements sont en US dollar. Toutefois, nous estimons qu’un investissement dans la dette émergente aujourd’hui devrait pouvoir panacher une gestion émergente assez agressive et en monnaie locale avec un fonds comme le nôtre, en US dollar et à très faible bêta. Le barbell idéal en quelque sorte.

Quelles durations conseillez-vous?

Il ne faut pas avoir peur de prendre de la duration. Ensuite, il faut gérer la partie duration pure et la partie «spread duration». Si cette dernière est trop faible, le gain sera négligeable en cas de rally du spread. Nous sommes donc partisans d’une gestion de forte conviction qui n’hésite pas à investir dans des durations élevées lorsque la qualité de l’émetteur le permet. Ensuite, il est bon de rappeler que dans un marché où les coupons sont plus élevés, les durations sont plus faibles à maturité égale. Par exemple, la duration d’un US Tresury à 30 ans s’élève aujourd’hui à 20 alors que celle d’un corporate émergent de même maturité peut se situer en-dessous de 14 suivant ses caractéristiques. Dans notre gestion, nous pouvons pratiquer l’overlay de duration. Aujourd’hui, la sensibilité de notre Fonds (modified duration) s’élève à 5,3 avant overlay de duration mais seulement à 3,5 en tenant compte de nos positions short en US Treasuries 5 et 10 ans.

«Dans un passé encore récent, toute hausse de taux US
provoquait un tsunami sur les marchés émergents.»
Quel risque fait courir la hausse des taux US à la dette émergente?

Nous avons clairement changé d’époque! Dans un passé encore récent (par exemple le Taper Tantrum de juin 2013), toute hausse de taux US provoquait un tsunami sur les marchés émergents. Mais ces derniers ont énormément évolué. Les politiques économiques des gouvernements, les politiques monétaires des banques centrales, les réformes structurelles n’ont rien à envier à bon nombre de pays dits développés. Mais surtout, la dette en monnaie locale a supplanté la dette en dollar si bien que les mouvements de taux US ou les décisions de la Fed ont un impact beaucoup moins fort que par le passé. Et puis il ne faut pas négliger l’aspect flux: les investisseurs ont également évolué et ne regardent plus la dette émergente comme un animal dangereux. Ainsi, dans un environnement de taux très bas, les flux de souscriptions dans les fonds émergents soutiennent le marché. Enfin, votre question présuppose qu’il y aura encore une hausse de taux US. Ce n’est pas garanti! Mais il s’agit d’un autre débat…

Conclusions: la dette émergente oui/non? Quels rendements attendre?

Oui sans hésitation! Mais avec modération et avec une grande diversification, en panachant monnaie locale et devises de référence, gouvernements et corporates, maturités court-terme et durations plus élevées, haute qualité et émergents high yield, voire frontier markets. Les rendements seront vraisemblablement plus faibles que par le passé, surtout après un excellent millésime en 2017. Ensuite tout dépend de l’univers dans lequel vous investissez. L’objectif de notre Fonds haute qualité est de délivrer Libor 3 mois US dollar plus 2% ce qui correspond actuellement à un objectif de 4%. Dans l’univers des fonds libellés en dollars, nous devrions donc nous situer dans une fourchette 4%-8% entre les fonds les moins risqués et les gestions les plus agressives. Par conséquent, en monnaie locale, des rendements à deux chiffres ne sont pas exclus.

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