ETF thématiques: l’envers du décor

Charles-Henry Monchau, FlowBank

3 minutes de lecture

Investir dans un thème spécifique via un tracker est tendance. Attention toutefois à éviter certains pièges.

 

Qu’est-ce qu’un ETF thématique?

Nul besoin de rappeler le formidable essor ces dernières années des ETF («Exchange Traded Funds»), ces fonds gérés (la plupart du temps) de manière passive et négociés en Bourse de la même façon qu’une action. En 2020, les actifs des ETF ont dépassé les 7’000 milliards de dollars pour la première fois, soit un tiers des actifs gérés par les fonds. D’après Moody’s, ils pourraient prochainement dépasser la taille cumulée des fonds communs traditionnels.

Initialement, les ETF ont répliqué des indices actions pays ou régionaux bien connus tels que le S&P 500, le fameux SPDR ou le QQQ répliquant le Nasdaq 100, avant de couvrir les marchés obligataires ou les matières premières. Il y a quelques années, ce sont les trackers sur indices sectoriels qui avaient le vent en poupe. 

Un ETF sur le «Clean Tech» peut investir sur l’ensemble de la chaine de valeurs.

Plus récemment, les ETF thématiques ont commencé à gagner en popularité. Ils permettent aux épargnants d’investir via un seul instrument dans un panier de titres exposés à un thème spécifique, comme par exemple les voitures électriques, le cannabis, la cybersécurité, les énergies propres ou encore les produits «vegan». Alors que la composition des ETF sectoriels réponds la plupart du temps à une classification et hiérarchie définies par un indice existant, les ETF thématiques sont exposés à plusieurs secteurs différents. Ainsi, le Global X Robotics & Artificial Intelligence ETF est investi à la fois dans des semiconducteurs, des valeurs industrielles, des logiciels ou instruments médicaux. Un ETF sur le «Clean Tech» peut investir sur l’ensemble de la chaine de valeurs, que cela soit l’ingénierie, la commercialisation ou les acheteurs finaux. On y retrouvera des sociétés aussi différentes que Marvell, Plug Power ou First Solar. Leur point commun? Leur exposition au même thème.

Un succès grandissant

A l’heure actuelle, les ETF thématiques représentent pas moins de 800 instruments avec plus de 180 milliards de dollars d'actifs sous gestion. Leur chef de file est Ark Invest, fondée par Catherine Wood, la nouvelle coqueluche de Wall Street. En quelques années, la société New-Yorkaise est devenue le 7e plus grand gérant d’actifs ETF avec plus de 300 milliards d’actifs sous gestion. Leur recette miracle: des thèmes qui parlent aux investisseurs (l’innovation, la génomique, la robotique, les Fintech, etc.) mais aussi des performances exceptionnelles (105% en moyenne sur l’année 2020). Le succès d’Ark Invest est tel qu’il inspire une nouvelle stratégie d’investissement à Wall Street: copier voire anticiper les décisions d’investissement de Catherine Wood. 

Mais attention! Derrière l’exceptionnel succès d’Ark Invest se cachent aussi des échecs retentissants. Plus de la moitié des ETF thématiques lancés au cours des dix dernières années ont disparu. En effet, ces trackers sont souvent lancés sur la base d’une logique purement commerciale, c’est-à-dire attirer le plus vite possible des actifs afin de maximiser les frais de gestion. Souvent, il ne s’agit pas de sélectionner des titres selon un indice qui a déjà fait ses preuves ou sur la base de certains facteurs fondamentaux mais plutôt de «fabriquer» une histoire qui va plaire aux petits porteurs. Toutefois, lorsque la performance n’est pas au rendez-vous, les actifs de l’ETF retombent à des niveaux insuffisants pour couvrir les frais de fonctionnement, ce qui oblige les gérants d’actifs à fermer l’ETF en question. Parmi les ETF thématiques qui ont fermé 2020, citons SLIM et DIET (nutrition).

ETF thématiques: des avantages…et des inconvénients 

Pour de nombreux épargnants, constituer un portefeuille n’est pas toujours une tâche aisée. Lorsque les marchés ont fortement monté, la peur d’une correction imminente freine les ardeurs des néophytes. A contrario, la baisse des marchés est souvent accompagnée de mauvaises nouvelles sur le plan macroéconomique – ce qui n’est pas propice au «grand saut» dans les marchés financiers. Ainsi, les primo-épargnants feront plus facilement le pas en s’identifiant à une thématique sur laquelle ils ont une conviction personnelle. Par exemple, nombre d’entre nous est convaincu que les entreprises innovantes ont un fort potentiel. Dès lors, un ETF estampillé «Innovation» a plus de chances de «tirer l’argent de la poche» qu’un fonds du type «Profil de risque équilibré». 

Les ETF thématiques n’offrent que peu de diversification aux investisseurs.

L’ETF thématique permet ainsi aux épargnants d’investir dans des convictions et ce de manière diversifiée, avec une faible mise de départ et à des coûts de gestion faibles (même s’ils restent plus élevés que pour les ETF «classiques»). En ce qui concerne l’exposition au thème, les gérants utilisent des outils quantitatifs complexes, parfois basés sur l’intelligence artificielle et donc de plus en plus granulaire.   

Il y a par contre des pièges à éviter. Ainsi, les ETF thématiques n’offrent pour ainsi dire que peu de diversification aux investisseurs. Par exemple, la thématique du cannabis a connu des hauts et des bas. Les titres étant fortement corrélés entre eux, la volatilité des ETF sur ce thème n’est pas très éloignée de celle des sous-jacents – c’est-à-dire très élevée.  

Autre inconvénient – et il est d’importance – celui de la performance.  Une étude récente menée au Fisher College dans l'Ohio montre que les ETF thématiques ont enregistré des performances ajustées au risque qui sont inférieures à la moyenne. Cette performance est d’ailleurs corrélée aux flux de fonds. Les ETF thématiques sont souvent commercialisées alors que le thème a déjà très bien performé. Mais lorsque la tendance se retourne, les investisseurs décident de revendre leurs ETF, créant ainsi un cercle vicieux de flux négatifs et de mauvaise performance. La même étude constate d’ailleurs une surévaluation des actifs sous-jacents lors de la constitution de l’ETF. En moyenne, les ETF thématiques génèrent un alpha négatif de -4% par an et n’apportent donc aucune valeur ajoutée aux investisseurs.

En conclusion

Les ETF thématiques sont-ils à proscrire? Pas forcément. Comme pour n’importe quel investissement, il s’agit d’analyser en profondeur les fondamentaux des instruments sous-jacents (valorisation, perspectives de croissance, etc.), les propriétés de diversification du panier mais aussi des aspects techniques tels que le prospectus ou la solidité de l’émetteur. D’une manière générale, ce type d’instruments peut s’avérer utile en périphérie d’un portefeuille diversifié sur les principales classes d’actifs.

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