Dette émergente: baisse des taux en vue

Peter Becker, Capital Group

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L’inflation devrait encore ralentir dans les pays émergents au second semestre 2023.

L’inflation est un phénomène courant dans les économies émergentes, et l’année 2022 n’a pas fait exception: les prix des matières premières se sont envolés dans le contexte de la guerre en Ukraine, ainsi qu’en raison des difficultés d’approvisionnement et de la faiblesse des devises émergentes. Ces derniers mois, cependant, l’inflation a ralenti en glissement mensuel et annuel dans la plupart de ces économies, sous l’effet du reflux des prix alimentaires et de l’énergie, de l’atténuation des tensions d’approvisionnement et de l’affaiblissement du dollar US.

Il convient toutefois de noter que la situation varie fortement d’une région à l’autre : alors que l’inflation est relativement contenue en Asie, elle se révèle plus persistante en Europe centrale et orientale ainsi qu’en Amérique latine, où la hausse des prix alimentaires a été davantage problématique, et où les pressions sur les prix se sont étendues aux biens et aux services de base. Cette évolution est notamment due à l’augmentation des anticipations d’inflation, laquelle alimente la hausse des salaires.

Une baisse des taux d’intérêts nécessitera d’autres conditions.

Face à l’amélioration globale des perspectives inflationnistes, certaines banques centrales émergentes pourraient commencer à abaisser leurs taux d’intérêt. Elles disposent en effet de la marge de manœuvre nécessaire puisque lorsque l’inflation s’est accélérée en 2022, elles avaient relevé leurs taux plus tôt et plus rapidement que leurs homologues des économies développées. Faisant figure d’exception, la banque centrale turque a assoupli sa politique monétaire en dépit d’une inflation galopante.

Dans la plupart des pays émergents, le cycle de resserrement monétaire est donc proche de son terme, voire terminé. La Hongrie a pour sa part déjà procédé à sa première baisse de taux en mai, et pourrait être suivie dès cet été par le Chili et le Brésil.

Dans les autres économies émergentes, cependant, le reflux de l’inflation n’est pas encore suffisamment avéré pour convaincre les banques centrales locales de desserrer leurs politiques monétaires. Elles se montreront probablement prudentes si l’inflation sous-jacente demeure supérieure aux attentes.

La posture de la Réserve fédérale américaine (Fed) et les écarts de taux réels entre les taux pratiqués sur les marchés émergents et ceux des États-Unis entreront également en ligne de compte. Et que la Fed soit – ou non – parvenue au terme de son cycle haussier, ses prochains tours de vis devraient être plus modérés que ceux appliqués en pleine accélération de l’inflation.

Enfin, l’évolution du dollar US sera déterminante: il sera en effet plus difficile pour les banques centrales d’abaisser leurs taux si la devise locale se heurte à un dollar fort.

Les meilleures opportunités se trouvent en Amérique latine, mais aussi en Europe.

Une potentielle baisse prochaine des taux directeurs, des fondamentaux globalement satisfaisants, des taux nominaux relativement attrayants et des taux réels positifs permettent d’envisager la dette émergente sous un angle raisonnablement optimiste.

Cela dit, la sélectivité s’impose plus que jamais compte tenu des divergences entre les pays et entre les émetteurs. Les obligations d’Amérique latine libellées en devise locale offrent un potentiel prometteur en raison du niveau attrayant des taux nominaux et réels, d’une inflation modérée et de politiques monétaires volontaristes. Les nations d’Europe centrale et orientale restent quant à elles en proie à une inflation élevée et à des taux réels toujours négatifs, mais leur profil devrait finir par s’améliorer.

L’appréciation des devises émergentes pourrait enfin constituer un facteur de soutien pour la dette émergente.

La sous-évaluation apparente des devises émergentes a pesé sur les résultats des obligations en devise locale ces dix dernières années. Même si cela signifie que le seuil de performance positive des devises émergentes est aujourd’hui bas, et même si les devises émergentes ont été sous-évaluées pendant longtemps, leur niveau actuel de valorisation est insuffisant pour en déduire qu’elles se sont durablement redressées ou stabilisées. L’évolution du dollar US sera par conséquent déterminante, tout comme le rôle de la Fed.

En résumé, les fondamentaux des pays émergents semblent plutôt bien orientés et pourraient donc contribuer au redressement des devises émergentes face au dollar US. Si les craintes liées à l’inflation et au coût de la vie creusent les déficits budgétaires des pays émergents à des niveaux proches de leurs précédents plus hauts, leurs dettes publiques restent toutefois inférieures et mieux maîtrisées que dans les pays développés. Et même si les réserves de change ont reculé, les soldes extérieurs se redressent dans plusieurs pays émergents grâce à leurs taux de change sous-évalués.

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