Confiance dans la courbe des taux en euro

Mark Holman, TwentyFour Asset Management

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La dernière réunion de la BCE laisse entrevoir des mesures sérieuses mais inhabituelles.

©Keystone

Si nous pouvons nous perdre en conjectures sur les mesures qui nous attendent, une chose est certaine: l’enveloppe de 1350 milliards d’euros consacrée au programme d’achats d’urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Plan, PEPP) devrait encore augmenter. Le PEPP a été lancé en mars avec 750 milliards d’euros, auxquels se sont encore ajoutés 600 milliards d’euros en juin. On l’imagine donc facilement atteindre près de 2’000 milliards lors de la prochaine réunion de la BCE en décembre.

Replacer les grands nombres dans leur contexte

Etant donné que ces fonds sont en grande partie destinés aux emprunts d’Etat de la zone euro, l’ampleur du programme devrait être considérée à l’aune de la vague d’émissions qui devrait arriver sur ce marché. Qui va financer le gonflement des déficits publics et la montagne de dettes qui en résultera? Selon l’analyse de Citi, l’offre de dette souveraine de la zone euro pourrait avoisiner 1’200 milliards d'euros en 2021. Si l’on tient compte des paiements de coupons et des échéances, le montant des émissions nettes est toutefois ramené juste au-dessus de 400 milliards d’euros. 

Les achats de la BCE devraient dépasser l’offre nette
avec pour principal bénéficiaire les obligations émises par le Trésor italien.

Même si le PEPP n’augmentait pas, les achats de la BCE devraient dépasser l’offre nette avec pour principal bénéficiaire de ces opérations les obligations émises par le Trésor italien «Buoni del Tesoro Poliennali» (BTP). Une forte augmentation du PEPP pourrait conduire la BCE à acheter près du double de l’offre nette d’emprunts d’Etat de la zone euro en 2021. A titre personnel, il me semble que la Banque centrale européenne gaspillerait ainsi une partie de sa force de frappe et ferait mieux de l’utiliser pour promouvoir les obligations plus faiblement notées sur le marché élargi. Mais il paraît clair que la situation technique créée par la BCE submergera la digue de l’offre induite par la pandémie.

Resserrement des spreads sur les obligations d’entreprise

Nous en concluons que les feux ne sont pas au vert pour acheter des obligations souveraines de la zone euro (malgré certains arguments en faveur des BTP, dont le spread avec les Bunds allemands s'est contracté rapidement), mais sommes confiants à l’égard de la courbe des taux. Le soutien fort dont bénéficient les rendements des emprunts d'Etat de la zone euro signifie que les investisseurs devraient pouvoir acheter sereinement des obligations d’entreprise en euro (couvertes, bien entendu), y compris avec des échéances plus longues, ce qui est important car nous anticipons un resserrement des spreads à moyen terme sur ces obligations. On ne peut probablement pas en dire autant pour la courbe des taux américaine, étant donné que les arguments pour les bons du Trésor d’échéances éloignées sont plus équilibrés avec un biais en faveur de rendements modérément supérieurs. Ce point de vue est également étayé par l’écart croissant entre les taux d’inflation de la zone euro et des USA.

La BCE veut essentiellement une baisse des coûts du crédit
pour le plus grand nombre possible de secteurs économiques.

Nous concluons également de la réunion de mardi dernier que la Banque centrale européenne se préoccupe du durcissement des conditions monétaires occasionné par les banques commerciales, comme le montre sa dernière enquête sur la distribution du crédit bancaire. Ce phénomène tend à se produire à chaque récession, et la BCE a notamment pour tâche de le neutraliser à l’aide de sa politique. La BCE veut essentiellement une baisse des coûts du crédit pour le plus grand nombre possible de secteurs économiques, ce qui, du point de vue de l’investisseur obligataire, implique un resserrement des spreads de crédit. Cette question est peut-être encore plus urgente que celle de l’offre de dette souveraine abordée plus haut.

A quoi faut-il s’attendre?

La mesure qui apparaît la plus évidente est une nouvelle série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (Targeted Long Term Repo) avec un escompte par rapport au taux de refinancement afin que cela soit rentable pour les banques. Mais si les marchés financiers connaissent un mois difficile d’ici là, il est possible que de nouvelles mesures soient introduites pour contribuer à faire baisser les coûts du crédit. Quoi qu’il en soit, la réunion du Conseil des gouverneurs en décembre pourrait être la plus intéressante pour Christine Lagarde depuis le début de son mandat. 

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