Biodiversité: un enjeu financier aussi vital qu’environnemental

Marie Niemczyk, Candriam

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Investir sans intégrer la biodiversité, c’est ignorer un risque majeur. Pourquoi et comment l’intégrer dans les décisions d’investissement?

©Keystone

 

La biodiversité décline à un rythme alarmant: en moins de 50 ans (1970 à 20181), les populations d'animaux sauvages ont chuté de 69%.

Ce déclin soulève deux questions pour les investisseurs: quel est l’impact dans les portefeuilles et comment l'intégrer dans les décisions d'investissement?

D'abord, qu'est-ce que la biodiversité?

Apparu dans les années 1980, le terme biodiversité ne se limite pas à la faune et la flore: il englobe la diversité génétique, les interactions entre espèces et les écosystèmes qui régulent notre planète. Son équilibre est essentiel au bon fonctionnement des écosystèmes, influençant aussi bien la production alimentaire que la régulation climatique.

Une disparition rapide aux causes évidentes

Le rythme d’extinction des espèces s’est accéléré de façon spectaculaire, notamment sous l’effet des activités humaines à travers nos modes de vie, de production et de consommation. En détruisant la biodiversité à ce rythme, nous mettons aussi en péril notre propre avenir.

Une double matérialité: dépendance et impact

La relation entre biodiversité et activités humaines est à double sens: nous en dépendons tout autant que nous l’impactons. La nature nous fournit des services essentiels – alimentation, eau, énergie, régulation du climat et des sols – qui soutiennent nos économies et notre bien-être. Pourtant, certains secteurs, comme l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, contribuent fortement au déclin de la biodiversité, tout en étant elles-mêmes vulnérables à son érosion.

Ce lien va bien au-delà de la production alimentaire: la pharmacie, le chauffage au bois et même la lutte contre le changement climatique reposent sur des écosystèmes préservés. La biodiversité influence aussi des aspects moins évidents, comme la stabilité des infrastructures et la santé des travailleurs.

Pour les investisseurs, cette interdépendance crée une boucle de rétroaction: la biodiversité affecte la valeur des investissements, tandis que les entreprises détenues en portefeuille ont elles-mêmes un impact sur les écosystèmes. Ainsi, l’érosion de la biodiversité représente un risque tangible qu’il devient crucial d’intégrer dans les décisions d’investissement.

L'enjeu des données

L’intégration de la biodiversité dans l’investissement se heurte à des défis majeurs liés à la complexité des données. Contrairement aux émissions de CO2, facilement quantifiables, la biodiversité ne se résume pas à un indicateur unique. Son évaluation repose sur une multitude de critères (disparition d’espèces, état des écosystèmes), rendant l’agrégation des données difficile.

Autre défi: la biodiversité est un enjeu local. A l’inverse du climat, dont les impacts sont globaux, elle doit être analysée à l’échelle des territoires. Par exemple, l’exposition au stress hydrique d’une entreprise textile dépend de sa localisation. De même, l’impact d’une activité varie selon qu’elle se situe en zone urbaine ou en pleine nature.

Evaluer ces risques et impacts nécessite des données détaillées et géolocalisées sur les sites d’exploitation, les chaînes d’approvisionnement et leur interaction avec les écosystèmes environnants.

Comment intégrer la biodiversité dans l'investissement?

Face à ces défis, les investisseurs doivent analyser les méthodologies spécifiques développées par les gestionnaires d’actifs. Il ne suffit plus d’une approche ESG2 classique pour évaluer à la fois les impacts et les dépendances des investissements vis-à-vis de la biodiversité.

Les investisseurs doivent aussi s’appuyer sur de nouveaux types de données et indicateurs (données géospatiales et des métriques émergentes comme l’abondance moyenne des espèces). Toutefois, ces derniers présentent encore des limites et des biais potentiels. Il est donc crucial d’examiner leur pertinence et leur robustesse, face aux stratégies se prétendant positive en terme de biodiversité nette.

Enfin, l’engagement des investisseurs est également clé: le dialogue avec les entreprises favorise la transparence et l’adoption de meilleures pratiques. L’analyse des stratégies d’investissement doit ainsi inclure l’évaluation des efforts d’engagement et de leur impact réel sur la préservation de la biodiversité.

Le temps presse

L'intégration de la biodiversité dans l’investissement est encore émergente, mais l’urgence est réelle. La dégradation de la biodiversité menace la valeur des portefeuilles et, inversement, les entreprises qui y sont représentées peuvent accélérer son érosion si leurs pratiques ne sont pas surveillées.

Attendre des données parfaites ou un cadre d’analyse clé en main n’est pas une option. Il est essentiel que les gestionnaires d’actifs développent des méthodologies dédiées et renforcent leur engagement. En exigeant des actions concrètes, les investisseurs et conseillers financiers peuvent jouer un rôle clé dans la transition vers un modèle plus durable.


1 2022 Global Living Planet Index.
2 Environnemental, social, gouvernance

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