Les prévisions de bénéfices des banques européennes ont été revues à la hausse pour le 17e trimestre consécutif! 85% des banques ont dépassé les attentes des analystes en ce qui concerne la génération de revenus et 74% en ce qui concerne les résultats.
Source: Axiom Alternative Investment
Néanmoins, cette dynamique positive, qui se poursuit depuis plusieurs années, a du mal à se refléter dans les valorisations. Les multiples du secteur se situent toujours autour de 7 fois les bénéfices, contre environ 14 pour l'ensemble du marché, soit une décote comprise entre 45% et 50%, contre 25-30% avant la crise Covid et près de 20% pour les banques américaines.
Cette sous-valorisation reflète donc un décalage entre le cours des actions bancaires européennes et leurs résultats, et ce malgré des fondamentaux plus solides, des taux de distribution très élevés et des risques réglementaires réduits.
Le caractère transitoire de ces bons trimestres est souvent mis en avant pour justifier la frilosité des investisseurs à se positionner plus durablement.
Des fondamentaux en constante amélioration
Selon l’Autorité bancaire européenne, le ratio de CET1 s’élève en moyenne à 16%. Ce niveau de capitalisation, rapporté au volume des prêts non performants dans les bilans bancaires, démontre la transformation du modèle d'affaires des banques européennes suite au cycle réglementaire qui s'est déroulé ces quinze dernières années.
Ratio de CET1
Source: Axiom Alternative Investments, EBA
Les banques européennes se sont éloignées des activités les plus risquées pour se concentrer sur celles qui nécessitent le moins de capital réglementaire. Les plus petites banques ont été les plus rigoureuses dans cet assainissement de leur bilan, avec un taux de prêts non performants qui s'est rapproché de celui des plus grandes banques, tout en étant nettement plus capitalisées pour compenser le manque de diversification de leur modèle d'entreprise.
Des banques plus sages ne sont pas synonymes de moindre rentabilité, surtout avec le cycle de resserrement monétaire qui a vu les dépôts bancaires redevenir une source de profit pour les banques, après huit années de taux négatifs. Ce nouvel environnement monétaire a propulsé la rentabilité des actifs des banques européennes au niveau de 2007, avec un niveau de risque beaucoup plus faible.
Une rentabilité transitoire?
De nombreux investisseurs estiment que le rebond de la rentabilité des banques européennes est conjoncturel et qu’il est appelé à prendre fin avec la baisse des taux entamée cet été. En effet, la marge nette d’intérêt (NIM) a nettement rebondi avec le cycle de resserrement monétaire, passant de son plus bas niveau à son niveau moyen de long terme. C’est oublier un peu vite que la marge d’intérêt d’une banque est composée de la marge qu’elle réalise sur les dépôts, mais également de sa marge sur les crédits et de l’activité de transformation.
L'activité de transformation dépend, selon les banques, de la pente de la courbe des taux de 0 à 3 ans ou de 0 à 5 ans. Ces segments de la courbe des taux sont actuellement plats. Le cycle de baisse pourrait changer cela. Plus important encore, le renouvellement du portefeuille de prêts accordés pendant la période de taux d'intérêt négatifs devrait contribuer structurellement plus fortement au NIM, car leur remplacement se fera à des marges plus élevées. Il est donc peu probable que la rentabilité du secteur soit temporaire, à moins que l'Europe ne connaisse un nouveau cycle de taux d'intérêt négatifs.
Source: Axiom Alternative Investments
Par ailleurs, le mouvement de baisse des taux devrait relancer la demande de crédit et soutenir les valorisations des actifs risqués. L’appétit pour le risque favorise non seulement les marges sur les crédits mais aussi les activités bancaires basées sur les commissions.
Des excédents de capital à redistribuer
Au cours des dix dernières années, les banques ont accumulé une quantité considérable de capital excédentaire qu'elles peuvent redistribuer en revenant à une rentabilité normale. Les investisseurs bénéficient d'un rendement total résultant d'une combinaison de dividendes en espèces et de programmes de rachat d'actions d'environ 11% en 2024, auquel s'ajoute une augmentation de la valeur comptable nette d'environ 4%, composée de résultats retenus et mis en réserve.
Le changement de cycle des taux d'intérêt, qui a succédé à une décennie d'accumulation de capital excédentaire, permet donc aux banques européennes d'offrir aux investisseurs un rendement élevé en maintenant leur niveau de capital à son plus haut niveau depuis 25 ans.
Source: Axiom Alternative Investments, Bloomberg, Mediobanca Research
Cette situation n'est pas temporaire. Seize ans après la crise de 2008, les banques européennes sont entrées dans un cycle marqué par une redistribution du capital en faveur des investisseurs.