Tout projet de changement et d’amélioration doit commencer par un questionnement sur ce qui est nécessaire.
La «Gesellschaft für deutsche Sprache» a choisi le terme «Zeitenwende» (nouvelle ère) comme mot de l’année 2022. Une nouvelle ère correspond à la fin d’une époque et au début d’une nouvelle. La transition peut avoir lieu soudainement ou se dérouler sur le temps long. Le Chancelier Olaf Scholz, par exemple, avait utilisé ce terme dans son discours devant le Bundestag sur l’attaque russe contre l’Ukraine pour décrire le début d’une nouvelle ère dans l’ordre européen d’après-guerre.
Strictement parlant, le Chancelier n’a pas employé ce terme à bon escient. En effet, une nouvelle ère ne s’ouvre que lorsque les paroles sont suivies d’actes concrets. L’ampleur de la réaction de l’Allemagne à l’attaque russe n’était même pas prévisible à l’époque. Et qui pouvait affirmer que la Bundeswehr serait mieux équipée aujourd’hui qu’elle ne l’avait été par le passé?
Ainsi, ce qu’Olaf Scholz a qualifié à l’époque de «nouvelle ère» était avant tout une «évolution des connaissances»: la prise de conscience du fait que Vladimir Poutine n’était pas l’allié pacifique et fiable que les dirigeants allemands avaient longtemps vu en lui. L’annexion de la Crimée par la Russie huit ans auparavant n’avait aucunement porté atteinte à cette image.
L’écart entre les paroles et les actes et entre les connaissances et les actions concrètes se manifeste dans bien des domaines, pas seulement dans la guerre en Ukraine. Prenez l’État-providence allemand. La prospérité ne tombe pas du ciel. Et vice versa: les prestations sociales, que l’on tient pour acquises, sont d’abord élaborées dans un contexte différent de celui où elles s’appliqueront, ce qui devient de plus en plus difficile en raison du changement démographique et du vieillissement des populations. La «nouvelle ère» a donc commencé il y a longtemps, même si les connaissances nécessaires font encore défaut. Rien ne laisse présager une refonte du système de retraite allemand pour lui permettre de relever les défis du futur, notamment parce que les partis politiques ont peur de perdre des électeurs. Après tout, ce ne sont pas les réformes qui permettent de remporter les élections.
Prenons un autre exemple: l’attractivité du pays. Il n’y a pas que la Bundeswehr qui ne fonctionne plus comme elle le devrait: les chemins de fer, les organismes publics et les infrastructures reflètent les dysfonctionnements de plus en plus nombreux en Allemagne.
À mesure que l’attractivité du pays s’étiole, son importance décline. Pour la première fois, aucune entreprise allemande ne fait partie des 100 plus grands groupes au monde. Cinq groupes français, quatre groupes britanniques et trois groupes suisses figurent au classement. Au total, 15 entreprises européennes figurent dans le Top 100, alors qu’elles représentaient près de la moitié du classement il y a 15 ans.
C’est aux États-Unis et en Asie que tout se joue pour l’avenir de l’économie mondiale. Les entreprises industrielles allemandes et les groupes de luxe français parviennent encore à en tirer parti de manière indirecte. Avec ses entreprises de taille moyenne, que le monde entier lui envie, l’Allemagne a encore une carte à jouer, mais le succès n’est pas assuré. La réglementation pléthorique semble indiquer que, sans même parler de nouvelle ère, il n’y ait pas encore eu d’évolution des connaissances.
L’Allemagne doit absolument agir pour éviter le déclassement et ne pas finir comme un musée de l’industrie à ciel ouvert.