USA: la réduction du bilan de la Fed, un beau casse-tête

AWP

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La Fed tire implicitement les taux d’intérêt à la hausse, ce qui irrite Donald Trump, toujours prompt à se plaindre du renchérissement du coût du crédit.

© Keystone

«Arrêtez avec les 50 B’s»! Ce tweet rageur et sibyllin du président Trump a récemment braqué les projecteurs sur un volet complexe de la politique monétaire de la Banque centrale américaine (Fed): la réduction de son bilan.

En réduisant de 50 milliards (billions en anglais) de dollars par mois ses investissements dans les obligations d’État, la Fed tire implicitement les taux d’intérêt à la hausse, ce qui irrite Donald Trump, toujours prompt à se plaindre du renchérissement du coût du crédit.

Soutien face à la crise

Face à la crise de 2008, pour soutenir la reprise la banque centrale avait innové en inondant d’argent bon marché le système financier. Son but: fluidifier le crédit, et encourager prêts et investissements.

Cette démarche dite de «Quantitative Easing» (QE ou assouplissement quantitatif) a prévalu de 2008 à 2014, en trois phases.

Elle a également été menée par la Banque du Japon et plus tard par la Banque centrale européenne.

Pour injecter ces liquidités, la Réserve fédérale a fait des achats massifs de bons du Trésor et d’obligations appuyées sur des créances hypothécaires (MBS) qui sont venus gonfler son bilan. Celui-ci est ainsi passé de près de 900 milliards de dollars avant la crise, à 4.500 milliards fin 2017.

Quel impact?

L’incidence de cette innovation monétaire reste discuté. Les dirigeants de la Fed de l’époque, Ben Bernanke le premier, ont assuré que ces achats d’actifs obligataires, en poussant les taux à la baisse, avaient été indispensables pour stimuler l’économie.

Une chose est sûre, ces milliards injectés par la Fed ont paradoxalement favorisé la Bourse. Vu la baisse des rendements obligataires, les investisseurs se sont tournés vers les actions, bien plus rémunératrices.

Mais depuis octobre 2017, la Fed a décidé de réduire progressivement ce bilan, sans savoir exactement jusqu’à quel niveau.

Normalisation en douceur

Pour cela, elle a choisi la méthode douce. Au lieu de vendre ses actifs, elle a cessé de réinvestir dans les titres arrivant à maturité, par petites quantités chaque mois.

La Fed a commencé par diminuer son bilan de 10 milliards de dollars par mois (60% en bons du Trésor, 40% en MBS), montant augmenté à 50 milliards par mois actuellement. Le bilan de la Fed est ainsi descendu à environ 4.000 milliards de dollars aujourd’hui.

Mais ce processus de dégonflement du bilan a tendance à ressembler à un léger relèvement des taux d’intérêt, ce qui suscite régulièrement la colère du président Trump.

Effet indirect sur les taux

Chaque fois que la banque centrale réduit ses achats sur le marché obligataire, où elle est un acteur de poids, le prix des bons, théoriquement, doit baisser et leur rendement grimper.

Associée aux hausses des taux directeurs, qui restent l’outil majeur de politique monétaire, la réduction du bilan renchérit donc le coût des prêts, et celui d’une dette fédérale abyssale.

Ce processus devait être aussi inoffensif que de regarder «l’herbe pousser», avait promis Janet Yellen, la présidente de la Fed lorsque la démarche a été lancée.

Et jusqu’au mois dernier, son successeur Jerome Powell n’a cessé de répéter que la réduction des actifs de la Fed était «en pilotage automatique». Il a même enfoncé le clou début janvier affirmant qu’à terme le bilan «sera considérablement moins élevé qu’il ne l’est actuellement».

Flexibilité annoncée

Dans un contexte de grande volatilité sur les marchés et de ralentissement de la croissance mondiale, cette perspective a fait trembler la Bourse.

Au point que désormais les responsables de la Fed, qui prônent «la patience» sur les hausses des taux, admettent aussi qu’ils pourraient revoir le rythme de réduction du bilan.

«Si nous devions découvrir que le programme actuel de normalisation du bilan (...) ne favorise plus les objectifs de notre double mandat [plein emploi et maîtrise de l’inflation, ndlr], nous n’hésiterions pas à y apporter des modifications», a affirmé récemment le numéro deux de la Fed, Richard Clarida.

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