Pétrole: seuls contre tous, les Émirats ébranlent l’Opep+

AWP

2 minutes de lecture

Abou Dhabi fait entendre une voix dissonante au sein d’un groupe qui avait pourtant un accord sur la table, conduisant le dernier sommet de l’Opep+ dans une impasse.

Les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs dix alliés via l’accord Opep+ n’ont pas réussi lundi à dépasser leurs différends et repartent fâchés contre les Emirats arabes unis, pointés du doigt comme responsables de leur désunion.

Longtemps resté dans l’ombre de Ryad, Abou Dhabi fait entendre depuis jeudi dernier une voix dissonante au sein d’un groupe qui avait pourtant un accord sur la table, conduisant le dernier sommet de l’Opep+ dans une impasse.

Que pèsent les Émirats dans l’Opep+?

Les Émirats arabes unis figurent au quatrième rang des vingt-trois producteurs de l’Opep+, derrière la Russie et l’Arabie saoudite, deuxième et troisième producteurs mondiaux, et l’Irak.

Avec une offre de près de 2,74 millions de barils par jour prévue ce mois-ci, le pays représente un peu plus de 7% du total de l’Opep+ soumis aux quotas, soit tout le monde sauf l’Iran, le Venezuela et la Libye.

Mais sa capacité maximale est autrement supérieure, avec un pic à plus de 3,8 millions de barils par jour en avril 2020, avant la coupe drastique du cartel.

C’est ce qui a cristallisé les tensions avec les autres membres du cartel, le groupe refusant à Abou Dhabi la prise en compte de cette référence pour le calcul de sa coupe après avril 2022.

Ce différend «semble aller au-delà de la politique pétrolière» a commenté Helima Croft, de RBC, qui y voit une volonté de «sortir de l’ombre de l’Arabie saoudite et tracer sa propre voie sur la scène internationale».

La fronde émiratie met-elle l’Opep+ en danger?

Le risque premier pour le cartel est de voir les Émirats arabes unis claquer la porte, après le Qatar en 2018 et l’Équateur en 2019, mais le divorce est loin d’être acté puisque «les discussions se poursuivent en coulisses», explique Bjarne Schieldrop, analyste de Seb.

Il est tout à fait nouveau que de plus petits acteurs comme les Émirats «montrent les muscles» au sein de l’Opep+, observe de son côté Naeem Aslam, d’Avatrade.

L’alliance scellée en 2016 est en effet plus habituée aux prises de becs entre Ryad et Moscou, comme en mars 2020 lorsque les ministres russe et saoudien étaient partis dos à dos de Vienne, siège du cartel, déclenchant dans la foulée une courte mais intense guerre des prix qui avait fait plonger les cours du brut.

Ce signal d’indépendance rejoint des vues plus alarmistes. Ainsi pour Samuel Burman, de Capital Economics, les deux reports successifs du sommet jeudi et vendredi puis son annulation lundi font carrément planer le spectre de «l’effondrement de l’ensemble» de l’alliance.

Aucune nouvelle réunion de l’Opep+ n’a depuis été annoncée.

Que va faire l’Opep+ en août?

Sans accord, le niveau de production du cartel au mois d’août, voire au-delà, est identique à celui du mois de juillet.

C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre le ministre saoudien et chef de file du cartel Abdelaziz ben Salmane sur Bloomberg TV dimanche et qui a propulsé mardi le cours du brut de référence aux Etats-Unis à un record depuis 2014 à presque 77 dollars le baril, car le marché s’attendait à voir le robinet d’or noir s’ouvrir au moins un peu.

«L’absence d’accord sur l’augmentation de la production en août et au-delà laisse le marché encore plus déficitaire qu’auparavant», explique de son côté Neil Wilson, de Markets.com, la demande allant en s’améliorant à mesure que les campagnes de vaccinations font leurs oeuvres.

Deux autres scénarios sont sur la table: un accord sur le fil des protagonistes aboutissant à une hausse de la production dès le mois d’août, et un pugilat où tout le monde pomperait à tort et à travers.

A lire aussi...