Pétrole: l’Opep tente d’arrêter la chute des prix face à l’épidémie

AWP

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Les deux cours de référence, le Brent pour l’Europe et le WTI pour les Etats-Unis, ont perdu autour de 30% depuis un pic début janvier.

Les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs partenaires vont tenter jeudi et vendredi à Vienne d’enrayer le plongeon des cours de l’or noir face à l’épidémie de nouveau coronavirus, qui plombe la demande mondiale de brut.

L’épidémie de Covid-19 fait vaciller l’économie internationale, et le secteur pétrolier est l’un des plus touchés. Elle va aussi affecter les conditions même d’organisation de la réunion de l’Opep, qui sera fermée aux journalistes.

Cette mesure exceptionnelle est rendue «nécessaire en raison du risque de santé publique que fait courir la présence d’un tel nombre de personnes dans un seul endroit», a annoncé l’Opep mardi.

Les ministres des 13 pays membres du cartel, emmenés par l’Arabie saoudite, et leurs dix alliés de l’Opep+, dont la Russie, s’étaient quittés début décembre en actant une baisse collective de production de 500.000 barils par jour, avec une contribution «volontaire» de 400.000 barils de Ryad.

Cet effort s’additionne à la réduction de 1,2 million de baril en vigueur depuis fin 2016.

La mesure avait brièvement fait rebondir le cours du brut, avant que l’épidémie de coronavirus ne le refasse piquer du nez. Les deux cours de référence, le Brent pour l’Europe et le WTI pour les Etats-Unis, ont ainsi perdu autour de 30% depuis un pic début janvier: ils sont tombés brièvement dans la nuit de dimanche à lundi au plus bas depuis plus d’un an, respectivement sous 50 et 45 dollars le baril.

Les producteurs de pétrole cherchent la parade pour contrer cette déroute : en février, le comité technique (JTC) de l’Opep+ avait recommandé une coupe supplémentaire de la production de 600.000 barils.

Mais pour Craig Erlam, analyste chez Oanda, «ce ne sera pas suffisant». La Chine, très gourmande en or noir, est toujours enlisée dans la crise du nouveau coronavirus, qui se propage désormais dans le monde entier.

Le Financial Times rapportait récemment que l’Arabie saoudite souhaitait porter l’effort commun supplémentaire à un million de barils par jour.

«Double message» russe

La réussite du sommet, qualifié d’»extraordinaire» puisque se tenant seulement trois mois après le précédent (contre le double habituellement), repose sur l’entente entre le poids lourd du cartel, l’Arabie saoudite, et son principal allié de l’accord Opep+, la Russie, dont les responsables soufflent le chaud et le froid.

Jeudi, le ministre de l’Energie Alexandre Novak a déclaré aux agences de presse russes sa volonté de «coopérer davantage (...) dans le cadre des relations multilatérales de l’Opep+».

Mais dimanche, le président Vladimir Poutine, cité également par des agences russes, a estimé que «le niveau actuel des prix du pétrole est acceptable» car toujours au-dessus des «42,4 dollars le baril de Brent utilisés comme niveau de base (ndlr: pour calculer le budget) dans le cadre de (la) politique macroéconomique» russe.

Or Ryad et son ministre de l’Energie Abdel Aziz ben Salmane, demi-frère du puissant prince héritier Mohammed ben Salmane, tablent plutôt sur le double, explique à l’AFP Bjarne Schieldrop, de SEB.

C’est un «double message» qu’envoie la Russie à ses partenaires et au marché, même si elle «voit clairement que la demande souffre de l’épidémie, sans savoir précisément à quel point et pour combien de temps», selon lui.

Étau

Chaque ralentissement de la croissance mondiale pénalise la demande en brut et accentue le surplus du marché de l’or noir. Or, l’OCDE a ramené lundi sa prévision planétaire pour 2020 de 2,9% à 2,4%.

L’Agence internationale de l’énergie a révisé à la baisse ses attentes concernant la croissance de la demande de brut pour 2020, attendue désormais à 825.000 barils par jour, au plus bas depuis 2011, sous l’effet des conséquences «significatives» du coronavirus.

Ce déséquilibre entre une demande qui s’affaisse et une offre toujours pléthorique est encouragé par des pays non membres du cartel comme les Etats-Unis, premiers producteurs mondiaux qui pompent à un niveau record, suivis par le Brésil, la Norvège ou encore le Guyana.

Il pèse sur les prix et resserre l’étau dans lequel est pris l’Opep, qui n’a devant elle que des solutions imparfaites. Une coupe franche soutiendrait les prix, mais elle réduirait d’autant sa part de marché; et une coupe plus timorée pourrait rassurer le marché seulement «un jour ou deux», estime Robert Yawger, de Mizuho, interrogé par l’AFP.

Contacté par l’AFP, le ministère autrichien des Affaires étrangères a indiqué avoir rappelé au cartel les recommandations sanitaires en cas de réunion à caractère international, et notamment la possibilité d’un report.

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