Les intérêts personnels bloquent la réforme de la prévoyance vieillesse

Communiqué, KPMG

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Comme le montrent les chiffres, le temps presse: dans les 30 prochaines années, le déficit de répartition de l’AVS va s’accroître à plus de 20 milliards de francs par an.

La prévoyance vieillesse est confrontée à un gigantesque enlisement des réformes alors que le temps presse. Ainsi, le déficit de répartition de l’AVS ne sera pas le seul à s’accroître. Les effets indésirables de redistribution dans les caisses de pension mènent aussi à un déséquilibre croissant de la prévoyance vieillesse. Une meilleure connaissance de la prévoyance au sein de la population et un renforcement de l’esprit collectif pourraient dénouer ce nœud gordien.

Depuis de nombreuses années, la prévoyance vieillesse est l’une des plus grandes préoccupations de la population suisse. Toutes les générations s’inquiètent au même titre, car la prévoyance concerne chacune et chacun directement. Ce n’est le cas d’aucun autre domaine, et cette situation mène irrémédiablement à des conflits d’objectifs entre les intérêts personnels et ceux de la société. Dans la prévoyance tout particulièrement, la recherche croissante de durabilité ne parvient pas à s’imposer, et chaque réforme de la prévoyance s’est soldée par un échec. Pourtant, comme le montrent les chiffres, le temps presse: dans les 30 prochaines années, le déficit de répartition de l’AVS va s’accroître à plus de 20 milliards de francs par an. Et dans le 2e pilier, selon la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle, les effets indésirables de redistribution dans les caisses de pension s’élevaient déjà à 7 milliards de francs en 2019.

Les intérêts particuliers empêchent la formation d’un consensus

Pour quelle raison est-il si difficile d’asseoir la prévoyance vieillesse sur une base durable en Suisse? Les raisons sont nombreuses, comme a cru comprendre KPMG d’après les conversations menées avec des experts de la politique et de la science. La crainte de la perte est ici au cœur du processus. Au fil du temps, beaucoup d’entre nous se sont fait une idée précise de la prévoyance personnelle, considèrent cette conception comme immuable et s’y cramponnent avec ferveur. Le renoncement à cette vision suscite un profond malaise, voire une peur existentielle. Des déclarations telles que «j’ai cotisé toute une vie et maintenant, cela me revient» sont omniprésentes et illustrent parfaitement cette thématique.

Dans le même temps, il est difficile de parvenir à un compromis sur le plan politique. Les dernières tentatives de réforme visaient avant tout l’augmentation des cotisations. Il semble hors de question de diminuer le montant des rentes et d’augmenter l’âge de la retraite. Et voilà que l’on est déjà à bout des leviers d’adaptation disponibles. «Ce manque d’abnégation fait que nous ne pourrons pas maîtriser notre système de prévoyance», déclare avec conviction Erich Meier, responsable du centre de compétence Prévoyance de KPMG. Alors que les défis financiers à relever sont immenses dans les 1er et le 2e piliers, beaucoup semblent ne pas avoir pris conscience de l’urgence d’une solution durable. E. Meier constate une certaine indifférence: «Depuis la crise financière de 2007, nous sommes confrontés presque quotidiennement à des interventions financières d’une ampleur inimaginable, que ce soit de la part des États ou de leurs banques nationales. Avec la crise actuelle du coronavirus, cette tendance s’est encore accentuée.» Il est évident que la prévoyance vieillesse nécessitera beaucoup plus de moyens sur le long terme et que ces coûts relativisent d’autant plus les dépenses actuelles concédées pour surmonter la crise de la Covid-19.

Instaurer la transparence et transmettre des connaissances

Une meilleure connaissance de la prévoyance au sein de la population pourrait contribuer au développement durable du système de prévoyance. Système éducatif, employeurs, médias et avant tout institutions de prévoyance vieillesse sont particulièrement à pied d’œuvre. «Dans un système de démocratie directe, connaître la prévoyance est indispensable», explique Erich Meier. Selon lui, il faut ici une conception réaliste de la situation de toutes les classes d’âge, débarrassée des susceptibilités individuelles. Pour cela, il convient néanmoins de commencer par instaurer de la transparence. Nous manquons ainsi par exemple de prévisions officielles sur le long terme, sur la base desquelles nous pourrions discuter des approches durables de façon plus fondée. «Une période de retraite de plus en plus longue, avec une pyramide des âges de moins en moins favorable, ne saurait constituer la solution à long terme – la prévoyance doit être conçue de façon durablement viable entres les différentes générations», précise l’expert.

La durabilité dans le monde de la prévoyance: les petites caisses de pension désavantagées

Néanmoins, le sujet de la durabilité a gagné en importance au cours de ces dernières années. KPMG, qui fait partie des premiers auditeurs de caisses de pension en Suisse, a déjà abordé le thème des placements durables avec de nombreux instituts et constaté que le marché avait progressé dans ce domaine. Toutefois, les petites caisses de pension sont ici nettement désavantagées, faute d’être assez puissantes pour exiger des produits adaptés à des prix compétitifs. Il importe de vérifier en permanence les effets de la stratégie de durabilité et de les communiquer aux parties prenantes, qui ont ici des attentes claires. Même si les petites caisses de pension ne disposent guère des ressources nécessaires pour s’attaquer massivement au thème de la durabilité, KPMG s’appuie sur une tendance manifeste encore accélérée par la recrudescence d’outils numériques. «Malgré la grande euphorie à l’égard des placements durables, il ne faut pas oublier qu’ils ne représentent qu’un aspect des attentes de durabilité à l’égard des caisses de pension. L’objectif premier d’une caisse de pension demeure la satisfaction durable des engagements en matière de prévoyance», précise E. Meier.

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