L’Allemagne est-elle à nouveau «l’homme malade» de l’Europe? L’activité de la première économie du continent a contre toute attente reculé au deuxième trimestre, s’installant en position de lanterne rouge de la zone euro.
Le repli de 0,1% du Produit intérieur brut, annoncé mardi par l’Office national des statistiques, met un coup d’arrêt à la légère reprise entamée au début de l’année, avec une progression de 0,2% au premier trimestre faisant suite à une chute de 0,3% sur l’ensemble de 2023.
Les chiffres du printemps constituent une surprise: les analystes de la plateforme financière Factset tablaient sur une croissance de 0,1%. Sur un an, l’activité recule également de 0,1%.
La première économie européenne fait moins bien que ses voisins. Les PIB de la France, de l’Espagne et de l’Italie, également publiés mardi, ont respectivement connu une hausse de 0,3%, 0,8% et 0,2%.
«Coincée»
«La production ne démarre pas, l’utilisation des capacités diminue, les exportations s’affaiblissent et les nouvelles commandes dans l’industrie sont en berne», a résumé mardi l’organisation des chambres de commerce DIHK.
L’Allemagne souffre depuis deux ans des difficultés de son industrie exportatrice, pilier de son modèle économique, qui souffre des coûts élevés de l’énergie, du renchérissement du crédit, d’une faible demande domestique et surtout des difficultés du commerce international.
Avec ces difficultés, le pays a progressivement cédé son rôle de locomotive de la zone euro, au point que ressurgit le spectre de l’«homme malade de l’Europe» qui fut employé à la fin des années 1990 après le contrecoup économique de la réunification du pays.
L’économie allemande bénéficiait certes depuis le début de l’année du fort ralentissement de l’inflation, ayant permis une première baisse des taux de la BCE, d’une augmentation de la consommation et de coûts de l’énergie beaucoup moins élevés.
Mais cela n’a pas suffit à pérenniser la reprise, alors que l’essoufflement de la croissance chinoise, un client essentiel de l’industrie, pèse.
La production industrielle et les exportations ont ainsi chuté de façon inattendue en mai, respectivement de 2,5% et 3,6% sur un mois.
A cela s’ajoutent des problèmes structurels qui s’aggravent, notamment le manque de mains d’oeuvre, la hausse des coûts de production et le poids de la bureaucratie, qui dégradent sa compétitivité.
Cette morosité est de nature à accroître les divisions déjà importantes des partis de la coalition gouvernementale au pouvoir, qui réunit Verts, libéraux et sociaux-démocrates.
Ces trois formations s’opposent déjà entre partisans de dépenses pour soutenir l’activité et tenants de la rigueur budgétaire, au sein d’un gouvernement très impopulaire dans l’opinion.
Contraintes budgétaires
Les perspectives restent sombres pour le reste de l’année. «L’économie allemande est coincée dans la crise», a résumé mardi Klaus Wohlrabe, expert de l’institut économique IFO.
Le gouvernement ne prévoit qu’une légère croissance de 0,3%, soit nettement moins que ce qui est attendu pour l’ensemble de la zone euro, avec une prévision de 0,8% selon la Commission européenne.
Seul espoir : la «dynamique des services» et le «rebond du secteur de la construction», alors que la demande en crédits immobiliers devrait croître grâce à la baisse des taux de la BCE, selon Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste de la banque publique KfW.
Pour tenter de conjurer la crise, Berlin a adopté début juillet un plan de soutien à l’économie constitué de près de 50 mesures, avec des allègements fiscaux et réduction de bureaucratie pour les ménages et les entreprises. Objectif: obtenir «un demi-point de pourcentage de croissance en plus».
Une goutte d’eau, alors que le pays a un besoin massif d’investissements pour moderniser ses infrastructures et s’adapter à la transition écologique et numérique.
L’institut économique IW évalue à 600 milliards d’euros les besoins d’investissement dans les dix prochaines années.
Or, un arrêt de la Cour constitutionnelle en novembre a restreint les possibilités d’endettement public, au nom de règles nationales de rigueur budgétaire que la gauche voudrait réformer.
Mais le ministre des Finances libéral, Christian Lindner, y est formellement opposé.