L’Allemagne face au choc d’une deuxième récession, avec peu d’espoir

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La première économie européenne a enregistré une baisse de 0,2% de son PIB en 2024. En 2023, il s’était déjà contracté de 0,3%, plombé par la hausse des coûts de l’énergie consécutive à la guerre russe en Ukraine.

L’Allemagne s’enfonce dans le doute après une deuxième année consécutive de récession, traduction du marasme industriel de la première économie européenne qui cherche en vain des motifs d’espoir, en pleine période de turbulences politiques.

L’activité économique s’est contractée de 0,2% l’an dernier, selon une première estimation mercredi de l’institut Destatis, en ligne avec les prévisions pessimistes du gouvernement.

En 2023, le PIB avait déjà reculé de 0,3%, plombé par la hausse des coûts de l’énergie consécutive à la guerre russe en Ukraine.

L’ancienne locomotive de la zone euro ne doit pas compter sur une reprise rapide : «Tout porte à croire que 2025 sera la troisième année consécutive de récession», selon Jens-Oliver Niklasch de la banque LBBW.

Au mieux, les économistes tablent sur une croissance anémique, comme la Bundesbank qui prévoient une hausse du PIB de 0,2% cette année.

En cause notamment : la perspective d’une guerre commerciale avec les Etats-Unis de Donald Trump, premier débouché des exportations allemandes. Alors même que l’Allemagne ne pourra pas se doter d’un nouveau gouvernement d’ici plusieurs mois, compte-tenu des négociations qui suivront les élections législatives du 23 février.

«Fauteuil roulant»

L’Allemagne s’installe durablement en queue de peloton de la zone euro, seule parmi les grands pays européens à avoir enregistré une baisse de son PIB en 2024 par rapport à 2019, avant le Covid, note Ruth Brand, présidente de Destatis.

«Notre économie ne fait pas que boiter, elle se déplace déjà en fauteuil roulant», estimait récemment Robert Halver de la banque d’investissement Baader.

Une double récession n’était plus arrivée en Allemagne depuis le début des années 2000, période où le pays, affaibli par le coût de la réunification, était surnommé «l’homme malade de l’Europe».

Comme à l’époque, des difficultés conjoncturelles se superposent à des problèmes structurels : l’industrie allemande ne s’est pas remise de la hausse des coûts de l’énergie depuis 2022 et souffre d’une réduction de ses débouchés en Chine.

S’y ajoutent les coûts de la décarbonation, le vieillissement de la population et des infrastructures, le poids de la bureaucratie.

«L’économie allemande traverse la plus grande crise de l’après-guerre», selon Bert Rürup, président de l’institut de recherche du quotidien Handelsblatt.

Cette crise s’illustre avant tout dans les difficultés persistantes de l’industrie manufacturière, dont la performance a reculé de 3% l’an dernier, selon Destatis.

L’année 2024 a été rythmée par les annonces de plans sociaux dans l’industrie pour les grands groupes comme les petites entreprises.

Symbole de la débâcle du pays de l’automobile : Volkswagen va supprimer 35.000 emplois en Allemagne d’ici 2030.

Une aubaine pour la Chine, qui grignote des «parts de marché significatives», notamment dans l’automobile, la chimie et les machines, a averti la Bundesbank.

Si bien que «les exportations allemandes ont baissé malgré l’augmentation globale du commerce mondial en 2024», selon Ruth Brand.

L’Allemagne a terminé l’année sur une baisse du PIB de 0,1% au quatrième trimestre, selon des chiffres provisoires.

«Regain de confiance»

En 2024, l’éclaircie devait venir de la consommation privée, avec le recul durable de l’inflation.

Mais d’après Ruth Brand, «les ménages se sont abstenus d’acheter malgré la hausse de leurs revenus», en proie à l’incertitude.

Le marché du travail, d’habitude robuste, s’affaiblit également alors que le pays fait face à une pénurie de main d’oeuvre.

Le redressement économique est la priorité affichée des candidats au scrutin de février, pour lequel les conservateurs de la CDU sont favoris par rapport au chancelier sortant, le social-démocrate Olaf Scholz.

Si l’impasse politique se prolonge, l’institut munichois Ifo craint que la délocalisation de l’industrie et des investissements ne s’accélère.

Carsten Brzeski, de la banque ING, espère «un regain de confiance et de croissance en Allemagne» avec un gouvernement qui privilégie «réformes structurelles, investissements et une politique fiscale plus souple».

Il devra aussi s’attaquer au sous-investissement chronique dans les infrastructures du pays.

«L’Allemagne a besoin d’investir 1,5% de son PIB chaque année dans la décennie à venir», selon M. Brzeski, alors qu’une règle constitutionnelle de plus en plus controversée limite le recours à l’endettement.

Rare bonne nouvelle : le déficit public allemand s’est maintenu à 2,6% du PIB en 2024, toujours en dessous de la moyenne de l’UE estimée à 3,1%.

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