Les marchés asiatiques ont hésité lundi, digérant les représailles douanières brièvement imposées par Donald Trump à la Colombie, tandis que les titres liés aux semiconducteurs ont chuté à Tokyo sur fond d’inquiétudes liées au modèle d’intelligence artificielle d’une firme chinoise.
DeepSeek prometteur, les puces dévissent
Une jeune pousse chinoise, DeepSeek, a dévoilé la semaine dernière un modèle d’intelligence artificielle à l’architecture ouverte, assurant qu’il était capable de concurrencer OpenAI, mastodonte américain créateur de ChatGPT.
Or, marchés et analystes digéraient lundi des informations selon lesquelles le modèle de DeepSeek serait performant tout en fonctionnant sur des puces à capacité réduite, au risque de bousculer la domination des groupes américains du secteur --dont le géant des puces Nvidia.
A Tokyo, les titres des sociétés japonaises liées aux semiconducteurs, aussi potentiellement menacées, ont dévissé, à l’image d’Advantest, le fournisseur de Nvidia (-8,60%), de Screen Holdings (-5,09%) et Disco Corp (-1,79%).
Le puissant groupe d’investissement japonais SoftBank, qui avait bondi la semaine dernière avec sa participation au massif projet d’IA dévoilé par Donald Trump aux Etats-Unis, a également plongé lundi (-8,32%). Fujikura, qui fabrique des câbles pour centres de données, s’est aussi effondré de 8%.
«La domination (américaine) ne peut pas être considérée comme acquise. L’émergence de DeepSeek en Chine indique que la concurrence s’intensifie: même si elle ne représente peut-être pas une menace significative pour l’instant, cela montre que les futurs rivaux défieront plus rapidement qu’attendu les entreprises déjà installées», a averti Charu Chanana, analyste de Saxo Markets citée par Bloomberg.
Les Bourses suspendues à Trump, qui souffle le chaud et le froid
A la Bourse de Tokyo, l’indice vedette Nikkei a clôturé en repli de 0,92% à 39’565,80 points et l’indice élargi Topix a en revanche progressé de 0,26% à 2758,07 points.
Le marché tokyoïte a été tiré par une solide performance des titres des grandes banques, à l’image de Mizuho (+1,58%) ou SMFG (+1,54%), après le relèvement vendredi des taux de la Banque du Japon qui devrait doper leurs bénéfices.
Mais dans l’ensemble, les investisseurs restaient sur leur garde face à la politique économique et commerciale de Donald Trump, le président américain fraîchement investi soufflant le chaud et le froid.
Il a ainsi assuré vendredi qu’il préférerait ne pas imposer de droits de douane à la Chine, revirement brutal par rapport à ses promesses répétées de frapper le géant asiatique de lourdes taxes à l’importation.
Ces déclarations accommodantes ont continué de soulager lundi les Bourses chinoises: vers 06H30 GMT à Hong Kong, l’indice Hang Seng grimpait de 0,71% à 20’209,51 points. L’indice composite de Shanghai prenait 0,23%, seul celui de Shenzhen cédant en revanche 0,90%.
A travers l’Asie, la nervosité subsistait face à l’imprévisibilité de M. Trump: ce dernier a décidé dimanche d’imposer de drastiques droits de douane à la Colombie, après le refus de Bogota d’accueillir des immigrés expulsés par les Etats-Unis... avant finalement de suspendre lundi les sanctions prévues.
Autre facteur d’inquiétude: l’activité manufacturière a fortement baissé en janvier en Chine après trois mois consécutifs de progression.
Rebond timide du dollar, le peso mexicain plonge, répit pour l’or
«Ce n’est que le début, mais il semble que Trump 2.0 utilisera les tarifs douaniers pour atteindre des objectifs économiques et politiques, comme l’illustre l’exemple colombien, et peut-être d’une manière plus agressive que lors du premier mandat», commente Michael Wan, de la banque MUFG.
«Une escalade des droits de douane entre États-Unis et Chine est probablement retardée et pas annulée», avertit-il.
Après avoir lourdement chuté vendredi face à la posture plus modérée du magnat républicain sur la Chine, le dollar --valeur refuge face aux incertitudes-- a d’ailleurs rebondi lundi, avant de se stabiliser (+0,03%) vers 06H30 GMT face à la devise nippone, à 156,01 yens pour un dollar.
Le peso mexicain a pâti des représailles de Donald Trump visant la Colombie, alors que le Mexique est lui-même menacé de sanctions douanières: la devise perdait 0,77% face au billet vert.
L’affaiblissement du dollar avait poussé vendredi les investisseurs à se reporter sur l’or, autre valeur refuge, le rapprochant du record historique atteint fin octobre: logiquement, le cours du métal jaune refluait lundi de 0,59% à 2.754 dollars l’once.
Le marché du pétrole, lui, restait plombé par les pressions de Donald Trump pour pousser l’Opep à gonfler son offre: le baril de WTI américain perdait 0,66% à 74,17 dollars, celui de Brent de la mer du Nord 0,64% à 78,00 dollars.