La santé insolente de l’économie US tire les taux obligataires à un sommet

AWP

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La récente montée des taux obligataires à 10 et 30 ans testait jeudi des plus hauts depuis 2007 à respectivement 4,30% et 4,40% déjà atteints en octobre 2022 lorsque l’inflation américaine faisait rage.

Les taux obligataires américains à long terme ont grimpé jeudi à un nouveau plus haut depuis 16 ans à la veille de la crise économique mondiale de 2008.

Cette ascension, provoquée par les craintes d’une inflation tenace, par la fermeté de la Réserve fédérale (Fed) sur les taux et paradoxalement par la bonne santé de l’économie américaine, ébranle Wall Street et se répercute sur les prêts immobiliers.

Les taux obligataires, qu’est-ce que c’est?

Les rendements obligataires, qui désignent les taux d’intérêt que rapportent les obligations ou les emprunts d’Etat, évoluent en sens inverse du prix de ces titres.

Quand les obligations sont recherchées, leur prix monte mais leur rendement baisse.

En revanche, quand les investisseurs, tels les compagnies d’assurances ou les fonds de pension, vendent leurs bons ou bien qu’il y a pléthore d’émissions de dette, leur prix baisse mais leur rendement grimpe.

La récente montée des taux obligataires à 10 et 30 ans testait jeudi des plus hauts depuis 2007 à respectivement 4,30% et 4,40% déjà atteints en octobre 2022 lorsque l’inflation américaine faisait rage.

En cause, la santé de l’économie américaine

Paradoxalement, la bonne santé de l’activité américaine, qu’on croyait au bord de la récession il y a quelques mois, renforce l’idée que l’inflation a des chances d’être tenace et que d’autres hausses de taux de la Fed risquent d’être nécessaires. Cela pousse les rendements des obligations d’Etat à la hausse.

«Le facteur majeur est que l’économie a été plus forte que prévue», explique à l’AFP Karl Haeling, directeur pour les marchés des capitaux à la banque Landesbank Baden-Wurttemberg (LBBW).

«Au début de l’année, le consensus parmi les économistes était qu’on s’acheminait vers une croissance zéro et une faible récession», rappelle-t-il.

«Or l’indicateur du PIB (Produit intérieur brut NDLR) de la Fed d’Atlanta, révisé en hausse plusieurs fois, mise désormais sur 5,8% d’expansion au 3e trimestre en rythme annuel. L’économie va fort!», a ajouté l’analyste.

Pour Nathan Sheets, économiste en chef de Citigroup, la raison essentielle est que la Fed «pourrait très bien devoir en faire plus» en relevant encore les taux pour dompter l’inflation après déjà onze relèvements de ces taux au jour le jour.

Les états-Unis empruntent plus

Autre facteur, selon Karl Haeling: le Trésor américain qui inonde le marché d’émissions de dette, ce qui plomberait le prix des bons.

Mais pour David Kotok, directeur des investissements à Cumberland Advisors, ces nouveaux emprunts d’Etat ne sont qu’»un rattrapage de la crise du plafond de la dette» où pendant des mois le Trésor n’a pas pu emprunter.

Reste que l’annonce par le Trésor de ses larges prévisions d’emprunts a coïncidé début août avec l’abaissement de la note de la dette américaine par l’agence de notation Fitch à AA+ au lieu du précieux AAA. Ce facteur «symbolique», selon Karl Haeling, a donné le coup d’envoi à une nouvelle accélération des rendements obligataires.

Les consommateurs vont en faire les frais

Des taux obligataires plus hauts influencent notamment les crédits immobiliers.

«Le coût du prêt immobilier à 30 ans, qui est le crédit de base aux Etats-Unis, est maintenant de plus de 7,5%. Il y a deux ans seulement, il était à 3%! Donc on assiste à des mouvements majeurs et ce n’est pas fini», assure David Kotok de Cumberland.

Lawrence Yun, de l’association des agents immobiliers NAR, lui, ne décolère pas. «La Fed a fait une erreur en pensant qu’elle avait encore besoin de relever les taux d’intérêt alors que l’inflation baisse», affirme à l’AFP l’économiste en chef critiquant la décision de fin juillet de la Fed de faire grimper les taux à 5,50%, au plus haut depuis 22 ans.

«Ils en font trop, de mon point de vue», assure le responsable de l’organisation professionnelle. «La conséquence, c’est que cela va ralentir le redressement du marché immobilier qui sortait d’une récession», affirme-t-il.

Le dollar en profite, les actions moins

Celui qui en profite, c’est le billet vert qui est à des plus hauts depuis six semaines.

«Le taux d’intérêt réel aux Etats-Unis est maintenant de 2%, entre une inflation à 3,5% et des taux de base à 5,5%. C’est très attractif pour le monde entier», résume David Kotok.

Sur le marché boursier, les investisseurs «commencent à être soucieux d’un scénario où les taux risquent d’être hauts pour longtemps», ce qui renchérit l’investissement des entreprises. «Ce n’est pas un environnement dans lequel les actions se portent bien», reconnaît Nathan Sheets de Citigroup.

Alors que l’indice S&P 500, le plus représentatif du marché, a atteint un plus bas en un mois, «le marché boursier envoie des signaux oranges», ajoute l’expert. «Mais ce n’est pas encore une correction majeure car en toile de fond, il y a cette économie américaine étonnamment résiliente».

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