Gonet: l'actualité des marchés au 17 avril

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -1,73%, S&P 500 -2,24%, Nasdaq -3,07%, Russell -1,03%, SOX -4,1%, Eurostoxx -0,08%, SMI -0,1%.

Ça se complique à nouveau Downtown Manhattan.

Le marché s’inquiète hier de l’annonce de Nvidia qu’elle prendra une charge de 5,5 milliards de dollars au premier trimestre de l'exercice 2025 en raison des règles de l'administration Trump visant à limiter les ventes de ses puces à la Chine. L’annonce faite en parallèle par ASML qu’elle ne peut plus prédire son avenir financier en raison des tarifs n’aide vraiment pas, Wall Street début donc sa journée dans une ambiance morose, on se prépare à écouter le patron de la Fed, qui doit donner un discours au Economic Club de Chicago. Jerome Powell marche d’habitude sur des œufs mais pas hier (probablement parce que la douzaine est devenue beaucoup trop chère, je sors). Le premier banquier du monde dit finalement tout haut ce que tout le monde sait déjà, le hic c’est que l’impact de ses mots est nettement plus élevé que celui du premier quidam venu. « Les tarifs douaniers sont très susceptibles de générer une hausse au moins temporaire de l'inflation », déclare M. Powell. "Les effets inflationnistes pourraient également être plus persistants. Il est probable qu'il en soit de même pour les effets économiques », ajoute-t-il.

Ce faisant, le boss de la Réserve Fédérale envoie un message clair au marché : « ne comptez pas sur un put de la Fed ». En clair, les acteurs qui espéraient encore hier matin que si les indices d’actions reculent à un certain niveau, la première banque du monde entrera en jeu pour protéger les investisseurs, peuvent revoir leur copie, cela ne se produira pas et on comprend aisément pourquoi. Le mandat de la Fed est dual, elle doit dans un premier temps assurer la stabilité du niveau général des prix soit maintenir une inflation faible et stable, idéalement à 2% et aussi soutenir l’économie afin de permettre le plein emploi. Bien que non formellement inclus dans son double mandat, la Fed a aussi la responsabilité de préserver la stabilité du système financier, de superviser les banques, et de prévenir les crises systémiques. Ce rôle s’est renforcé notamment après la crise de 2008. Jerome Powell nous dit hier que, non seulement il craint que l’inflation poursuive son redressement, mais aussi que la croissance économique américaine soit impactée dans un environnement macro-économique fort compliqué à évaluer. Comment dans un tel contexte baisser les taux ? Cela relève de l’absurde, la Fed va donc probablement faire un pas en arrière et laisser un maximum de temps passer avant d’agir, qui vous savez a du s’étrangler dans son bureau hier, espérons qu’il n’était pas en train de manger un bretzel.

Dans le reste de l’actualité, Pékin se dit prêt à engager des négociations commerciales si l’administration Trump fait preuve de plus de respect, adopte une position plus cohérente et désigne un interlocuteur clair pour les discussions, selon un rapport de l’agence Bloomberg citant une personne non identifiée, au fait de la position du gouvernement chinois.

C’est dans ce contexte que les indices d’actions américains repartent à la baisse hier, dans une séance plutôt calme en termes de volumes d’échanges. L’indice S&P500 équipondéré (SPW) recule de 1.35% contre -2.24% au SPX, cela nous indique que le marché ne vend pas tout et n’importe quoi, hier il cible surtout la tech, la consommation discrétionnaire et les services de communication. Le secteur de l’énergie parvient même à progresser de 0.8%. Cela est plutôt rassurant, on n’est pas en mode capitulation, la volatilité remonte certes de 8.5%, le VIX à 32.64, mais pas de panique à bord hier, plutôt une forme de résignation. Gardons un œil sur l’indice Russell2000 (RTY), une seconde death cross se produira aujourd’hui (cette fois-ci la 100 jours va traverser la 200 à la baisse), un phénomène rare et peu encourageant d’un point de vue technique. Sur le marché obligataire, le rendement du 10 ans US traite ce matin à 4.32%, pile sur sa 50 jours. Côté marché des changes le dollar reste fragile, la paire eur/usd évolue à 1.1360. L’or ne s’arrête plus, l’once monte à 3357$ pour revenir actuellement à 3318$.

Les investisseurs s’inquiètent désormais davantage des politiques commerciales de Trump que de tout autre sujet, d’après une enquête menée par Bank of America auprès de gestionnaires de fonds mondiaux. Quatre-vingts pour cent des personnes interrogées considèrent qu’une guerre commerciale entraînant une récession mondiale constitue le principal « risque extrême » — défini comme un risque peu probable, mais susceptible d’occasionner des pertes importantes pour les investisseurs s’il se concrétise. Il s’agit, selon BofA, de la concentration la plus élevée autour d’un même risque extrême depuis quinze ans.

Et les gestionnaires de fonds ne sont pas les seuls à s’inquiéter : l’Organisation mondiale du commerce tire elle aussi la sonnette d’alarme au sujet des droits de douane imposés par Trump, ce mercredi. Bien que les récents reports des tarifs sur les smartphones et les automobiles soient perçus comme un signe positif, « des risques importants à la baisse persistent, notamment l’application de droits de douane dits ‘réciproques’ et une généralisation de l’incertitude politique », indique l’OMC dans un rapport. Le commerce mondial de biens pourrait reculer jusqu’à 1,5% si la situation se détériore, ajoute l’organisation.

Ce matin le sentiment du marché s’améliore quelque peu. Les valeurs technologiques sont soutenues par des prévisions solides du géant des semi-conducteurs Taiwan Semiconductor Manufacturing. Les ventes prévues par TSMC pour le deuxième trimestre dépassent les attentes des analystes et l’entreprise maintient son objectif de dépenses d’investissement pour l’année. Plus tôt, la société — principal fabricant de puces pour Nvidia et Apple — a publié des résultats supérieurs aux prévisions, portés par des achats de précaution d’électronique en prévision d’une possible guerre commerciale. En parallèle à cette plutôt bonne nouvelle, le marché apprécie que le Japon soit en train de négocier avec Washington, qui fait état de « progrès importants ».

Au menu macro-économique de ce jeudi, la BCE et sa baisse de taux espérée par le marché à la mi-journée, plus le discours de Christine Lagarde dans la foulée. Aux Etats-Unis, les permis de construire, les mises en chantier, les nouvelles demandes d'allocations chômage et les perspectives d'affaires de la Fed de Philadelphie se profilent.

Pernod Ricard enregistre une contraction plus marquée que prévu de ses ventes au troisième trimestre fiscal. Siemens Energy affiche sa marge la plus élevée depuis sa scission au deuxième trimestre fiscal. Moncler dépasse les attentes au T1. ABB bat les attentes au premier trimestre et prévoit de scinder sa division Robotique pour en faire une société cotée séparément. Nestlé réaffirme son plan d'économie devant les actionnaires. Rheinmetall voit un potentiel de commandes pouvant atteindre 341 milliards de dollars, déclare son CEO au Handelsblatt. Volkswagen prévoit de maintenir ses prix inchangés aux États-Unis jusqu'au mois prochain. Intel devra obtenir une licence pour exporter des puces IA vers ses clients chinois, selon le Financial Times. Ford Motor pourrait augmenter ses prix si les droits de douane sur les voitures imposés par Trump persistent, selon une note interne. Instagram et WhatsApp n'auraient pas si bien réussi sans Facebook, déclare Mark Zuckerberg lors du procès Meta. Les immatriculations de Tesla en Californie ont chuté de 15% au premier trimestre. Hertz (HTZ +56.4%) flambe après l'annonce d'une participation de Pershing Square pouvant aller jusqu'à 19,8%.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse. Tokyo gagne 1.35%, Hong Kong avance de 1.37%, Shanghai grappille 0.13%, Séoul prend 0.94% et le Nifty50 gagne 1.13%. Le future SPX récupère 47 points et l’Europe ouvre en repli de 0.2%.

Retour de l’actualité des marchés mardi 22 avril.

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