Gonet: l'actualité des marchés au 17 avril

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Nasdaq +1,7%, Dow +0,14%, SPX +0,58%, Russell -0,50%, SOX +2,6%, Eurostoxx +0,15%, SMI +1,28%.

Wall Street encaisse les statistiques économiques du jour sans broncher. Et pourtant tout cela n'est pas beau à voir, l'indice Philly Fed des perspectives d'affaires des sociétés s'effondre à -56 points, nettement en-dessous des attentes, et que dire des demandes hebdomadaires d'allocations chômage, qui sortent à 5,2 millions d'individus? Depuis 4 semaines, 22 millions d'Américains ont abandonné leur poste de travail, ce qui envoie les projections du taux de chômage en orbite, à environ 17% pour le mois d'avril. Mais le marché ne bronche pas, le mot d'ordre de cette semaine est r-o-u-v-e-r-t-u-r-e! Quel qu'en soit le coût.

Donald Trump dévoile les lignes directrices qui permettront aux États de lever progressivement les distances sociales en quatre semaines seulement. Les recommandations prévoient un processus en trois phases pour le retour au travail et à la vie publique, mais permettent de réimposer des mesures en cas de flambée d'infections. Le président indique qu'il s'attend à ce que le nombre de décès, qui avoisine les 32'000, soit inférieur aux prévisions les plus optimistes. «Nous sommes en train d'ouvrir notre pays. Nous devons le faire». Ces annoncent interviennent après que l'État de New York a prolongé son embargo jusqu'au 15 mai. Le Royaume-Uni a ajouté trois semaines à ses restrictions alors que le nombre total d'infections y a dépassé les 100'000. Les nouveaux cas ont également augmenté en Italie, en Espagne et en Allemagne. Singapour a enregistré sa plus forte augmentation quotidienne pour le deuxième jour consécutif. Mais le mot d'ordre, c'est le mot d'ordre.

Dans ce  contexte, l'indice S&P500 (SPX) se laisse à nouveau entrainer par les grosses capitalisations et vient se poser juste en-dessous des 2800 points à la cloche. Prochaine résistance 2933 qui correspond à 61,8% de retracement Fibonnacci de la baisse du 19 février au 23 mars. Notons que le SPX a (re)cassé les 50% de retracement à la cloche, qui se situaient à 2791 points. 14 de ses composants atteignent des plus hauts en 52 semaines, tous font partie soit du secteur de la santé, des grands discounters tels que WalMart (WMT +2,73%) ou des actions dites «stay at home» que sont Amazon (AMZN +4,36%), Netflix (NFLX +2,91%), Activision Blizzard (ATVI +3,56%) ou Electronic Arts (EA +4,04%). L'indice Nasdaq100 (NDX) traite désormais en hausse depuis le début de l'année (ceci n'est pas un typo), de 0,28%. Les actions dites de momentum continuent d'être chassées par les investisseurs, progressent de 4,3% sur la journée et ont gagné 11,7% cette semaine! A la clôture on observe des intérêts acheteurs pour 1,4 milliard de dollars, les emplettes ne sont manifestement pas terminées hier à 22h, ce d'autant plus que mes indicateurs ne montrent absolument aucunes couvertures de position shorts (vendues à découvert), pas encore du moins. Au chapitre des secteurs, les banques, l'énergie et l'immobilier continuent de sous-performer le marché, ce qui explique en partie la mauvaise tenue de l'indice Russell2000. Les semi-conducteurs décollent, encouragés par Taiwan Semi Conductor (TSMC), qui s'envole de 5% après ses résultats. La volatilité recule un peu, l'indice VIX (volatilité du SPX) en repli de 1,8% à 40,11, niveau de support assez solide. Les volumes d'échanges sur le NYSE (New York Stock Exchange) restent stables à un peu plus de 10 milliards d'actions échangées.

Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes? Pas si vite...

Pour peu que l'on parvienne à conserver quelque peu la tête froide, on constate que, selon l'analyse technique de Tom Demark, des signaux de vente vont être envoyés ce soir par de nombreux indices et notamment le SPX, le NDX, le SOX mais aussi Amazon et Netflix. Par ailleurs, le marché est tellement en mode «verre à moitié plein» qu'il ignore totalement de nombreux signaux d'alarme comme par exemple l'annonce faite par Neel Kashari, le patron de la Fed de Minneapolis, que les banques américaines doivent immédiatement lever 200 milliards de dollars. Qui donc écoute BlackRock lors que son CEO indique ne pas s'attendre à une reprise en V de l'économie? Le parti démocrate et Monsieur Mnuchin sont loins de s'entendre sur un nouveau paquet de mesures de soutien à l'économie, et alors ? Les nouvelles du virus se détériorent rapidement, ce qui faisait frémir la planète il y a si peu de temps semble désormais laisser le marché froid. Le fonds SBA Paycheck Protection Program (qui soutient les PME US), doté de 349 milliards de dollars, est vide mais qui s'en soucie?

La pandémie a ravagé l'économie chinoise. Le PIB du premier trimestre a chuté de 6,8% en glissement annuel, la première contraction depuis des décennies. Les analystes s'attendaient à un recul de 6%. L'économie a en revanche montré une certaine vigueur en mars, avec une baisse de la production industrielle moins importante que prévu, bien que les ventes au détail aient plongé plus qu'attendu.

Nous avons donc une économie qui se délite un peu partout et surtout très peu de visibilité à son sujet, une situation sanitaire globale loin d'être réglée et un marché des actions en état de quasi euphorie ce matin, après l'annonce que la compagnie Gilead (GILD +2,56% en séance et régulière et +17% après la clôture) aurait trouvé la solution au COVID-19. La publication médicale Stat annonce que les patients atteints de COVID-19 sévère et traités à Chicago avec le médicament expérimental de Gilead «remdesivir» récupèrent rapidement de la fièvre et des symptômes respiratoires. En Asie, tout est vert, Tokyo clôture en hausse de 3,13%, Hong Kong progresse actuellement de 2,5%, Shanghai de 1,14% et Séoul de 3,16%. Le future SPX avance de 3% et l'Europe est indiquée en progrès de 3,2%. De nombreux secteurs US bondissent hier soir après la clôture, suite à l'annonce sur Gilead. Parmi eux les hôtels, les restaurants, les compagnies de croisières et aériennes, les casinos, les planificateurs d'événements, les parcs d'attractions et les clubs de santé.

Le rendement de l'emprunt US à 10 ans reste stable à 0,66%, l'or est délaissé et repasse à l'instant sous la barre des 1700 dollars par once et le pétrole a cassé les 20 dollars par baril de WTI Light Crude, actuellement à 19,66 dollars. Le dollar n'est plus recherché, la paire eur/usd à 1,0854.

Les ventes de Louis Vuitton ont chuté de 17% au premier trimestre, en ligne avec les prévisions d'une baisse de 10 à 20%. L'Oréal annonce que ses ventes ont diminué de 4,8%. Le fabricant de cosmétiques déclare que les ventes en Chine sont passées positives en mars et sont en voie d'atteindre un gain de 5 à 10% ce mois-ci, tandis que LVMH espère une reprise en mai ou juin. Boeing décolle de 7% après la clôture, l'avionneur va recommencer à fabriquer des avions dès la semaine prochaine. Broadcom annonce que ses clients doivent passer commande six mois à l'avance, ce qui pourrait profiter aujourd'hui à des titres comme ASML, Infineon ou encore ST Micro. Les banques d'investissement européennes vont pouvoir souffler, la BCE (Banque Centrale Européenne) assouplit les règles quant à leur capital. En parallèle, les ministres européens des finances demandent aux banques de ne pas payer de dividendes. C'est une demande, pas un ordre. A ce propos, Orange coupe le sien alors que Swatch propose de le réduire de 30%. Roche veut commercialiser son test COVID-19 au début du mois de mai.

On poursuit l'exercice des résultats trimestriels de sociétés US aujourd'hui avec, en exergue, State Street, Schlumberger et Procter&Gamble. Au registre macro-économique, les indicateurs avancés US seront publiés et probablement ignorés par le marché, qui fait les yeux doux à Gilead.

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