Gonet: l'actualité des marchés au 14 juin

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -0,17%, S&P 500 +0,23%, Nasdaq +0,34%, Russell -0,88%, SOX +1,48%, Eurostoxx -1,97%, SMI -0,59%.

Deux dossiers intéressent en premier lieu les investisseurs ces jours, pas vraiment connectés mais cela pourrait être le cas si l’un des deux continue de laisser la peur s’en mêler.

À ma gauche Wall Street, apparemment en forme comme jamais, qui enquille les records comme Usain Bolt il fut un temps, j’y reviens, tout n’est pas aussi rose qu’il n’y parait au joyeux royaume des actions. À ma droite l’Europe, KO debout depuis dimanche passé après la percée de l’extrême droite aux élections européennes, la France polarise toutes les craintes comme l’illustre le spread (la différence) entre le rendement de l’emprunt OAT à 10 ans et son alter ego allemand le Bund. Vendredi soir, il en coûtait 0,47% de plus à Paris qu’à Berlin pour emprunter de l’argent à 10 ans. Ce matin le spread est déjà passé à 0,72%, c’est littéralement énorme, on n’avait plus vu ça depuis 2017, le marché se méfie clairement de plus en plus de la signature française, la plus grande peur est que si le Rassemblement National arrive aux affaires, son programme économique de relance de la demande malmène un budget français déjà chancelant. Les investisseurs ont probablement aussi en mémoire la débâcle anglaise de 2022, le mini budget présenté alors par Liz Truss avait déclenché un carnage rare sur les obligations gouvernementales britanniques. La différence entre Londres et Paris, c’est que la BCE est derrière la seconde citée. Problème: dans un tel cas de figure, les investisseurs ont presque toujours tendance à agir dans un premier temps (vendre la dette française) puis réfléchir ensuite (pleurer un bon coup en général). Ce matin Paris doit payer 3,15% pour emprunter à 10 ans, c’est plus que Lisbonne qui en est à 3,14%.

On peut envisager que la réaction du marché obligataire est exagérée vis-à-vis de la signature française. Rien ne garantit que le 7 juillet au soir le RN dispose d’une majorité suffisante pour gouverner le pays. Ceci dit la débâcle des banques régionales américaines du printemps 2023, accompagnée par la faillite de Crédit Suisse, reste bien ancrée dans les mémoires et peut expliquer en partie une telle défiance, rien ne semble plus impossible dans la psyché collective lorsqu’il s’agit du secteur bancaire d’un pays chahuté, l’ombre de Lehman Brothers n’est pas prête de disparaitre. Société Générale, BNP et Crédit Agricole reculent de 6% depuis lundi.

On revient aux Etats-Unis avec des indices d’actions qui terminent leur journée proches de leur plus haut de la séance hier. Le scénario ne change pas, ce sont les valeurs technologiques qui montrent le chemin vers le ciel, surtout Tesla et Nvidia hier. En parallèle, on observe la bonne tenue de Broadcom après ses résultats, tandis qu’Eli Lilly gagne encore 1,72%. Je me demande comment réagirait le marché si LLY annonçait que son médicament contre l’obésité fonctionne à l’IA… Apple gagne encore 0,55% et, au concours de qui a la plus grosse capitalisation boursière, la firme de Tim Cook dépasse Microsoft à la cloche, de 3 malheureux petits milliards de dollars. On le constate, la frénésie autour de l’IA ne faiblit pas, tout ce qui y a trait de près ou de loin est recherché, j’hésite entre me laisser griser ou m’en inquiéter. Peut-être que la bonne attitude à adopter dans un tel contexte de marché est de se laisser porter par la vague, dont personne sur terre ne sait quand elle s’arrêtera, mais par pitié en portant un gilet…

Le rendement de l’emprunt US à 10 ans recule encore, le marché anticipe une politique monétaire de la Fed plus accommodante. Le 10 ans traite à 4,23% ce matin, le 29 mai il évoluait encore à 4,63%, son prochain support se situe à 4,19%. Le dollar se rebelle pour la millième fois cette année, un peu comme si Chuck Norris défendait fort Alamo à lui seul. Le DXY rebondit à 105,44, sa 50 jours évolue à 105,15. La paire EUR/USD revient à 1,0708. Le pétrole se stabilise à 78,20 dollars le baril de WTI Light Crude tandis que l’or évolue à 2317 dollars l’once.

En observant de plus près les indicateurs internes de marché, on constate que l’indice S&P500 Equal Weight (SPW), qui fait fi de la capitalisation boursière de ses composants et traite donc tout le monde sur pied d’égalité, recule de 0,27% hier alors que le SPX progresse de 0,23%. Cela nous dit une énième fois que ce sont les mastodontes de la tech et quelques firmes de type Eli Lilly qui font le bonheur des taureaux à Wall Street. Techniquement le SPW a testé 5 fois sa moyenne mobile à 100 jours à la baisse avec succès depuis avril, on voit bien ceci dit que la pression vendeuse est présente. L’armée refuse de rejoindre durablement les généraux sur la colline. L’indice des Transports (TRAN) perd 1,07% hier, son prochain support se situe à 14'761 points, clôture à 14'968 pts. Le TRAN est considéré comme un indicateur de marché avancé. La volatilité recule encore, le VIX perd 0,83% à 11,94, il peut envisager 11,52, plus bas cela relève du quasi surréalisme. Enfin le breadth n’est pas convaincant avec un 5/2 pour le SPX et un 3/1 pour le NDX. Seul point rassurant de cette observation, le ratio Put Call rebondit enfin et plutôt fortement, de 0,53 à 0,87, ce qui nous indique que les volumes en options puts redémarrent, c’est à suivre.

La plupart des signaux mentionnés ci-dessus impliquent une consolidation du marché, voire une correction. On sait combien les indices américains peuvent poursuivre longtemps leur folle chevauchée au mépris des signaux d’alarme envoyés. On sait donc qu’on ne sait pas quand la vague haussière prendra fin, ou marquera une pause plus ou moins longue. Notons aussi que la période de «buyback blackout» débute aujourd’hui et prendra fin le 19 juillet. Durant cette période les firmes américaines n’ont pas le droit de racheter des actions propres. La volatilité du marché est si faible actuellement qu’elle permet de protéger une exposition au SPX, par exemple jusqu’au 20 septembre avec un strike à 5300 points (clôture hier à 5433 pts) à un coût de 1,2%, c’est extrêmement bon marché, les investisseurs détenant des actions depuis un certain temps sont assis sur des bénéfices non réalisés importants, pourquoi donc ne pas rendre un chouia de ces profits au marché pour s’acheter une assurance et passer un été serein?

Le yen tombe à son plus bas niveau en six semaines après que la BOJ a maintenu son plan d'achat d'obligations inchangé, déclarant qu'elle déciderait d'un plan détaillé pour réduire ses achats lors de la prochaine réunion en juillet. Le taux de référence est maintenu dans une fourchette comprise entre zéro et 0,1%, comme cela était largement attendu.

Les partis français de gauche uniront leurs forces lors des prochaines élections, les sondages montrant que la nouvelle alliance pourrait former le deuxième bloc le plus important derrière le Rassemblement national de Marine Le Pen. C'est un nouveau coup porté aux chances d'Emmanuel Macron de sortir de l'élection avec une emprise plus ferme sur le gouvernement.

Au Royaume-Uni, Le parti réformateur de Nigel Farage atteint 1% dans un sondage YouGov, un point devant les conservateurs et les poussant à la troisième place. Le parti travailliste reste largement en tête avec 37%.

Au menu macro-économique du jour, la seconde estimation de l'inflation en France en mai sera accompagnée du sentiment de confiance des consommateurs de l'Université du Michigan à 16h00.

Accor et LVMH ont conclu un partenariat stratégique en vue d’accélérer le développement d’Orient Express. UBS céderait les activités chinoises du Crédit Suisse à un fonds d'état. Adobe flambe de 15% hors séance après ses trimestriels. New York Community Bancorp a acquis les actifs de Signature Bank pour une valeur totale de 37,8 milliards de dollars. GameStop reporte la réunion des actionnaires au 17 juin après des difficultés techniques. Wells Fargo a licencié des banquiers qui avaient organisé un système pour faire croire qu'ils étaient devant leurs postes alors qu'ils tiraient au flanc.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse à l’exception de Hong Kong, qui recule de 0,69%. Tokyo progresse de 0,24% à la cloche, Shanghai avance de 0,12%, Séoul grappille 0,13% et le Nifty50 monte de 0,19%. Le future SPX est inchangé et l’Europe ouvre en repli de 0,1%, à noter que le CAC40 glisse de 0,7%. 

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